Mardi 22 juillet 2025, 21 h, Auditorium du Parc du Château de Florans, Festival International de Piano de La Roque d’Anthéron
Orchestre Philharmonique de Marseille. Liya Petrova, violon. Alexandre Kantorow, piano. Lawrence Foster, direction
Vaughan Williams, L’envol de l’Alouette, pour violon et orchestre. J. Brahms, concerto pour piano et orchestre n° 1, op. 15. A. Dvorak, symphonie n° 8, op. 88
Kantorow en maître
L’auditorium du Parc du Château de Florans avait fait le plein pour cette soirée, débordant d’un monde visiblement alléché par la présence, au piano, d’Alexandre Kantorow, devenu l’un des pianistes les plus célèbres et adulés aujourd’hui depuis sa victoire en 2019 au prestigieux concours Tchaïkovski. Mais c’est une artiste de belle réputation aussi, la violoniste bulgare Liya Petrova – déjà entendue en 2021 et 2023 (avec Eric Le Sage) à Avignon, et ici même en 2023 et 2024, sans compter son CD en 2023 -, qui avait l’honneur d’ouvrir le concert.
Le compositeur anglais Ralph Vaughan Williams (1872-1958) est certainement loin d’être des plus joués dans nos contrées, comme beaucoup de compositeurs britanniques, d’ailleurs. Son œuvre est conséquente, mais à peine peut-on entendre, de temps à autre, sur les ondes ou en concert, arbres qui cachent la forêt, sa fantaisie sur un thème de Tallis, celle sur le célèbre Greensleeves ou sa romance pour violon et orchestre L’envol de l’alouette (The lark ascending). C’est justement cette dernière que nous proposaient Liya Petrova, le Philharmonique de Marseille et son chef, Lawrence Foster. Cette évocation de la nature anglaise, cette atmosphère pastorale, le vol et le chant de l’alouette furent une merveille de grâce poétique. Efficacement accompagnée par l’orchestre marseillais qui sut créer cette ambiance en toile de fond, la soliste, au jeu délicat, au violon chantant, maîtrisant son instrument jusque dans des aigus nets et précis, nous offrit une belle lecture de cette romance, achevée au violon seul en un moment de douceur et de paix.
Des applaudissements, certes, mais le public était impatient d’entendre Kantorow. Le voici donc qui entrait sur scène, une fois le piano installé, pour s’attaquer au concerto de Brahms. L’interprétation donnée en comblera ses admirateurs. Le premier mouvement démarre par une longue introduction orchestrale puissante, tendue, dramatique, que l’acoustique de l’auditorium, cependant, qui nous paraît plus difficile à gérer par les grands effectifs, rendit un peu trop dense et touffue. La tension apaisée, le piano entre en demi-teinte et part affronter l’orchestre, se mêler à lui, s’en évader, en une succession d’épisodes variés, méditatifs, lyriques, ombrageux. Kantorow maîtrise les débats, l’expression des sentiments, dans les grandes envolées, comme dans les passages plus intériorisés. La sonorité un peu sourde de son piano nous gêne cependant, lui faisant perdre quelquefois de son autorité dans ses épisodes de lutte avec l’orchestre.
L’adagio, comme peut le laisser entendre la mention laissée par Brahms sur le manuscrit, « Benedictus qui venit in nomine Domini », est quasi religieux. Le mouvement est mené sur le bon tempo, rêveur, recueilli, un élan plus passionné s’intercale, l’orchestre accompagne parfaitement le pianiste au doigté délicat et précis. Une cadence poétique et réfléchie conduit vers une fin apaisée.
Le rondo final, énergique et fougueux, emporte piano et orchestre, dont les lignes apparaissent plus claires que dans le premier mouvement. Le fugato est bien amené et géré, les deux courtes cadences sont tout en maîtrise, le crescendo final, énergique et virtuose, conclut triomphalement le concerto.
L’œuvre ne demande pas qu’un pianiste au sommet de son art, mais aussi un chef capable d’en exposer toute la puissance et la sensibilité. Les 83 ans de Lawrence Foster ne l’ont pas empêché d’assurer, d’offrir, en complicité avec Kantorow, cette remarquable interprétation. L’âge et ses misères l’obligent à diriger assis et limitent ses déplacements, mais n’ont pas de prise sur sa volonté de diriger, de transmettre, le geste est énergique, précis, efficace. On le retrouvera dans la symphonie de Dvorak.
Vous ne peinerez pas à imaginer ce que furent l’ovation enthousiaste du public et les battements de pieds dans les gradins. Un bis s’imposait, il fut donné à deux, Kantorow ayant le tact d’inviter sa partenaire (en d’autres concerts), Liya Petrova, que l’on retrouvait avec plaisir, à le rejoindre pour donner le mouvement lent de la sonate pour violon et piano de Richard Strauss (qu’ils ont par ailleurs enregistrée ensemble). Agréable moment, beau mariage et belle entente entre les deux instruments, un pianiste au doigté clair et précis, et toujours ce violon chantant avec grâce.
La 8ème symphonie de Dvorak est sans doute ma préférée parmi les symphonies du compositeur. Elle dégage la bonne humeur, la gaieté, l’optimisme, que les musiciens marseillais et leur chef ont bien su mettre en valeur. Les tempi choisis étaient parfaits, les détails de l’orchestration bien audibles. Se succédèrent un premier mouvement dynamique et décidé, un adagio romantique et plein de ferveur, un allegretto gracieux et gai, et un allegro final introduit par un appel de trompette, suivi d’un développement passant par une belle fugue, une montée tendue vers un nouvel appel de trompette, sorte de climax, et un apaisement avant la joie des mesures finales. L’œuvre met en évidence les bois, souvent sollicités, surtout la flûte, et les cuivres, tous pupitres au meilleur niveau. Les violons m’ont paru cependant un brin agressifs dans les aigus de certains tutti. Là aussi, après une telle interprétation, le public ne pouvait que laisser éclater son enthousiasme.
B.D. Photos Pierre Morales
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