En jeans et baskets,totalement réinventé…
Dans le cadre de la Semaine d’art en Avignon, Festival d’Avignon, Complexe socioculturel de La Barbière, Avignon
Andromaque à l’infini, d’après Jean Racine. Mise en scène, Gwenaël Morin.
Avec Sonia Hardoub, Mehdi Limam, Emika Maruta, Barbara Jung
Spectacle itinérant : tournée 2020-21
- Avignon, Une Semaine d’art en Avignon (24-31 octobre 2020). Toutes représentations à 18h (horaire couvre-feu), durée 1h20
- 24 & 25 octobre, complexe socioculturel de La Barbière, Avignon
- 26 octobre, salle des fêtes, Barbentane
- 27 octobre, salle polyvalente, Saze
- 29 octobre, pôle culturel Camille Claudel, Sorgues
- 30 & 31 octobre, chapelle des Pénitents blancs, Avignon
- Strasbourg, TNS. Horaires couvre-feu à préciser
- 4-7 novembre, I-TNS, salle Gignoux
- 10-14 novembre, théâtre de Hautepierre
- Brive, L’Empreinte, Scène nationale de Brive-Tulle (3-8 décembre 2020). Horaires à préciser
- 3 décembre, théâtre de la Grange
- 4 décembre, Neuvic (scolaires), Ayen
- 5 décembre, Tarnac,
- 6 décembre
- 8 décembre,Allassac
Voir aussi la Semaine d’art en Avignon (23 à 31-10-2020)
et la Semaine d’art dramatique de Jean Vilar (1947)
Dans le cadre de la Semaine d’art en Avignon, le Festival propose une relecture d’ Andromaque, en texte intégral, qui bouscule et réinvente la pièce. Le souffle décapant de jeunes comédiens de « 1erActe », issus de ce qu’on appelle « la diversité ». Salutaire et revigorant.
Oublions tout ce que nous savons, et attendons, d’Andromaque : décors somptueux d’un palais peut-être oriental, costumes Grand Siècle, délicatesse ciselée, parfois précieuse, du vers racinien. Et laissons-nous bousculer.
Etonnement, incompréhension du public, dans un lieu qui pourtant n’est pas spécialement conformiste et académique, le centre socioculturel de La Barbière à Avignon où se joue la première, à mille lieues du public pour lequel la pièce a été écrite. Sur les gradins qui n’ont pas fait le plein malgré la demi-jauge sanitaire, on devine des expressions décontenancées derrière les masques, et un couple quittera même la séance à mi-parcours, tandis que d’autres resteront ostensiblement réfugiés dans le texte distribué.
Et pourtant c’est dans cette configuration que la pièce prend sa pleine puissance, et les applaudissements nourris, in fine, confirment la légitimité de cette relecture.
Sur les murs, certes, quelques documents faussement scolaires ravivent les souvenirs de lycée : les personnages, la géographie, le texte complet de la pièce – par ailleurs en libre service pour le public en format et papier journal, d’où quelques froissements pendant la représentation -, le tableau démultiplié de Tiepolo…
Mais c’est ailleurs qu’il faut trouver la vérité, la sève, la substance, de cette Andromaque-là. Cette nième adaptation de la pièce – d’où le titre -, Gwenaël Morin l’a confiée à quatre jeunes, bénéficiaires d’un programme d’insertion professionnelle prônant la diversité, qui endossent indistinctement chacun des rôles, ni assignés ni genrés. En jeans et baskets, sans décor, ils entrent et se campent, immobiles, presque hiératiques, deux à deux, d’un bout à l’autre de l’espace scénique. Chacun connaît l’intégralité des 1648 vers de la pièce et s’en empare magistralement. L’alexandrin porte donc en lui cette force, cette puissance ? Il existe donc, langage vivant, langage d’aujourd’hui, aussi expressif que tous les idiomes inventés après lui ? S’affranchissant grâce à ces jeunes à la diction parfaite, de la régularité des rimes, de l’académisme des hémistiches, des césures et des diérèses, il prend donc chair dans ces bouches et ces corps qu’il habite et fait vibrer.
Mehdi, Sonia, Maruta, et Barbara en faux coach, réinventent, parfois jusqu’au cri et aux larmes, la rigueur élégante de la langue, la violence des sentiments, la rudesse des affrontements. C’est sobre, intense, bouleversant. Avec la montée de la tension dramatique, le rythme s’accélère, les acteurs se déploient dans l’espace, se rapprochent et se heurtent, jusqu’à l’acmé puis l’effondrement final. Une très belle leçon de spectacle vivant.
G.ad. Photos Christophe Renaud de Lage (Festival d’Avignon)
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