Programme 100% Mozart
Vendredi 7 mars 2025, 20h, Opéra Grand Avignon (84). Durée 1h40.
Wolfgang Amadeus Mozart
Don Giovanni, Ouverture. Concerto pour clarinette. Cosi fan tutte, « Una donna a quindici anni », transcription pour clarinette et orchestre. Symphonie n°35, « Haffner ». Cosi fan tutte, « Come scoglio », transcription pour clarinette et orchestre
Orchestre National Avignon-Provence (site officiel). Pierre Génisson, clarinette. Débora Waldman, direction
Infos pratiques. Tarif : De 5 à 30€.Réservations par téléphone au 04 90 14 26 40.
La carte Club’Opera (20€), valable un an, ouvre droit à une réduction de 20% sur le prix des places, de tous les spectacles.
Voir aussi toute la saison de l’Orchestre National Avignon-Provence ,
tous nos articles de mars 2025,
et notre critique du même programme le lendemain à Aix-en-Provence
NOTRE CRITIQUE
Mozart était donc mis à l’honneur, dans ce programme que nous proposait l’ONAP, en ce 7 mars, dans la salle de l’Opéra du Grand Avignon, une sorte de petit panorama délivrant quelques facettes du compositeur, l’opéra, le concerto, la symphonie. Aucun entracte n’était prévu, choix qui nous maintenait ainsi, sans solution de continuité, dans le charme de cet univers mozartien.
Une ouverture ouvrait, fort logiquement, le concert, celle de Don Giovanni. Fidèle à son tempérament, Débora Waldman en donnait une interprétation énergique, engagée, introduite par un début tragique marqué, maintenue sous tension par un tempo plutôt rapide, appuyant (trop ?) nettement certaines ponctuations. La tragédie était annoncée avec force, elle aurait mérité, sans doute, dans son expression, un peu plus de finesse.
Venait ensuite la clarinette, celle de Pierre Génisson, avec l’un des concertos les plus célèbres du répertoire, le K 622 en la majeur (1791), le dernier des concertos écrits par Mozart et le seul pour cet instrument. Là encore, Débora Waldman y insufflait, dès l’introduction orchestrale, toute son énergie, un engagement que l’on devine passionnel, mais dont la puissance qu’elle imprime peut avoir pour défaut, dans les tutti forte ou plus, de trop compacter l’orchestre, de trop en effacer l’architecture. Les parties à l’orchestration plus légère furent en revanche plus délicatement menées, avec souplesse, avec les nuances et l’expressivité voulues, et sa complicité, ainsi que celle de l’orchestre, avec le soliste, fit merveille.
Pierre Génisson nous a offert, avec cette œuvre, toute l’étendue de son art, virtuosité, expressivité, intelligence de l’interprétation. Des graves aux aigus, le récit est vivant, les inflexions et nuances maîtrisées et parfaitement dosées dans toutes leurs variétés de couleurs, et l’orchestre, en bon partenaire, lui apporta un efficace soutien. Le deuxième mouvement fut particulièrement touchant, la clarinette distillant dès le début une douce mélancolie. Le soliste dialogue avec l’orchestre, et, finement expressif, semble un conteur habité par son récit. Le final, plus virtuose, dynamique, joyeux et dansant, nous entraînait dans sa course, expressif et non dénué d’espièglerie, avec ses petites mesures interrogatives. L’ovation du public saluait bien évidemment une interprétation convaincante et de qualité, malgré mes quelques remarques préliminaires. Et la suite allait venir…
Dans l’intervalle, se glissait la symphonie n° 35, née en 1782, à la suite d’une commande, finalement annulée, de M. Haffner, le maire de Salzbourg. Le premier mouvement, attaqué franchement, énergique, contenant une dose certaine de dramatisme, mais brillant, n’annonce pas la légèreté et la gaieté des mouvements suivants. Une interprétation donnée avec beaucoup de feu, comme le voulait Mozart, mais ici trop puissante, m’amène à renouveler ma critique précédente concernant certains tutti trop compacts et perdant en clarté. L’andante était en revanche plus délicatement dessiné, lyrique et gracieux, offrant une atmosphère calme et reposante. Le menuet, plus rapide, était lui aussi bien dessiné et distillé. On aurait cependant souhaité un peu plus de douceur et quelques attaques un peu moins marquées. Le finale, presto, que Mozart voulait voir joué aussi vite que possible, était, lui, une belle réussite, vivant, dynamique, énergique, aux attaques franches, aux lignes claires, bien réparties dans l’orchestre.
