Le père Chave, figure du Festival d’Avignon : la réalisatrice Florine Clap lui rend hommage
Florine Clap est avignonnaise, très attaché à sa ville, son histoire, à son patrimoine, à ses figures emblématiques. Réalisatrice, elle vient de tourner un film sur un personnage dont elle a rencontré la mémoire, vivante, chez de nombreux interlocuteurs lors de ses tournages antérieurs. Ce n’est pas un biopic, ni un documentaire, mais un hommage, vibrant, chaleureux et réservé, comme l’était le père Chave l’inspirateur. Lui qui a tant vécu au sein du festival, qui l’a nourri autant qu’il s’en est nourri, à qui il a consacré un ouvrage enthousiaste. Lui qui vit à travers les 26 minutes de ce film qui sera diffusé sous peu pendant le festival.
Entre le Festival d’Avignon et un jeune prêtre avignonnais, fils de cheminot, ce fut une grande histoire d’amour. Le nom du père Robert Chave demeure attaché à l’entité Foi et Culture, qu’il a créée et fait vivre pendant de longues années – et qui existe toujours -.
Sa personnalité attachante a touché la réalisatrice Florine Clap, au point de lui inspirer un bel hommage cinématographique, tourné début mai, monté début juin : une « flânerie solitaire sur fond d’interview ».
Mais, en amont, ce fut une grande et belle aventure. Florine Clap a tenu d’abord à rencontrer des témoins, des amis, de ce prêtre atypique, qui avait découvert, émerveillé, dans l’univers du théâtre, un monde de beauté, de partage, de fraternité humaine, d’élévation spirituelle ; un émerveillement qu’il partageait avec Jean Vilar l’agnostique, avec qui il avait tissé des liens privilégiés. Les témoignages n’ont pas manqué, dont celui du père Lucien Aurard, un ami proche, qui d’ailleurs l’incarne devant la caméra, avec la même profonde humanité. La réalisatrice s’est lancée également dans un long travail de dépouillement d’archives, photographiques, et surtout radiophoniques, à travers les très nombreux entretiens que Robert Chave avait accordés à Maryse Chauvaux pour RCF-Lumières ; ainsi que la belle Lettre aux artistes, une vraie déclaration d’amour. Un travail impressionnant. Et des phrases dont la profondeur, la justesse, la poésie souvent, ne cessent de parler à notre époque, à chacun de nous, surtout en ce début de Festival, et après deux années de frustration qui ont rendu plus aiguë encore la soif de culture et d’idéal.
Pour aboutir au film, les recherches documentaires ont été assimilées, dépassées. Place ensuite à l’artistique. Impressionnantes aussi se révèlent les longues, très longues pages du script, montrant une détermination rigoureuse. Intégrant quantité de documents d’archives, d’extraits de spectacles, le film construit l’histoire de ce tout jeune prêtre qui, en dépit de sa hiérarchie directe et d’une Eglise frileuse voire hostile aux « baladins » ou « saltimbanques », bâtira inlassablement des ponts entre ces deux mondes apparemment si étrangers l’un à l’autre ; il a éveillé à la culture et à la spiritualité de nombreux Avignonnais, et des artistes, au cours des nombreuses rencontres publiques qu’il organisait tout au long du festival.
Pendant deux semaines, le tournage a investi les lieux patrimoniaux qui portent l’âme du prêtre – Palais des papes, métropole ND des Doms, église des Célestins -, et le film imagine autant qu’il rappelle, avec des « apparitions hallucinées et projections fantasmées sous forme de tableaux mouvants » ; ainsi cette scène très forte, totalement onirique, où Robert Chave se tient au chevet d’un Molière mourant ; ainsi cette autre, où le prêtre se trouve face à l’enfant qu’il était. Et ce « documentaire-fiction » port en titre une phrase de Robert Chave lui-même, « Comme il est beau, l’homme, quand il ose ».
Les jeunes comédiens, qui interprètent le jeune abbé, ou bien Armande Béjart, et qui n’ont pas connu Robert Chave disparu en 2018 à 94 ans, expriment tous leur admiration, et ont été touchés par sa profonde humanité, son humilité, son rayonnement, encore perceptible.
Dans le contexte actuel, souligne la réalisatrice, « le film prend le sens d’une profession de foi artistique, ouverte à l’autre, incarnée par un personnage d’une humanité́ hors norme qui m’inspire et me touche profondément. Robert Chave nous invite à nous émerveiller encore avec l’autre ».
La genèse du film
« Ma découverte du père Chave s’est faite au moment de sa mort, en août 2018, dit la réalisatrice ; […] ma mère m’avait interpellée avec cette formule : « Robert Chave, c’est le prêtre des artistes ». Je ne le connaissais pas mais, depuis lors, tout m’a ramenée à lui ! »
Sur une 1e commande de l’association Foi et Culture courant 2019, un court-métrage de 25 min, Prêtre sur des chemins inconnus, à partir d’une interview radiophonique entre Laure Adler et Robert Chave ; « diffusé avec bonheur à la Chapelle St Louis en juillet 2019 ». Paul Rondin y avait alors bien perçu une « première étape » qui « représente à travers la personnalité d’un homme, une traversée très étonnante dans l’histoire, non seulement du Festival d’Avignon mais aussi de la France d’après-guerre ».
Thierry Hubert producteur au CFRT et de l’émission Jour du Seigneur a vu ce premier film, et a accompagné la réalisation du film définitif, avec 16 techniciens, 11 acteurs, 7 décors. Une production CFRT – France 2.
Les dates à noter
- À Avignon, dimanche 17 juillet à 10h30 au cinéma Utopia-Manutention, projection et rencontre avec Olivier Py, Thierry Hubert et Florine Clap.
- A la télévision, dimanche 24 Juillet à 10h30 sur France 2, diffusion dans le cadre du Jour du Seigneur ; la collection des documentaires d’été 2022, intitulés « Contempler et agir » montreront la complémentarité et l’articulation entre ces deux pôles, « à travers une série de portraits singuliers, connus ou méconnus, ou de communautés» (Thierry Hubert).
La filmographie de Florine Clap (site officiel )
Quelques éléments (films, documentaires…)
- Sous le pont d’Avignon, une étape marquante. Visionner le film :
- Violoncelles, vibrez ! Masterclass de Gautier Capuçon
- Ne touchez pas à l’interrupteur
- Quand je vous caresse – Final cut. Le témoignage d’une aide-soignante
- Foi et culture : semaine d’art au Festival d’Avignon. Elément préparatoire au film sur Robert Chave
- Michel Gauthier. Portrait d’un peintre
- Tournage. Portrait d’une aide-soignante
- L’homme aux cheveux rouges. Portrait posthume du peintre-décorateur avignonnais Boris Daniloff. Sélectionné au MICAF octobre 2021
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