Pour un regard original sur Rusalka, c’en est un… et réussi !
Opéra Grand Avignon (site officiel), vendredi 13 octobre 2023, 20h ; dimanche 15 octobre, 14h30. Durée 3h
2e édition d’Opéras au Sud, initiative régionale de la production lyrique
Rusalka (1900), conte lyrique en 3 actes d’Antonin Dvořák (1841-1904). Livret de Jaroslav Kvapil d’après Friedrich de la Motte-Fouqué (Ondine) et Hans Christian Andersen (La petite Sirène).
Créé le 31 mars 1901 au Théâtre national de Prague. Chanté en tchèque et surtitré en français. Edition Bärenreiter
Direction musicale, Benjamin Pionnier. Mise en scène, costumes et scénographie, Jean-Philippe Clarac et Olivier Deloeuil. Collaboration à la scénographie, Christophe Pitoiset. Costumes réalisés dans les Ateliers de l’Opéra Grand Avignon. Lumières, Rick Martin. Vidéo, Pascal Boudet et Timothée Buisson. Graphisme, Julien Roques. Collaboration artistique, Lodie Kardouss. Dramaturgie, Luc Bourrousse. Études musicales, Ruta Lenciauskaite.
Le Prince, Misha Didyk. La Princesse étrangère, Irina Stopina. Rusalka, Ani Yorentz Sargsyan. L’Esprit du lac, Wojtek Smilek. Ježibaba, Cornelia Oncioiu. Le garçon de cuisine, Clémence Poussin. Première nymphe, Mathilde Lemaire. Deuxième nymphe, Marie Kalinine. Troisième nymphe, Marie Karall. Le garde forestier / La voix d’un chasseur, Fabrice Alibert
Avec la participation des nageuses artistiques Eugénie Apostolo, Claire Droalin, Coline Gaillard, Sarah Gosio, Mélanie Pernin, Laura Viala
Chœur et Ballet de l’Opéra Grand Avignon
Chœur de l’Opéra de Toulon Provence-Méditerranée
Orchestre national Avignon-Provence
Nouvelle production à l’initiative de la Région SUD.
En coproduction avec Arsud, Opéra de Marseille, Opéra de Nice et Opéra de Toulon Provence-Méditerranée. En collaboration avec le collectif Le LAB.
Avec le concours de la Ville d’Avignon, du Stade nautique d’Avignon et de Cercle des nageurs d’Avignon.
Autour du spectacle : exposition Divinités des eaux ; conférence ; immersion ; prologue
D’Antonin Dvořák, compositeur tchèque (1841-1904, on connaît davantage le Stabat Mater, douloureusement inspiré par la mort de trois de ses enfants, et surtout sa célèbre Symphonie du nouveau Monde, ou encore son Quatuor américain, quand il sera devenu le chef d’orchestre du Conservatoire de New-York. Quant à Rusalka, sa seule œuvre lyrique, c’est l’Opéra de Marseille, en 1982, qui l’avait été créée en France, plus de 80 ans après sa composition.
Deux contes sont à l’origine du livret : Ondine de Friedrich de la Motte-Fouqué et La petite Sirène, de Hans Christian Andersen.
Tous deux évoquent la lente évolution d’une fillette, ou jeune sirène, vers son état de femme. C’est cette acquisition progressive de la féminité, qui, aujourd’hui encore ne va pas de soi et ne se vit pas toujours comme un long fleuve tranquille, qui a intéressé le metteur en scène en ouverture de la saison lyrique avignonnaise. Il a choisi de situer l’action dans le monde de la natation féminine, avec des créations vidéo originales, tournées en piscine. L’œuvre, de 3h, sera chantée en tchèque et surtitrée en français.
G.ad. Photo Cédric Delestrade
Note d’intention
De la fragile Petite Sirène d’Andersen à la romantique Rusalka de Dvorak, des fantaisies nautiques hollywoodiennes d’Esther Williams au monde cruel de la natation synchronisée d’aujourd’hui, il n’a jamais semblé facile, pour une jeune fille, de construire sa féminité aux abords des bassins de nage.
Et, dans l’opéra de Dvorak comme dans les vestiaires de nos piscines modernes, on peut véritablement parler d’une injonction à la féminité, tant la pression exercée sur les adolescentes, au 19ème siècle comme de nos jours, y reste constante, archétypale, et cruelle.
Au bord d’un bassin de nage étrangement vide, et dans une atmosphère à l’onirisme pop, proche du « Pull marine » de Serge Gainsbourg et Luc Besson, notre intention est bien de mettre en scène le conte de fées tragique consubstantiel à la partition de Dvorak, en respectant totalement ses fantaisies, et sa dimension surréaliste.