Enfin, se présentait à nouveau Pierre Génisson pour les deux airs de Cosi Fan Tutte transcrits pour la clarinette par Bruno Fontaine. L’histoire de la musique abonde de transcriptions, arrangements, adaptations, réductions, mais je ne suis pas, dans ce domaine, très adepte de la transcription, du remplacement d’un instrument ou de la voix par un autre instrument, me prenant, chaque fois, à regretter de n’avoir entendu l’original. La clarinette ne peut, dans les transcriptions établies, provoquer les mêmes ressentis que la voix (notamment de soprano, dans le cas présent), il n’y a pas le contexte de l’opéra, elles proposent autre chose ; ici, ce que nous considérerons comme deux pièces pour clarinette et orchestre sur des thèmes de Mozart, sera à apprécier pour ce que sont ces pièces, pour leurs qualités propres. Cela dit, les musiciens donnèrent une très belle interprétation de ces partitions, sur les airs « Una donna a quindici anni » de Despina et « Come scoglio » de Fiordiligi, en en dévoilant tout le charme. Pierre Génisson, à nouveau, appuyé par un orchestre à son niveau, fit montre de toutes ses qualités, donnant vie à ses personnages avec une finesse et une virtuosité qui entraînèrent le public en de longues acclamations. Un bis était offert par le soliste et l’orchestre, autre transcription, des Noces de Figaro, cette fois, sur l’air « Voi che sapete » de Chérubin, pièce tout aussi réussie que les précédentes. Les acclamations persistant et un deuxième bis n’ayant pas été prévu, de l’aveu même du soliste, c’est une reprise du deuxième mouvement du concerto pour clarinette qui venait clore cette bien agréable soirée.
B.D.
BIOGRAPHIE
Pierre Génisson est l’un des représentants les plus renommés de l’école des vents français. Récompensé en 2018 par le Prix « Cino del Duca » décerné par l’Académie des Beaux-Arts de l’Institut de France, Pierre Génisson est également lauréat de prestigieux concours internationaux tels que le Concours International Carl Nielsen, le Concours international Jacques Lancelot de Tokyo ainsi que des fondations Banque Populaire, Safran, et « Musique et Vin au clos Vougeot ».
Pierre Génisson s’est formé au Conservatoire national supérieur de musique de Paris auprès de Michel Arrignon pour la clarinette, et Claire Désert, Amy Flammer et Jean Sulem pour la musique de chambre. Après y avoir obtenu les premiers prix à l’unanimité dans ces deux disciplines, il part se perfectionner à l’University of Southern California de Los Angeles auprès de Yehuda Gilad où il obtient un Artist Diploma.
Pierre Génisson se produit régulièrement avec des orchestres tels que le Deutsches Symphonie Orchester-Berlin, l’Orchestre symphonique de Düsseldorf, Concerto Köln, le Tokyo Philharmonic Orchestra, les BBC orchestras, l’Odense Symphony Orchestra, le Sichuan Symphony, l’Insula orchestra, l’Orchestre de chambre de Paris, l’Orchestre National d’Ile de France, l’Orchestre de Bretagne, Orchestre d‘Avignon, l’Orchestre de Metz, l’Orchestre de Cannes, l’Orchestre Philharmonique Royal de Liège, Orchestre Metropolitain de Montréal.
Il collabore notamment avec des chefs tels que Krystof Urbansky, Olari Elts, Darell Ang, Sacha Goetzel, Alexandre Bloch, Laurence Equilbey ou Lionel Bringuier.
Ses partenaires de musique de chambre incluent les quatuors Ebène, Modigliani, Jérusalem, Zemlinsky, Hermès, Van Kuijk, Maxim Vengerov, Alexander Sitkovetsky, Nemanja Radulovic, Marc Bouchkov, Miguel Da Silva, Lise Berthaud, Jean-Frédéric Neuburger, David Kadouch, Frank Braley, Michel Dalberto, David Bismuth, Bruno Fontaine, Les Solistes du Metropolitan Opera de New York, Patrick Gallois, Marielle Nordmann, Emmanuel Ceysson, Karine Deshayes ou Delphine Haidan.
Pierre Génisson se produit régulièrement aux festivals de Gstaad, Crans Montana, Hong Kong, Bremen Festival, Würzburg MozartFest, Musikfestpiele Dresde, Menton, Colmar, Evian, Festival Ravel Saint-Jean-de-Luz, Flâneries Musicales de Reims, Festival du Périgord Noir, Un Violon sur le Sable, Festival d’Auvers sur Oise, Orangerie de Sceaux…
Fervent défenseur de la musique d’aujourd’hui, Pierre Génisson fait rayonner la musique française à l’étranger et collabore avec de nombreux compositeurs, notamment Tristan Murail, Thierry Escaich, Eric Montalbetti, Karol Beffa ou encore Eric Tanguy, dont il est dédicataire de plusieurs concerti et pièces de musique de chambre.
Pierre Génisson consacre également une partie de son temps à la transmission, à travers de nombreuses masterclasses dans le monde entier et au sein de l’École normale de musique de Paris Alfred Cortot, où il est enseignant.
Sa discographie chez Aparté inclut un récital français avec David Bismuth, un disque Mozart avec le Quartet 212, un disque Swing en hommage à Benny Goodman, largement récompensés par la critique (Diapason d’or, Choc de l’année de Classica, ffff de Télérama, « CD of the week » du Sunday Times, Gramophone, Clef d’Or de Resmusica…).
En 2023, Pierre Génisson devient artiste exclusif Warner Classics/Erato. Mozart 1791, le premier album de cette nouvelle collaboration avec le Concerto Köln, est unanimement salué par la critique (Choc Classica).
Pierre Génisson est Ambassadeur actif des marques Buffet Crampon et Vandoren.
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