Pathétique… Non, simplement magnifique !
Jeudi 17 avril 2025, Opéra de Marseille
Federico Tibone, direction musicale ; Simon Zhu, violon
Orchestre Philharmonique de Marseille.
Anton Dvořák, Concerto pour violon en la mineur, op. 53. Piotr Ilitch Tchaïkovski, Symphonie n° 6 en si mineur, op. 74, dite « Pathétique »
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A voir tous les rangs du parterre de l’Opéra de Marseille remplis jusqu’aux derniers fauteuils sur les côtés, on se dit que le format du concert symphonique attire décidemment davantage le public qu’un opéra qui sort des sentiers bien balisés par Verdi, Mozart ou encore Bizet et sa Carmen. On se rappelle pour preuve la jauge réduite il y a seulement quelques semaines pour les représentations du rare, et non moins excellent, Sigurd d’Ernest Reyer.
Le concert du soir rassemble deux compositeurs parmi les plus notoires : Anton Dvořák avec son Concerto pour violon en la mineur et Piotr Ilitch Tchaïkovski pour sa Symphonie n° 6 dite « Pathétique ». La cheffe Glass Marcano était attendue, mais, souffrante, est remplacé par Federico Tibone, actuel chef d’orchestre associé à l’Opéra de Marseille et à l’Orchestre Philharmonique de Marseille.
Né à Tübingen en 2001, le jeune violoniste Simon Zhu est ici en première apparition sur la scène phocéenne, pour interpréter le difficile Concerto de Dvořák. Dès le premier mouvement en allegro ma non troppo, on apprécie la musicalité très précise de l’interprète, y compris dans les arpèges les plus véloces. Mais il dégage encore plus de charme lors des passages les plus doux, une interprétation d’une délicate poésie, jouée avec la juste dose de vibrato. L’orchestre paraît comme seulement accompagner le soliste, en lui laissant clairement le premier rôle comme il se doit ! Il faut dire que le violon solo joue pratiquement en permanence tout du long de cet opus. Le troisième et dernier mouvement en allegro giocoso ma non troppo est vif et sautillant comme un réveil de printemps, à la virtuosité exigeante qui semble en très légère baisse de régime à la toute fin de l’ouvrage. Soupçon de difficulté seulement passagère ? L’artiste en bis nous fait alors la preuve de son brio à toute épreuve, dans le Caprice n°7 de Paganini, d’une difficulté réellement diabolique lorsque l’archet doit rebondir sur les cordes pour passer les enfilades de notes les plus rapides. Le second bis qui suit confirme aussi son talent non seulement technique mais d’interprète sensible, dans un splendide Andante de Bach, où les passages piano, voire pianissimo sont écoutés dans le silence absolu de la salle.
Après l’entracte, c’est bien l’Orchestre Philharmonique de Marseille qui prend la lumière, pour une magnifique interprétation de la Symphonie n° 6 de Tchaïkovski. Les entrées des contrebasses et bassons caractérisent d’abord au mieux l’ambiance sombre et inquiétante, avant que les autres pupitres ne les rejoignent. Les ruptures de rythme et changements d’orchestration amènent de forts contrastes, comme en dernière partie du premier mouvement, quand les cuivres et percussions jouent en fortissimo. Ne seraient-ce les tout légers caprices du cor, la technique de la phalange marseillaise montre sa solidité, pour un rendu de très haute qualité. Les bois sont expressifs, les montées de puissance plutôt impressionnantes, comme ce troisième mouvement allegro molto vivace où la charmante danse en feu follet se développe vers des percussions de très grande ampleur. On retrouve aussi le souffle typique de Tchaïkovski dans ces merveilleux unissons de cordes, au cours du Finale en adagio lamentoso. Dommage alors que certains spectateurs applaudissent pendant le premier silence venant après un tutti puissant… cela gâche réellement le plaisir ! La pièce s’achève comme une flamme qui s’éteint, une atmosphère triste, voire lugubre, comme un Requiem avant l’heure, le compositeur devant décéder quelques jours après la première exécution de cette symphonie.
F.J. & I.F. Photos I.F.
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