Ils l’ont fait…
Opéra Grand Avignon (20 & 22 janvier 2017)
Concert Giuseppe Verdi
Patrizia Ciofi, soprano (biographie ici ; nos entretiens ici) ; Leo Nucci, baryton (biographie ici ; notre entretien ici) ; Luciano Acocella, direction.
Orchestre Régional Avignon-Provence
Nabucco, Ouverture
La Traviata, Duo Violetta / Germont : « Madamigella Valerie… » ; Prélude du 1er acte ; Air de Germont : « Di Provenza il mar, il suol… » ; Air de Violetta : « E strano, sempre libera… »
Luisa Miller, Ouverture
Rigoletto, Air de Rigoletto : « Pari siamo… » ; Duo Gilda / Rigoletto : « Figlia, mio Padre…Veglia oh donna… » ; Air de Gilda : « Gualtier maldè…caro nome… » ; Air de Rigoletto : « Cortigiani, vil razza dannata… » ; Duo Gilda / Rigoletto : « Tutte le feste al tiempo…si vendetta… »
Oui, comme aux Chorégies en 2011, Patrizia Ciofi et Leo Nucci ont bissé, trissé le fameux « Si, vendetta » de Rigoletto. A Orange, ç’avait été une première. A Avignon, sans doute le public l’attendait-il… C’était un final explosif, qui a vu la salle, debout, offrir de longs, très longs applaudissements aux artistes. Au duo de chanteurs d’abord, exceptionnel. A la soprano Patrizia Ciofi qui, après plus de vingt ans de carrière verdienne (mais pas seulement), semble jouer sa vie à chaque note, avec une sensibilité frémissante, avec un timbre clair qui vibre du fond de ses tripes. Au baryton Leo Nucci, héritier d’une tradition de chanteurs hors du commun, sachant passer du velours délicat à la couleur la plus puissante dans son répertoire de prédilection. Au chef Luciano Acocella, complétant le trio italien, qui chante en même temps que les artistes, et sait tenir solistes et orchestre d’une main à la fois vigoureuse et chaleureuse. A l’Orap enfin, enrichi d’instrumentistes supplémentaires, galvanisé par ce plateau prestigieux.
Ce fut une soirée mémorable, avec des tubes comme s’il en pleuvait. Et à la fin de cette soirée qui entraîné le public sur des sommets de qualité vocale, de tension dramatique, et de complicité artistique, les deux chanteurs n’ont pas boudé leur plaisir, de fausses sorties de scène en aigus faussement manqués… Du très grand art chez ces « monstres sacrés », jusque dans la simplicité élégamment facétieuse, confirmée dans les répétitions et dans les rencontres d’après concert.
Le même concert est donné le dimanche. Si le premier aria manquait peut-être de force, en revanche la suite nous a presque fait basculer le cœur au bord des larmes. Preuve s’il en est qu’un duo peut être poignant même hors roucoulements ou déchirements amoureux. Le lien troublant qui se noue entre un bourreau et sa victime, ou l’inquiète tendresse père-fille, ont depuis longtemps placé Traviata et Rigoletto au top trois des œuvres lyriques indétrônables…
J’ai eu la chance et le bonheur d’y assister à la première répétition. Vingt fois sur le métier les artistes remettent leur ouvrage, précisant la tenue d’une note, un tempo, cherchant la perfection…
Concentration, humour, rigueur. Après presque un demi-siècle de Verdi pour l’un, presque un quart de siècle pour l’autre, leur fraîcheur d’interprétation est intacte. En tenue de ville, sans décor, avec le seul piano d’Anna Pechkova, la soprano dont l’agilité va de Haendel au récital sacré en passant par Manon ou Traviata, et le baryton déjà légendaire, n’ont qu’à lancer les premières notes : c’est tout l’univers de l’œuvre qui vous saute au cœur. Et quand ils partent d’un grand éclat de rire, c’est tout le stress qui s’étoile comme un miroir… (G.ad. Photos G.ad.)