Thomas Enhco, né en 1988, est tombé tout petit dans la marmite de la musique et du spectacle. Dernière génération de la famille Casadesus, il a hérité du talent et de l’énergie familiale. Nourri au classique par sa maman, Caroline Casadesus, et au jazz par son beau-père Didier Lockwood, il est riche de ces deux univers… et de quelques autres. Pas encore trentenaire, il compose son 1er concerto pour piano, qu’il présentera sous peu sur la scène de l’Opéra d’Avignon.
-Thomas Enhco, parlez-nous de ce 1er concerto, qui vous tient évidemment à coeur.
–Ce concerto a été composé à plusieurs moments de l’année 2016, dans des endroits différents du monde : à Paris, à New York, à l’île de Ré, dans la forêt de Fontainebleau, à Montréal, au Maroc, en Tunisie, en Autriche, en Allemagne, à l’île de La Réunion, au Mexique, à Budapest, dans l’avion et dans le train…
Au début, je pensais écrire une pièce courte pour piano et orchestre, d’environ 15 minutes et en un seul mouvement, comme une rhapsodie (l’OPPB m’avait donné carte blanche), mais très vite c’est le rêve d’un vrai concerto pour piano qui s’est imposé, je n’ai pas pu résister !
Le premier mouvement, en ré mineur, comprend deux thèmes principaux : l’un est une série de variations sur un motif mélodique très simple (quatre notes : « mi, la, si bémol, do »), dans un langage rythmique assez complexe à sept temps (parfois 7/8, parfois 7/4), avec une ligne de basse contrapuntique et menaçante, jouée tour à tour par les violoncelles, altos, bassons et clarinettes ensemble et par le piano ; l’autre est une mélodie espiègle et mystérieuse sur un rythme à trois temps, jouée d’abord par la flûte et qui introduit un dialogue entre les sections de cordes et de vents dans des tuttis proches d’un big-band de jazz. Dans ces deux parties, certains passages du piano sont improvisés, soit tout seul soit accompagné. Le premier thème revient pour conclure ce mouvement, avec une sorte de miroir de la ligne de basse du début.
Le deuxième mouvement, en ré bémol majeur, est en fait le premier que j’ai écrit. La mélodie principale m’est venue un soir glacial à Paris alors que je rentrais chez moi en vélib’ ! C’est un chant lyrique à trois temps, très tendre et amoureux mais plein de questions et de mélancolie. La mélodie ne démarre ni ne conclut jamais sur les premiers temps des mesures, elle flotte par-dessus la carrure et le rythme qui la sous-tend. Le piano expose le thème tout seul, rejoint par l’orchestre pour la modulation en mi majeur. Ensuite le piano improvise sur les harmonies, accompagné par les cordes et les bois. Le thème secondaire provient d’une ébauche, écrite au même moment, de chanson que je voulais dédier à ma mère. C’est la clarinette qui la chante, rejointe par les cordes puis par le piano et tout l’orchestre dans un grand crescendo qui précède la cadence, où le piano improvise totalement pendant une durée libre avant de revenir à la partition. Là, j’ai cherché une texture sonore mouvante, comme la houle, avec des éclairs de cuivres et percussions avant le retour du thème principal, joué par le hautbois et le cor anglais. La coda finale est une échappée mélodique et harmonique qui, au dernier moment, revient à la tonalité d’origine.
