Samedi 5 juillet 2025, Théâtre du Jeu de Paume. Festival d’Aix-en-Provence (site officiel)
The Story of Billy Budd, sailor, d’après Benjamin Britten
Mise en scène, adaptation, costumes et accessoires, Ted Huffman. Adaptation musicale, Oliver Leith. Direction musicale, Finnegan Downie Dear. Lumière, Bertrand Couderc. Assistant à la direction musicale, Richard Gowers. Collaboratrice à la mise en scène, aux costumes et accessoires, Sonoko Kamimura. Assistante aux costumes et accessoires, Sara Bartesaghi Gallo. Collaborateur aux mouvements, Pim Veulings
Billy Budd, Ian Rucker. John Claggart & Dansker, Joshua Bloom. Edward Fairfax Vere & Squeak, Christopher Sokolowski. Le Novice & La Grand’hune, Hugo Brady. M. Redburn & Le Premier Maître, Noam Heinz. M. Flint & Le Second Maître, Thomas Chenhall
Musiciens de scène : Finnegan Downie Dear, Richard Gowers, Siwan Rhys (claviers), George Barton (percussion)
Billy Budd au Festival d’Aix-en-Provence : l’enthousiasme l’emporte sur la frustration
Avec une grande honnêteté, le Festival d’Aix-en-Provence avait en quelque sorte annoncé la couleur : il ne s’agissait pas à proprement parler de Billy Budd, opéra de Benjamin Britten, mais d’un « opéra de chambre de Oliver Leith et Ted Huffman d’après Billy Budd de Benjamin Britten ». Ceci en prenant d’ailleurs comme titre « The Story of Billy Budd, sailor » pour bien faire la différence. Mais il reste bien difficile pour l’amateur de Britten en général et Billy Budd en particulier de faire abstraction de l’original avec orchestre complet, à l’écoute de cette réduction et adaptation pour quatre instruments, soit trois musiciens aux claviers et un percussionniste. Pendant les premières minutes, où le Capitaine Vere commence à raconter, en flash-back, l’histoire qui mènera à la condamnation puis la pendaison de Billy Budd, on apprécie pleinement les premières mesures, dans son habituel fin tissu orchestral. Mais assez rapidement, la musique s’éloigne significativement de celle du compositeur anglais, l’ensemble des claviers – piano, orgues ou synthétiseurs – produisant régulièrement des sonorités qui peuvent évoquer davantage le groupe Pink Floyd, façon premiers enregistrements des années fin 1960 – début 1970. Les petits bruitages générés intriguent parfois (on pense aussi à la bande sonore du Grand Bleu), mais c’est surtout l’absence d’ampleur, de puissance, de souffle d’un orchestre complet qui peut susciter une certaine frustration chez l’auditeur. La partition originale de deux heures trente minutes est réduite à une heure quarante-cinq minutes environ, une version condensée qui préserve toutefois, sans aucun sentiment de perte, le bon déroulé de l’intrigue.
Cette réserve sur l’aspect musical mise à part, le spectacle réglé par Ted Huffman est absolument formidable d’efficacité et de densité théâtrale. Comme souvent avec le metteur en scène américain (on pense en particulier à L’incoronazione di Poppea de Monteverdi, montée dans ce même petit théâtre du Jeu de paume en juillet 2022), la scénographie est avant tout fonctionnelle, ici principalement un praticable surélevé en avant-scène où se déroule l’action, une sorte de théâtre de tréteaux au plus près du public donc, tandis que les musiciens sont placés à l’arrière. Ce podium figure le pont du bateau, tandis qu’une toile monte par séquences vers les cintres, en guise de voile du navire. Les protagonistes jouent avec naturel, sans exclure la violence des relations entre eux, toujours prête à exploser. Une option prise par le metteur en scène est à signaler : l’homosexualité déclarée de Billy Budd, qui embrasse à pleine bouche le Novice, alors que cette orientation sexuelle reste plutôt suggérée dans le livret original, et non exposée de manière aussi évidente.
Les voix sont également excellentes, d’abord celle de Ian Rucker dans le rôle-titre, baryton à la forte projection, parfois insolente. La basse profonde Joshua Bloom possède bien la noirceur de timbre du sombre John Claggart, brutal et intrigant capitaine d’armes, bouleversé par la beauté de Billy et qui sera à l’origine de la pendaison de ce dernier. Troisième rôle principal, le ténor Christopher Sokolowski en Capitaine Vere fait d’abord entendre des sonorités barytonnales, avant d’émettre des aigus également vaillants. Mais c’est l’ensemble de la distribution qui est à saluer, les artistes prenant d’ailleurs en charge plusieurs rôles, ainsi que les parties chorales. Un spectacle salué au final par un enthousiasme unanime du public.
I.F. & F.J.© Jean-Louis Fernandez
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