Le parcours initiatique de Rusalka, jeune ondine devenant une « vraie » femme, conservera bien tous les effets de son caractère fantastique. Dans un dialogue constant entre l’action scénique et les vidéos, le monde des ondines passera du majestueux Stade Nautique d’Avignon aux berges boueuses d’un étang du Médoc.
Autour de la jeune fille forcée au mutisme (Rusalka), des adolescentes sportives et délurées (les Nymphes des bois), une femme de ménage résolument ancrée dans le réel (Jezibaba), ou encore une femme fatale à la séduction affirmée (la Princesse étrangère)… Elles sont toutes là, ondines modernes, femmes qui parlent trop ou élégantes spectatrices muettes, dans une représentation qui, comme toujours dans notre travail, deviendra une invitation à « tester le présent ».
En situant cette nouvelle production de Rusalka dans l’univers de la natation synchronisée, nous espérons mettre en scène la difficile naissance de la féminité d’une jeune fille fragile, perçue sous son jour le plus émouvant, mais aussi le plus cruel.
C’est l’histoire d’une jeune nageuse idéaliste et déterminée. L’histoire d’une petite sirène hypersensible, un rien gâtée, mais terriblement attachante.
Jean-Philippe Clarac et Olivier Deloeuil, metteurs en scène
Pour un regard original sur Rusalka, seule œuvre lyrique de Dvořák, c’en est un ! Mais réussi… Sauf erreur c’est l’Opéra de Marseille, en 1982, qui l’avait été créée en France, plus de 80 ans après sa composition. Il semble que l’œuvre soit à la mode : diverses scènes l’ont récemment proposée, comme Metz en juin, bientôt en Allemagne et à l’Opéra Royal de Wallonie à Liège début 2024, ainsi qu’en version jeune public à Prague – cela s’impose ! – dans quelques semaines.
Cette co-production des 4 maisons d’opéra de la région Sud, soutenue financièrement par Arsud, sera à Bordeaux les 8, 10 et 12 novembre, dans une distribution différente, hors Vodnik, l’Esprit du lac (Wojtek Smilek, aux faux airs de Philippe Lucas, entraîneur de Laure Manadou) et la Princesse étrangère (Irina Stopina). Puis elle tournera à Nice (26-30 janvier 2024), ensuite à Marseille et Toulon (dates non communiquées). Les 4 directeurs étaient présents à Avignon pour la création.
Inspirée par deux contes, Ondine de Friedrich de la Motte-Fouqué et La petite Sirène, de Hans Christian Andersen, Rusalka évoque la lente évolution d’une fillette, ou jeune sirène, vers son état de femme. C’est cette acquisition progressive de la féminité, qui, aujourd’hui encore, ne va pas de soi et ne se vit pas toujours comme un long fleuve tranquille, qui a intéressé le metteur en scène en ouverture de la saison lyrique avignonnaise.
Originalité garantie. Ma réserve habituelle sur la modernisation des opéras souvent gratuite et provocante, ne peut ici que voler en éclats. L’inventive équipe du Lab, autour de Jean-Philippe Clarac et Olivier Deloeuil, a choisi de situer l’action dans le monde de la natation féminine, avec des créations vidéo originales, tournées en piscine.
On « plonge » dans une piscine vide, monde fermé s’il en est, et Rusalka se heurte à ses parois (I) avant de découvrir le monde des humains fantasmé mais aussi cruel (II), puis de revenir, doublement rejetée, dans son univers d’origine (III). Les accessoires de fond de bassin, petite piscine à boudins (I), bocal à poissons (II) et baignoire vintage (III) n’empêchent pas la lente dégradation du carrelage qui se délite et s’effrite.
Les projections vidéo, sur rideau de tulle (natation synchronisée filmée au Stade nautique d’Avignon) ou sur fond de scène (monde aquatique), aèrent et dynamisent la perspective. Néanmoins elles participent aussi aux injonctions esthétiques et sociales qui pèsent sur les femmes : les charmantes nageuses aux maillots blingbling, comme les 3 danseuses du Ballet, et comme les 3 nymphes-chanteuses – Marie Karall, Marie Kalinine et Mathilde Lemaire, voix de sirènes auxquelles Ulysse n’aurait pas manqué de succomber, mais en sylphides gymnastes -, comme la silhouette longiligne – robe-fourreau noir et bonnet de bain assorti – de la princesse étrangère (Irina Stopina), dénoncent autant qu’elles subliment les diktats esthétiques d’un monde impitoyable.
Ani Yorentz Sargsyan, dans le rôle-titre, privée de générale par une indisposition, participe pleinement à l’ensemble. Et l’originalité assumée de cette production ne peut laisser indifférent.
G.ad. Photos Studio Cédric Delestrade & Mickaël/ Avignon (n° 1 & 2), et G.ad. (3).
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