Le troisième mouvement est le plus sombre, il n’a pas de tonalité principale mais module tout le temps. Les cordes entament un dialogue avec le piano, par un choral (une série d’accords empruntés à un morceau que j’avais écrit il y a des années pour mon trio de jazz*) auquel le piano répond par un motif implacable de deux rythmes superposés (4 et 3). Après plusieurs modulations, le thème principal, en si bémol mineur, entre au piano seul : c’est un chant guerrier, tribal, qui enfle avec l’orchestre et cite le thème secondaire du 1er mouvement (qui n’est plus espiègle mais strident et désespéré) avant un choeur des cordes qui ralentit et apaise. Le violon solo et l’alto solo rappellent la mélodie du 2e mouvement, transformée en mode mineur, comme le souvenir brûlant d’une époque perdue, puis les cordes reprennent le choral initial sur lequel le piano entame une longue improvisation. Il lance ensuite, seul, une série de vagues sur lesquelles la trompette joue le thème principal du 1er mouvement. Le choral revient plus fort, le piano improvise encore dans une spirale que viennent calmer les cuivres avant le retour du thème guerrier. La coda finale est un coup de folie où tous les thèmes se mélangent, se battent et rembobinent le film à toute vitesse.
Le 1er mouvement symbolise pour moi l’aventure, le 2e l’amour et le doute, le 3e le désespoir et la renaissance.
J’ai choisi une instrumentation classique, j’ai voulu y associer des éléments de groove et de rythme propres au jazz, et laisser plein de place à l’improvisation pour le piano.
C’est une aventure totalement nouvelle pour moi que d’écrire pour orchestre (et même de jouer avec un orchestre !) et je suis heureux que nous la vivions ensemble !
*morceau The Outlaw, dans l’album Fireflies.
Le premier mouvement, en ré mineur, comprend deux thèmes principaux : l’un est une série de variations sur un motif mélodique très simple (quatre notes : «mi, la, si bémol, do»), dans un langage rythmique assez complexe à sept temps (parfois 7/8, parfois 7/4), avec une ligne de basse contrapuntique et menaçante, jouée tour à tour par les violoncelles, altos, bassons et clarinettes ensemble et par le piano ; l’autre est une mélodie espiègle et mystérieuse sur un rythme à trois temps, jouée d’abord par la flûte et qui introduit un dialogue entre les sections de cordes et de vents dans des tuttis proches d’un big-band de jazz. Dans ces deux parties, certains passages du piano sont improvisés, soit tout seul soit accompagné. Le premier thème revient pour conclure ce mouvement, avec une sorte de miroir de la ligne de basse du début.
Le deuxième mouvement, en ré bémol majeur, est en fait le premier que j’ai écrit. La mélodie principale m’est venue un soir glacial à Paris alors que je rentrais chez moi en vélib’ ! C’est un chant lyrique à trois temps, très tendre et amoureux mais plein de questions et de mélancolie. La mélodie ne démarre ni ne conclut jamais sur les premiers temps des mesures, elle flotte par-dessus la carrure et le rythme qui la sous-tend.
Le piano expose le thème tout seul, rejoint par l’orchestre pour la modulation en mi majeur. Ensuite le piano improvise sur les harmonies, accompagné par les cordes et les bois. Le thème secondaire provient d’une ébauche, écrite au même moment, de chanson que je voulais dédier à ma mère. C’est la clarinette qui la chante, rejointe par les cordes puis par le piano et tout l’orchestre dans un grand crescendo qui précède la cadence, où le piano improvise totalement pendant une durée libre avant de revenir à la partition. Là, j’ai cherché une texture sonore mouvante, comme la houle, avec des éclairs de cuivres et percussions avant le retour du thème principal, joué par le hautbois et le cor anglais. La coda finale est une échappée mélodique et harmonique qui, au dernier moment, revient à la tonalité d’origine.
Le troisième mouvement est le plus sombre, il n’a pas de tonalité principale mais module tout le temps. Les cordes entament un dialogue avec le piano, par un choral (une série d’accords empruntés à un morceau que j’avais écrit il y a des années pour mon trio de jazz*) auquel le piano répond par un motif implacable de deux rythmes superposés (4 et 3). Après plusieurs modulations, le thème principal, en si bémol mineur, entre au piano seul : c’est un chant guerrier, tribal, qui enfle avec l’orchestre et cite le thème secondaire du 1er mouvement (qui n’est plus espiègle mais strident et désespéré) avant un chœur des cordes qui ralentit et apaise.
Propos recueillis par G.ad.