Salomé, opéra de Richard Strauss, Festival d’Aix-en-Provence, au Grand Théâtre de Provence (05-07-2022)
Direction musicale, Ingo Metzmacher. Mise en scène, Andrea Breth. Décors, Raimund Orfeo Voigt. Costumes, Alexandra Charles. Lumières, Alexander Koppelmann. Dramaturgie, Klaus Bertisch. Chorégraphie, Beate Vollack
Elsa Dreisig (Salome) ; Gábor Bretz (Jochanaan) ; John Daszak (Herodes) ; Angela Denoke (Herodias) ; Joel Prieto (Narraboth) ; Carolyn Sproule (Ein Page der Herodias) ; Léo Vermot-Desroches (Erster Jude) ; Kristofer Lundin (Zweiter Jude) ; Rodolphe Briand (Dritter Jude) ; Grégoire Mour (Vierter Jude) ; Sulkhan Jaiani (Fünfter Jude / Zweiter Soldat) ; Kristján Jóhannesson (Erster Nazarener / Ein Kappadozier) ; Philippe-Nicolas Martin (Zweiter Nazarener) ; Allen Boxer (Erster Soldat) ; Katharina Bierweiler (Eine Sklavin)
Orchestre de Paris
Chant policé d’Elsa Dreisig, réussite des autres solistes et orchestre, mais la mise en scène est loin d’avoir fait l’unanimité.
La réalisatrice Andrea Breth s’était déjà produite au festival d’Aix-en-Provence en juillet 2019 pour un formidable Jakob Lenz du compositeur contemporain Wolfgang Rihm, une production réellement « coup de poing », créée antérieurement à Stuttgart en 2014. Elle revient au Grand Théâtre de Provence, cette fois pour la première de sa mise en scène de Salomé de Richard Strauss, avec à nouveau un tulle noir qui ferme le cadre de scène pendant toute la durée du spectacle, élément malheureusement défavorable à la proximité visuelle entre le plateau et le spectateur. Au bilan, le spectacle est de facture plutôt classique, sans grande fulgurance mais avec quelques idées originales. Le plateau est noir et se craquèle par moments comme un volcan qui va entrer en éruption, Jochanaan (le prophète Jean-Baptiste) n’est pas enfermé dans la citerne mais reste visible dès son entrée en scène, la partie supérieure du corps dépassant du sol avec un corbeau posé sur son épaule. Plusieurs boîtes de décors passent successivement sur le plateau, en particulier celle qui prend toute la largeur de l’avant-scène où Salomé, Hérodes et Hérodias sont attablés, la tête de Jochanaan étant déjà posée sur un plateau, le chanteur étant en fait caché sous la table. Le monologue final de Salomé se déroule dans un autre caisson, une sorte de salle de bain délabrée aux carrelage blanc et néons blafards, Salomé tenant une bassine sanguinolente réputée contenir la tête du prophète. On a toutefois rarement vu un peu plus tôt une « Danse des sept voiles » si peu dansante, une grande économie de mouvements qui jure avec la musique qui se déchaîne par moments.
Le rôle-titre est assurément l’un des plus exigeants du répertoire, et Elsa Dreisig chante et joue très bien le rôle de Salomé, alternant entre aigus filés et notes à pleine puissance, sans avoir l’air ni de forcer ses moyens, ni de se mettre en difficulté dans le registre le plus aigu. C’est justement ce chant policé qui fait peut-être la différence avec les très grandes titulaires du rôle qu’on a dans l’oreille, certaines mettant une dose de folie, voire d’animalité dans leur émission. Le contraste est évident lorsqu’on entend John Daszak en Herodes, le ténor projetant ses notes avec une vigueur insolente, quitte parfois à se mettre en danger dans l’extrême aigu. Les moyens d’Angela Denoke en Herodias ne sont plus ceux d’il y a quelques années et il faut parfois tendre un peu l’oreille, même si la chanteuse ne rencontre pas de problème majeur. Le baryton-basse Gábor Bretz (Jochanaan) développe quant à lui un grain de voix noble, et l’on peut penser que les plus grands rôles wagnériens l’attendent dans le futur. Tous les autres rôles sont très bien défendus, en tête le ténor Joel Prieto (Narraboth) et la mezzo Carolyn Sproule (Page d’Hérodias).
Un grand coup de chapeau enfin à Ingo Metzmacher, à la tête d’un Orchestre de Paris en pleine forme, et décidemment très sollicité puisqu’il jouait la veille la 2ème Symphonie de Mahler Résurrection au Stadium de Vitrolles. Le chef sait obtenir le meilleur des musiciens, en termes de concentration, de cohésion et d’interprétation. Il installe de grands contrastes entre les petites phrases ciselées et les passages de la partition d’un grand brillant, en particulier pour ce qui concerne les pupitres de cuivres. Le public acclame l’équipe artistique au rideau final, avec quelques huées à l’encontre d’Andrea Breth et son équipe, qui nuancent l’appréciation de la réalisation visuelle.
I.F. Photos Bernd Uhlig
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