Toujours à la hauteur de sa réputation
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Jeudi 10 novembre 2022, 20h, Opéra du Grand Avignon
Trios avec piano. S. Rachmaninov, trio élégiaque n° 1. R. Schumann, trio n° 1 en ré mineur op. 63. L. Van Beethoven, trio n° 7 en si bémol majeur op. 97, l’Archiduc
Le trio Wanderer (site officiel) n’est plus à présenter, tant il est actif sur les scènes nationales et internationales et que les occasions de l’entendre ne manquent pas. Ce trio, qui fête cette année son 35e anniversaire, et trois fois couronné meilleur ensemble instrumental de l’année par les Victoires de la musique classique, en 1997, 2000 et 2009, a déjà été accueilli plusieurs fois à Avignon, notamment en 2014 et 2016 – où il avait fait le grand écart entre Haydn et Schubert, auquel son nom rend hommage -, avec le même bonheur.
Cette fois encore, en ce jeudi 10 novembre 2022, Jean-Marc Phillips-Varjabédian, au violon, Raphaël Pidoux, au violoncelle, et Vincent Coq, au piano, n’ont pas failli à leur réputation et nous ont offert un concert de belle qualité, nous entraînant dans le voyage intérieur du romantisme, où ils excellent, à travers des compositeurs de trois générations différentes, Beethoven (1770-1827), Schumann (1810-1856) et Rachmaninov (1873-1943).
Le concert débutait par le trio élégiaque n°1 de Rachmaninov, une courte pièce d’une quinzaine de minutes en un seul mouvement, écrite en 1892 par un musicien de seulement 19 ans, influencé par Tchaïkovski et sans doute le premier mouvement de son trio « à la mémoire d’un grand artiste ». Ce trio n°1 ne doit pas être confondu avec le trio élégiaque n°2, beaucoup plus ample, en trois mouvements et d’une durée de 45 mn, écrit fin 1893, sous le choc de la mort de Tchaïkovski.
Bref, l’œuvre qui nous était proposée, d’une forme sonate classique, mérite bien elle aussi son nom d’élégiaque, débutant par un lento lugubre et s’achevant par une marche funèbre empreinte du poids de la fatalité, la partie centrale alternant des épisodes de passion, de nostalgie, de révolte. Les Wanderer, avec sensibilité, dans de beaux dialogues entre les instruments, ont parfaitement su rendre cette atmosphère.
Suivait le premier des trois trios de Schumann, considéré comme son meilleur, écrit en 1847. Au style, pas d’hésitation, on reconnaît d’emblée Schumann, et l’œuvre est effectivement de belle facture. Leur visible complicité, leur virtuosité, leur sens des nuances et leur sensibilité, des instruments de belle sonorité et se mariant bien entre eux ne pouvaient que permettre aux Wanderer, là encore, de triompher de cette œuvre, à l’écriture parfois complexe : un premier mouvement au début dynamique et décidé, puis plus lyrique, présentant des moments d’accalmie comme des moments de réflexion ou d’interrogation, dont un passage plus intériorisé dans les aigus des instruments ; un scherzo sautillant, rapide, joyeux, suivi d’un trio plus retenu avant reprise du premier thème ; un troisième mouvement lent, recueilli, empreint de douceur, enchaînant avec un quatrième ample, vif et optimiste menant à un final éblouissant.
L’Archiduc, le plus célèbre des trios de Beethoven, composé en 1811 et dédié à l’Archiduc Rodolphe d’Autriche, mit lui aussi en valeur les qualités des Wanderer : un premier mouvement vivant, animé, avec ses moments d’engagement ou de délicatesse et ses pizzicatti, ses nuances bien maîtrisées ; un agréable scherzo sautillant et dansant ; un andante rêveur et méditatif, s’animant un moment dans une légèreté restant noble et sérieuse ; un quatrième mouvement enchaîné, vif et décidé, allègre et optimiste, au final rapide et joyeux.
Une telle prestation ne pouvait qu’entraîner l’enthousiasme du public et les bis qu’il appelle. D’abord, pour ne pas oublier les compositrices, la version pour piano, violon et violoncelle (ou flûte) de l’œuvre intitulée « D’un matin de printemps », de Lili (Marie-Juliette) Boulanger (1893-1918), hélas décédée trop jeune de la tuberculose, compositrice bien connue, grand prix de Rome 1913, mais si peu jouée, qui a également donné de cette œuvre une version orchestrale. Excellent choix, belle découverte ! Une sorte de scherzo frais, joyeux, plein de vie, d’un impressionnisme exprimant délicatement les joies de la nature. A réécouter, absolument !
Et le concert s’achevait par la dernière dumka du trio « Dumky » op.90 de Dvorak, un lento maestoso, retenu, parfois pénétré de douceur, mais aussi agité de vifs soubresauts, bien maîtrisé, également, par notre trio d’excellence.
B.D. Photo Marco Borggreve
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