Félicien David, enfin !
Dimanche 2 octobre 2022, 16h30, Collégiale Saint-Agricol, Avignon. Concert de musique sacrée : Chœurs romantiques provençaux et germaniques. En partenariat 7e Semaine provençale d’Avignon, avec Musique sacrée/Orgue en Avignon.
Félicien David, Six motets religieux pour chœur mixte et orgue. Luc Antonini, Elegie I, motet sur « O salutaris hostia », à la mémoire de Félicien David, pour chœur mixte et orgue (création). Félix Mendelssohn, Salve Regina, pour soprano solo et orgue. Félix Mendelssohn, Trois motets pour voix de femmes op.39. Félix Mendelssohn, Beati mortui pour voix d’hommes op. 115 n°1. Félix Mendelssohn, Hymne Hör’ mein Bitten, Herr, pour soprano solo, chœur et orgue
Luc Antonini, orgue. Choeur Cum Jubilo. Jean-Pierre Lecaudey, direction
Félicien David, enfin ! Voilà bien des années que j’attendais ce moment, que Félicien David, compositeur vauclusien, né à Cadenet en 1810, dont une rue longeant l’Hôtel de Ville porte le nom, mais depuis trop longtemps ignoré, soit enfin joué à Avignon. Le cadre de la Semaine Provençale d’Avignon était une opportunité, et je dois particulièrement remercier ici Luc Antonini, Jean-Pierre Lecaudey et le Chœur Cum Jubilo d’avoir exaucé notre souhait.
Félicien David commença sa carrière à la Maîtrise de la cathédrale Saint-Sauveur d’Aix-en-Provence et y devint maître de chapelle. C’est là qu’il écrivit, à l’âge de 19 ans, les six motets proposés ce jour. Monté à Paris, pour approfondir ses connaissances au Conservatoire, qu’il ne fréquenta qu’un an et demi, il rejoignit fin 1831 le mouvement saint-simonien dont il devint le musicien attitré. Il s’en suivit un voyage de 2 ans de la Turquie à l’Egypte, où il nota airs et rythmes qui lui servirent ensuite dans ses compositions. Il fut ainsi l’un des premiers à introduire l’orientalisme dans la musique française, voire européenne. Il fut aussi l’inventeur de l’ode-symphonie. Parmi ses œuvres, sont à noter 2 odes-symphonies, dont son chef-d’œuvre Le Désert, dirigé par Berlioz en 1845, 2 oratorios, 3 symphonies, plusieurs trios, quatuors et quintettes, des mélodies et pièces pour piano, 4 opéras-comiques et un grand opéra. Musicien reconnu à son époque, il prit la suite de Berlioz à l’Institut de France (1869) et reçut le grade d’officier de la Légion d’Honneur (1862). Provençal d’origine, Frédéric Mistral ne l’oublia pas et en fit, en cette même année 1862, l’un des 50 premiers félibres. Félicien David est décédé en 1876 à Saint-Germain en Laye.
Pour ce concert, le chœur mixte Cum Jubilo, composé de 15 chanteuses et chanteurs, se tenait à la tribune d’orgue, leur prestation et celle de l’organiste étant projetées sur grand écran placé en avant du chœur de l’église.
Les six motets religieux pour chœur mixte et orgue de Félicien David étaient donc au programme. La belle homogénéité et complémentarité des voix mêlées au jeu de l’orgue a su les mettre en valeur et dévoiler des œuvres bien écrites et dignes d’intérêt, qui furent appréciées du public et des interprètes eux-mêmes, ravis de cette découverte. Furent donnés successivement les motets Coeli enarrant, Sub tuum, d’une sereine douceur, Angelis suis Deus, conquérant et lumineux, le subtil Omnes gentes, un Pie Jesu, pièce la plus remarquée, recueilli, chanté avec conviction et faisant la part belle aux voix féminines, et pour finir, un O Salutaris hostia, jouant lui aussi dans la sérénité et le recueillement.
