Un triomphe
Opéra Confluence, Avignon (25 mai 2018)
Pascal Zavaro, Alia
Maurice Ravel, Concerto en sol majeur pour piano et orchestre
Johannes Brahms, Sérénade n°1 en ré majeur op. 11
Direction, Patrick Davin. Piano, Alexandre Tharaud
Beaucoup de monde s’était déplacé jusqu’en Courtine pour écouter le grand pianiste. Avant l’arrivée d’Alexandre Tharaud sur scène, l’Orchestre Régional Avignon-Provence a ouvert la soirée avec une œuvre contemporaine intitulée Alia de Pascal Zavaro. L’écriture du compositeur trouve ses sources chez Bartok, Stravinski, comme dans le répertoire baroque ou le rock. L’inspiration de cet ancien percussionniste et joueur de marimba s’en trouve tout naturellement influencée.
Alia est née de la lecture d’un texte de la Genèse : Jacob s’endort dans le désert, il voit monter et descendre des anges du ciel avec une échelle. « J’entendais la musique de cette vision » a déclaré le compositeur, « on doit pouvoir se laisser aller dans un monde de couleurs et de mouvements ». D’inspiration très éclectique, cette pièce très colorée est déroutante par sa forme très libre au niveau mélodique.
La soirée placée sous la direction de Patrick Davin, nous a permis de découvrir un chef d’orchestre très présent sur le terrain de la création contemporaine. Cet ancien élève de Pierre Boulez a assuré la création mondiale d’un nombre important d’œuvres contemporaines. Ce chef invité de l’Opéra de Liège est enseignant à Bruxelles. Il travaille avec les orchestres symphoniques les plus renommés partout en Europe.
Inutile de présenter Alexandre Tharaud. Sa réputation de pianiste le précède lors de tout concert en France comme à l’étranger. Chacun de ses enregistrements crée l’évènement.
Depuis son arrivée au conservatoire de Paris en 1983 alors qu’il a tout juste 15 ans, il est entré en musique comme on entre en religion, totalement, par tous les pores de son corps. Cumulant les plus hautes distinctions, Alexandre Tharaud est partout, il se frotte à tous les répertoires et tous les styles, passant de la musique baroque au jazz, du récital aux concerts avec orchestre. Ce pianiste qui n’a pas de piano à demeure a toujours aimé les projets originaux, comme par exemple jouer du Couperin sur la chorégraphie d’un danseur hip hop ou partager une soirée avec un plasticien. Il doit son succès à cette énorme maîtrise de lui-même pour atteindre la perfection. Il confiait à la revue Pianiste en octobre 2012 que sa carrière avait pris son envol après la sortie du disque Rameau.
Nous retrouvons l’orchestre au grand complet, enrichi d’une harpe dans le Concerto en Sol de Maurice Ravel.
Ravel décrivait le Concerto en Sol comme étant Le Concerto au sens propre dans l’esprit de Mozart et de Saint Saëns. L’œuvre a été créée à Paris en janvier 1932 par Marguerite Long. Il s’agit d’une oeuvre classiquement composée en trois mouvements. Le premier marqué au départ par un claquement de fouet, débute dans le style d’un concerto pour instruments à vent, il mêle des éléments dans le style « jazz américain » avec des réminiscences du monde de Gershwin dont Ravel a fait la découverte peu de temps auparavant. Le soliste n’effectue sa percée qu’après avoir accompagné le thème principal.
La partition fait appel à la virtuosité de tous les musiciens et suggère, par ses rythmes, la vie trépidante de l’Amérique. Pizzicati, cadences effrénées, les accords sonores du piano répondent aux cuivres dans un orchestre très jazzy.
Le second mouvement (adagio assai) met en valeur la grande sensibilité du soliste. Le pianiste fait preuve d’une élégance extrême, chaque note est pensée, ciselée. Son toucher délicat tout en nuances suscite l’émotion. Dans le presto final, c’est un feu d’artifice endiablé qui conclut cette oeuvre riche et colorée.
Sous les ovations d’une salle enthousiaste, Alexandre Tharaud a offert deux bis en conclusion de cette magnifique première partie de soirée. Avec Tic Toc Choc de Couperin, il fait preuve d’une grande technique, avec un jeu clair, parfaitement articulé, à la limite humoristique sans négliger une virtuosité que l’on retrouve ensuite dans le second bis, le célèbre standard jazz de Gershwin, The Man I love.
Pour la seconde partie de la soirée on retrouve un compositeur du XIXe siècle, Johannes Brahms (1833-1897). Œuvres de jeunesse, les deux sérénades pour orchestre ont été composées vers 1850. Dans son écriture qui préfigure le style de ses futures symphonies, Brahms rend hommage aux divertissements musicaux du XVIIIe siècle et plus particulièrement à Mozart.
La 1ere Sérénade en ré majeur op 11 programmée ce soir comporte 6 mouvements de valeurs très inégales.
Patrick Davin à la direction a mis beaucoup de conviction pour faire passer les quelques longueurs de l’œuvre. Tout au long de la soirée l’orchestre a montré une belle cohésion en harmonie avec le chef invité. De nombreux applaudissements ont conclu cette soirée réussie. (D.B. Photo A.Tharaud : Marco Borggreve)
Classiqueenprovence.fr a plusieurs fois rencontré et interviewé Alexandre Tharaud, dans des contextes très divers.