« Enchantement britannique, romantisme nordique »
Direction, Quentin HINDLEY. Piano, Éric LE SAGE
Orchestre Régional Avignon-Provence
Edward Elgar, Sérénade pour orchestre à cordes en mi mineur op.20. Edward Grieg, Concerto pour piano et orchestre en la mineur op.16. Félix Mendelssohn, Symphonie n°3 en la mineur op.56 dite “Écossaise”
Après Abdel Rahman El Bacha en octobre, l’Orchestre Régional Avignon-Provence invite un autre pianiste, Eric Le Sage, pour son deuxième concert d’abonnement. Autre talent, autre univers. Après la Russie, l’âme des pays du Nord, avec Elgar (subtile Sérénade), Mendelssohn (Symphonie excellemment interprétée), et Grieg (beau Concerto… mais décevant).
Après Abdel Rahman El Bacha en octobre, l’Orchestre Régional Avignon-Provence invite un autre pianiste pour son deuxième concert d’abonnement, sous le titre « Enchantement britannique, romantisme nordique ». Autre talent, autre univers.
C’est avec une Sérénade pour cordes d’Edward Elgar en mi mineur op 20, (1857-1934), un jeune compositeur anglais de l’ère victorienne, émule de Mendelssohn, que s’ouvre la soirée. Le jeune chef Quentin Hindley, altiste de formation avant de suivre notamment Pierre Boulez ou Paavo, aussi féru de classique que de contemporain, aborde tous les répertoires musicaux au cours d’une carrière très brillante qui l’amène à diriger les plus grands orchestres ; il s’impose de plus en plus sur les scènes internationales et s’investit également auprès de l’Orchestre des Jeunes de la Méditerranée.
La Sérénade pour cordes est une œuvre de jeunesse. Le premier mouvement, d’atmosphère pastorale, est enlevé et gai, baigné d’un charme juvénile ; avec le second mouvement, très émouvant, aux accents mahlériens, le spectateur plonge dans des eaux post-romantiques pleines de couleurs chatoyantes et de profonds mystères ; quant au troisième mouvement, qui n’est pas sans rappeler les accents du premier, il s’agit d’un allegretto assez serein.
La direction expressive, les gestes amples du jeune chef, mettent en valeur le jeu remarquable des instrumentistes. Cette pièce est courte (environ 10 minutes), mais ce sont dix minutes de bonheur !
Place ensuite à l’âme des pays du Nord, illustrée par l’unique concerto pour piano du Norvégien Edward Grieg ; en 1868, le compositeur, alors âgé de 25 ans, est tout illuminé de la présence de son épouse et de leur fille nouvelle-née. Sa fougue, sa virtuosité, sont confiées au soliste Eric Le Sage ; né en 1964 à Aix-en-Provence, formé au CNSM de Paris, celui-ci se produit particulièrement en Occitanie mais on le connaît aussi en Provence comme le co-fondateur, en 1993, du Festival International de Musique de Chambre de Provence – Musique à L’Empéri, à Salon-de-Provence -, avec Paul Meyer (clarinette) et Emmanuel Pahud (flûte) ; pianiste talentueux, il est notamment passionné par Schumann, dont son interprétation, d’après le quotidien allemand Die Zeit, n’est rien de moins que « sensationnelle ». Il a obtenu le grand prix du disque de l’Académie Charles-Cros avec son intégrale des œuvres pour piano et de la musique de chambre de Francis Poulenc. Curieux de pièces méconnues, il a joué sur de nombreuses scènes internationales plus de vingt concertos rares de Dvorak, Schönberg, Britten etc…
En répondant à l’invitation de Philippe Grison, directeur de l’orchestre régional Avignon-Provence, Eric Le Sage était attendu à l’opéra Confluence pour interpréter une œuvre emblématique du romantisme, le très beau Concerto en la mineur, composé en 1869 par Grieg alors âgé de 25 ans ! Malheureusement, l’interprétation du pianiste n’a pas été à la hauteur de sa réputation. Quelques accords ratés… et l’on n’a guère senti de synergie entre le soliste et l’orchestre. Est-ce le tournage des pages électroniques de la partition qui s’est imposé comme une difficulté supplémentaire ? Le romantisme du concerto de Grieg n’a pas opéré comme l’on aurait pu s’y attendre, et c’est dommage ! En revanche, le soliste a offert en bis une très belle page – Davidsbundlertanze, op.6, de Schumann – qui a donné un aperçu de la délicatesse dont il pouvait se prévaloir.
En seconde partie de soirée, l’Orap a interprété la Symphonie n°3 en la mineur op56 dite « l’Ecossaise », l’une des plus populaires des cinq symphonies de Mendelssohn, inspirée au compositeur de 30 ans par un voyage dans les Highlands antérieur de dix ans et qui l’avait fortement impressionné. Cette symphonie avait été en 2012 le 1er concert d’abonnement dirigé par Samuel Jean, tout juste arrivé dans la cité des papes. L’orchestre met parfaitement en valeur le lyrisme sombre imprégné des Highlands et de leurs sites majestueux. Avec une gestuelle très appuyée, Quentin Hindley emporte les cordes, impulse l’intervention des cuivres, guide les bois, il est partout à la fois ! L’orchestre exalte la continuité dramatique de cette partition. Un bis avec une reprise du dernier mouvement a ponctué ce beau moment musical magnifiquement enlevé, avec une brillante énergie qui témoigne de la valeur indiscutable de cette formation qui porte allègrement ses deux cents printemps.
D.B. Photos M.A.
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