Cette dernière pièce permettait de faire le lien avec la création qui suivait de l’œuvre de Luc Antonini, Elégie I à la mémoire de Félicien David, pour chœur mixte à quatre voix et orgue, une commande de la SACEM, écrite sur ce même texte. Ce motet, dont la composition a plutôt utilisé des techniques du 20ème siècle et le système modal, n’a pas la forme fréquente du motet chanté avec accompagnement d’orgue, mais « celle d’une alternance entre le chœur très souvent a cappella et l’orgue soliste qui commente les interventions du chœur », comme le précise Luc Antonini dans sa présentation. Le tempo est retenu, méditatif, l’orgue, imprimant une certaine gravité, montant parfois en puissance, alterne avec les voix féminines, puis le chœur mixte, parfois les rejoint. L’ensemble m’a personnellement laissé l’impression d’une œuvre plus proche de nous, dans le temps, que celle de David, une atmosphère de style français de la fin 19ème siècle. Agréable à l’oreille, loin de certaines agressivités contemporaines, nous dirons qu’elle a plu et qu’elle entrait parfaitement en harmonie avec le reste du programme. Une réussite donc que cette composition à laquelle Luc Antonini nous a avoué avoir pris du plaisir, bel hommage à Félicien David.
La deuxième partie du concert nous offrait plusieurs œuvres de Mendelssohn, toujours admirablement servies par le chœur, son chef et l’organiste. D’abord un Salve Regina pour soprano solo et orgue. Certains auraient préféré un soprano plus léger et séraphique pour ce genre de musique, mais j’avoue avoir été convaincu par le soprano lyrique, au chant bien maîtrisé, de Raphaèle Andrieu.
Le chœur féminin a su rendre toute la beauté, la fraîcheur, la grâce des trois motets pour voix de femmes et orgue, écrits à Rome pour des religieuses françaises. Le court Beati Mortui nous a laissé entendre un chœur d’hommes remarquable.
L’hymne Hör’ mein Bitten, Herr, en allemand, lui, développait, pour notre plaisir, le dialogue entre le chœur et la soprano, Raphaèle Andrieu, qui, la voix fort sollicitée pendant ce concert, laissait échapper, mais sans dommages pour le résultat d’ensemble, quelques aigus un peu durs.
A un public enthousiasmé, nos interprètes offraient en bis pour terminer un « Alleluia » du Messie de Haendel enlevé et jubilatoire.
Un bel après-midi donc et un espoir, celui de voir Félicien David un peu plus considéré et des interprètes s’intéresser à sa musique de chambre si ce n’est ses œuvres symphoniques, à commencer par son chef d’œuvre Le désert, et pourquoi pas un opéra.
B.D.
Quelques autres rendez-vous musicaux de la Semaine provençale :
-Mardi 4 octobre, 18h, Conservatoire CRR, amphithéâtre Mozart, Conférence-concert « galoubet et virtuosité » par André Gabriel (galoubet-tambourin), avec la participation d’Hélène Andreozzi au piano. Proposé par Parlaren en Vaucluso. Entrée libre dans la limite des places disponibles.
-Mercredi 5 octobre, 17h30, Conservatoire CRR, amphithéâtre Mozart, Les enfants chantent Mistral, Lis enfant canton Mistral. Concert proposé par les élèves de la classe de Théo Pastor (responsable du groupe de musique traditionnelle Bandùra). Entrée libre dans la limite des places disponibles.
-Vendredi 7 octobre, 18h, chapelle de l’Oratoire. Cançons traversièras, concert de polyphonies provençales, par le groupe Tant que li Siam. Proposé par Parlaren en Vaucluso. Entrée libre dans la limite des places disponibles. Renseignements au 06 07 01 69 06.
-Dimanche 9 octobre, 15h, salle Benoît XII. Concert de musiques provençales d’hier et d’aujourd’hui, par le Groupe Escamandre, qui présentera son nouveau CD « Parlo fièr toun prouvençau ». Proposé par Parlaren Païs d’Avignoun. Entrée libre. Renseignements au 06 07 01 69 06.
G.ad. Photo Bertall (F.David) & G.ad.
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