Quand le « Cirque du Soleil rencontre l’Opéra », ainsi que le présente la soprano Diane Fourès…
Théâtre La Chaudronnerie, La Ciotat (13) (site officiel), samedi 4 février 2023, 20h, durée 1h15
The Opera Locos (page Facebook)
Mise en scène résidente et collaboration artistique, Dominique Plaideau. Création lumière, Pedro Pablo Melendo et Dominique Plaideau (France). Création costumes / décor / maquillage, Tatiana de Sarabia. Chorégraphie résidente, Caroline Roelands. Régie son, Karim Mechri. Régie plateau, Carole Uzan, Jules Guy et Jonathan Herblay. Régie costumes, Lucie Charrier. Maquillage France, Ophélie Nézan. Production & diffusion : Encore Un Tour
Avec : ténor, Florian Laconi (en alternance avec Tony Boldan) ; mezzo-soprano, Margaux Toqué (en alternance avec Sarah Dupont d’Isigny) ; soprano, Diane Fourès (en alternance avec Mylène Bourbeau) ; contre-ténor, Michaël Koné (en alternance avec Luc-Emmanuel Betton) ; baryton, Laurent Arcano (en alternance avec Florian Bisbrouck)
Nous découvrons cet agréable théâtre ouvert en 2017 dans une ancienne chaudronnerie à La Ciotat, à quelques encâblures du port, et dirigé par Catherine Susini. Bois, métal et grandes baies vitrées lui donnent une chaleureuse sobriété et une belle élégance. L’accueil, le guidage, sont précis mais bienveillants ; les déplacements fluides et disciplinés ; la surveillance permanente de la salle pendant le spectacle est assurée par des agents prêts à intervenir avec discrétion et efficacité. Tous ces détails, qui pourraient n’être qu’anecdotiques, installent une ambiance sereine pour le spectacle, dans une salle en gradins qui assure une parfaite visibilité même s’il faut affronter une hauteur des marches digne du théâtre antique d’Orange !
Un « opéra déjanté »… Un « comic opéra show » à voir en famille… « Cinq chanteurs d’opéra excentriques »… Un florilège de titres dans la presse de tous horizons confirme que « The Opera Locos » déchaînent partout l’enthousiasme. Nous sommes de ceux qui n’avaient pas encore vu ce spectacle, qui tourne avec grand succès depuis plusieurs années, qui a triomphé à Bobino jusqu’au 29 janvier. Entre le 29 janvier et le 4 février, nous avons juste de temps de cueillir au vol quelques impressions du ténor Florian Laconi (voir notre entretien), que nous suivons… depuis 2006 où il incarnait Ferrando (Cosi fan tutte) à Avignon ; et, en 2016, il nous avait longuement parlé de l’opérette et de la comédie musicale à propos du Chanteur de Mexico qu’il était en train de répéter, sous la baguette de Didier Benetti et dans une mise en scène de Jacques Duparc.
En résumé, cinq chanteurs sont réunis pour un concert lyrique ; mais ce sont de drôles de trublions, et la soirée promet des surprises, entre burlesque et émotion ! On passe avec eux de Bizet à Mozart ou Puccini, d’Offenbach à la pop, avec la même truculence, avec la même allégresse, avec le même talent, comme le montrent plusieurs extraits visibles sur le site du théâtre, sur YouTube (dont 18 minutes France Musique, avec la seconde distribution, ) ou autres supports.
Le spectacle fuse tous azimuts, baigné de lumières très colorées, changeantes, très disco. La démythification de l’académisme n’a rien de surprenant dans une époque qui brise volontiers les idoles. Et la démarche est réjouissante, parfois jubilatoire, mêlant les genres avec un bonheur évident. Plonger dans l’opéra comme dans un univers clownesque, avec des situations burlesques qui jaillissent à chaque seconde, et des costumes abracadabrantesques, a de quoi plaire à tous publics, et la (très) jeune génération en ce samedi soir est bien représentée. Néanmoins, nous n’adhérons pas à quelques jeux de scène ostensiblement grivois dans une soirée résolument familiale et bon enfant.
Nous applaudissons en revanche sans réserve la performance des cinq artistes, aussi excellents comédiens que belles voix lyriques, avec un abattage digne d’artistes de revue. Chanter « sérieusement » les plus grands airs d’opéra sans se prendre au sérieux, passer du lyrique au disco, n’est pas pour effrayer ces cinq talents reconnus.
En Alfredo le ténor qui noie dans l’alcool le souvenir de sa gloire passée, Florian Laconi donc, une bête de scène qui fut dans ses premières années… acteur et metteur en scène. Chef de troupe incontesté et chouchou du public, il régale la salle des tubes de son répertoire – oui, il a attrapé avec maestria le contre-ut attendu dans le « vincero » de « Nessun dorma » (Turandot) -, lui que Alain Duault appelle « le plus pop des chanteurs lyriques ».
Dans le rôle de la jeune ingénue, « l’hystérique qui rit tout le temps » (dixit Margaux Toqué), la soprano Diane Fourès, qui, à la fois chanteuse, danseuse, violoniste, polyglotte… et titulaire d’un master en marketing, pétille de mille vies en une ! Elle joue avec facilité de différents registres sans dévier d’une belle ligne de chant. Ténor et soprano forment évidemment le duo romantique par excellence, et nous nous laissons prendre à quelques moments de véritable émotion.
Le baryton Ernesto, lui, est « un homme psychorigide que rien ne fera sortir du droit chemin… quoi que ! » ; c’est Laurent Arcano qui lui prête sa voix, lui qui est passé de Schubert en musique de chambre à la scène jubilatoire des Opera Locos. Il est forcé à une prouesse entre voix de poitrine et voix de tête, dans laquelle son personnage trébuche parfois : il faut une sacrée maîtrise à un artiste pour rater son numéro !
La mezzo-soprano (Margaux Toqué), elle, porte évidemment à la scène le nom de Carmen ; séductrice, féline, excentrique et frisant une nymphomanie émouvante, elle ne laisse pas de réussir quelques airs au timbre bien senti.
Mais l’heureuse surprise est venue pour nous du contre-ténor Michaël Koné : un rôle de grand escogriffe, un tantinet fofolle, réduit à des gesticulations et acrobaties de baryton, et irrésistible dans du pop-rock, un genre qui aime cultiver les voix très aiguës… Jusqu’à ce qu’arrive un air sublime – j’avoue avoir oublié lequel – de falsettiste du plus beau cru, qui donne des frissons ; voilà un artiste qui a étudié piano, violoncelle, orgue, art dramatique, avant de passer au chant, et qu’on a une furieuse envie d’entendre dans un vrai concert baroque : de l’abattage, de la présence, un ambitus exceptionnel, et un timbre qui vous enchante…
Une soirée fort sympathique, joyeusement menée, malgré les quelques réserves, et une prestation de très grande qualité, en « live » sur bande-son, et applaudie avec enthousiasme. Un voyage réjouissant au pays de l’opéra, qui jamais ne dévalorise son objet.
G.ad.
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