« Belle excentrique », mais point trop n’en faut…
Patricia Petibon, soprano. (Biographie ici ; nos entretiens : 2015-2016 ; 2016-2017)
Ensemble Amarillis
Opéra Grand Avignon (7-02-2017)
Programme : « Flammes de magiciennes »
1.« Médée vengeresse et cruelle
Jean-Féry Rebel, Le Chaos (extrait de la symphonie intitulée Les Eléments). Marc-Antoine Charpentier, Médée, Prélude instrumental ; air de Médée : « C’en est fait, on m’y force … ». Marin Marais, Alcyone ; Tempête (extrait). Marc-Antoine Charpentier, Médée, air de Médée : « Noires filles du Styx… » ; les combattants ; air de Médée : « Dieux du Cocyte et des royaumes sombres… » ; seconde entrée des démons ; air de Médée : « Ne les épargnons pas. Ah ! Trop barbare mère… »
2.« Médée amoureuse et humaine »
Marc-Antoine Charpentier, Médée, ritournelle pour les flûtes ; air de Médée : « Quel prix de mon amour… ». Marin Marais, Sémélé, Chaconne
3.« Les tourments amoureux de Circé »
Jean-Marie Leclair, Scylla et Glaucus, air de Circé : « Serments trompeurs… » ; Loure ; air de Circé : « Tout fuit, tout disparaît… »
4.« L’Invocation de Circé »
Jean-Marie Leclair, Scylla et Glaucus, « Ah ! Que la vengeance a de charmes » ; récit accompagné :« Mais déjà de ses voiles sombres… » ; invocation : « Noires divinités… » ; Premier air des démons ; air de Circé : « Brillante fille de Latone… » ; Deuxième air des démons
5.« Du désespoir à la folie »
Jean-Philippe Rameau, Castor et Pollux, Air de Télaïre : « Tristes apprêts… ». Jean-Philippe Rameau, Dardanus, Air tendre : « Calme des sens… » ; Gavotte ; Bruit de guerre. Jean-Philippe Rameau, Les Fêtes de l’hymen et de l’amour, Ariette de l’Egyptienne : « Lance tes traits… ». Jean-Philippe Rameau, Zaïs, Rigaudons 1et 2 ; Entrée des Egyptiens et des Egyptiennes ; Ariette de l’Egyptienne : « L’amant que j’adore… » ; musette en rondeau. Jean-Philippe Rameau, Platée, Air de la Folie : « Formons les plus brillants concerts »
J’avoue être sortie quelque peu mal à l’aise de ce concert – d’ailleurs diversement reçu par le public -, partagée moi-même entre admiration-jubilation et agacement.
Admiration-jubilation devant ce baroque rythmé, jazzy, moderne en diable, comme l’artiste me l’avait annoncé précédemment. Interprété avec un talent – et une simplicité – toujours égaux, par l’excellent Ensemble Amarillis, qu’on avait eu le plaisir de voir et d’entendre en début de saison à La Courroie, à Entraigues-sur-la-Sorgue.
Admiration devant Patricia Petibon, la soprano flamboyante qui porte crânement une robe verte fleurie et pourrait occuper seule l’espace scénique. Une artiste singulière, à la voix prenante, agile, tantôt puissante et colorée, tantôt murmurante et délicate (bis de Michel Lambert, « Vos mépris chaque jour me causent mille alarmes ») ; au visage étonnamment mobile ; aux jolis legatos-zet-vibratos ; aux médiums déchirants (« Noires filles du Styx ») ; à la diction rigoureusement intelligible.
Jubilation devant sa une réelle présence en scène, en un mot une artiste « vivante » suivant son propre adjectif. On en aura un aperçu sur YouTube dans son duo déchaîné avec Olivier Py : « Allons-y, chochotte », d’Erik Satie : https://www.youtube.com/watch?v=FE3zOWi8J4k
Fidèle à l’image de « belle excentrique » qu’elle s’est collée à la peau depuis le CD éponyme de 2014.
Néanmoins…
Je ne peux me défendre d’être agacée par le maniérisme (inhérent à certains aspects du baroque, certes), les grimaces puériles, les plumes qui époussettent le clavecin et chatouillent les musiciens, les danses aux faux airs de flamenco, et flirtant avec danse du ventre… et du popotin. Agacement devant le cabotinage croissant, encouragé par une bonne partie du public, avec appeaux et castagnettes (pourquoi pas ?), sifflet impérieux de chef de gare, aigus jetés-criés, enfantillages (l’énorme cœur sortant du corsage et les oiseaux ornant le décolleté). Une seconde partie presque affligeante. Pauvre Rameau ! Même si ces pièces sont originellement légères et pleines de fantaisie.
Il reste toutefois de cette soirée un magnifique programme de pièces courtes, alternativement instrumentales et vocales, dix-sept musiciens de haut vol, et tout de même une artiste fort sympathique (voir notre entretien), qui a adressé in fine quelques remerciements d’une voix timide, notamment à Raymond Duffaut, soulignant des évidences qui ne perdent rien à être souventes fois rappelées : « On a besoin de lieux magiques, et l’art est indispensable à nos vies ». (G.ad. Photos G.ad.)