Survivre au Mal
Le Chien qui fume 10h30, durée 1h25, du 7 au 30 juillet Relâches : 12, 19, 26. Réservations : 04 84 51 07 48
Le 21 octobre 1943, Germaine Tillion (entrée au Panthéon en 2015) est déportée à Ravensbrück pour faits de résistance. En octobre 1944, et alors qu’il est interdit d’écrire, Germaine Tillion cachée, rédige Une opérette à Ravensbrück. Une revue qui met en scène la conférence d’un naturaliste décrivant « l’espèce » particulière des déportées nommées « Verfügbar » (elles refusent de participer à l’effort de guerre nazi et sont assignées aux travaux les plus pénibles du camp). Face à ce conférencier, pour qui elles sont sujet d’étude, les prisonnières chantent, dansent, pour résister et redonner vie à leur corps et à leur âme.
« Survivre, notre ultime sabotage » écrira Germaine Tillion en 1946.
Pour notre équilibre, comment est-il possible d’associer l’horreur absolue des camps avec la légèreté salvatrice du « spectacle » ? Un trouble schizophrénique saisit le spectateur par le va-et-vient constant entre le conférencier représentant d’un ordre qui refuse l’humanité même de ses objets d’étude et les « déportées chanteuses ». Un dispositif scénique particulièrement habile permet aux Verfügbar de vivre deux espaces, celui de l’univers concentrationnaire et celui de l’échappatoire musicale. L’incarnation physique de ces personnages est un défi d’une éperdue difficulté.
Cela aurait pu aboutir à un exercice vécu comme une insulte à la mémoire ou comme un pathos d’un rare ennui. Les cinq comédiennes incarnant les Verfügbar et le comédien personnifiant le conférencier évitent avec brio ces écueils. Leur justesse de ton stupéfiante parvient à nous rendre supportable cette situation improbable et tragique. Les applaudissements répétés d’une salle conquise en sont l’illustration. N’oublions pas les lumières et la musique qui s’insèrent parfaitement dans le dispositif.
Si vous voulez vivre un intense moment de théâtre où l’espoir déterminé peut dépasser l’horreur et le tout avec « légèreté », alors hâtez-vous d’appeler le Chien qui fume car les réservations vont bon train. N’hésitez pas !
Alain. Photo Xavier Cantat
Laisser un commentaire