Le Concerto composé par Fazil Say après l’attaque du Bataclan : une très belle découverte !
Concert « Souvenir ». Opéra Grand Avignon, vendredi 8 avril 2022, 20h30
Orchestre National Avignon-Provence. Miguel Campos Neto, direction
Camille Thomas, violoncelle
Fazil Say, Concerto pour violoncelle et orchestre. Camille Saint-Saëns, Concerto pour violoncelle et orchestre n° 1. Georges Bizet, Symphonie en ut majeur
Voir l’ensemble de la saison 2021-2022 de l’Onap
Ce fut un beau concert, avec pour principal attrait la découverte du Concerto pour violoncelle, sous-titré « Never Give Up » (ne jamais céder), du pianiste et compositeur turc Fazil Say (né en 1970). Avant d’en débuter l’interprétation, la soliste elle-même, la franco-belge Camille Thomas, tint à nous en dire quelques mots, précisant qu’il fut écrit pour elle après l’attaque du Bataclan du 13 novembre 2015, le compositeur, déjà engagé, ayant à nouveau ressenti, après sa trilogie Gezi-Park (dénonçant des violences policières à Istambul) le besoin de protester contre la violence et la terreur et d’appeler à la liberté et à la paix. Elle en fut la créatrice en avril 2018.
L’œuvre débute par une introduction confiée au violoncelle solo, exprimant comme une plainte pleine de rage, qui n’est pas sans rappeler Chostakovitch, et le jeu continu de l’instrument va conduire un mouvement énergique laissant échapper, dans une ambiance de conflit se terminant par un arrêt brusque, une plainte plus lascive, nostalgique, dans un mode orientalisant.
Le deuxième mouvement, adagio, est un temps d’âpre méditation, ou de désolation, troublé par les instants de rage du violoncelle et les percussions imitant coups de fusil et cris humains, l’horreur de la guerre et du terrorisme. Au troisième mouvement enfin le tableau change, l’optimisme, la paix sont de retour. Sur un fond de gazouillis d’oiseaux, de bruissement de vagues, se développe un chant d’espoir, plus joyeux, une ambiance de fête sur un rythme oriental, s’achevant dans la sérénité.
Tous les artistes, le violoncelle, sollicité en continu, le chef, Miguel Campos Neto, que nous avions déjà pu apprécier en 2019, et l’orchestre, ont su se mettre au service de cette œuvre que nous qualifierons sans hésitation de majeure et qui devrait s’inscrire sans peine au répertoire de nombreux violoncellistes et orchestres. Ils ont su en exprimer toute la force et toute l’émotion pour un public réellement tenu en haleine.
Autre ambiance avec le concerto de Saint-Saëns, plus connu et interprété de belle façon, vivante et pleine de charme. Nuances bien maîtrisées, entre fougue et douceur, belle entente entre la soliste, le chef et l’orchestre, dévoilant toutes les subtilités de l’œuvre.
Et cette première partie s’acheva par un bis surprise, le chant des oiseaux, traditionnel catalan, qui fut si prisé de Pablo Casals, donné avec tendresse par le violoncelle et les cordes de l’orchestre.
Vint enfin Bizet et sa symphonie, qu’il ne publia jamais et pourtant devenue un « tube » depuis sa découverte en 1933. Cette symphonie, par sa lumière, a toujours évoqué pour moi un monde méditerranéen, et je dois dire que je ne me suis pas vraiment retrouvé dans le premier mouvement, à mon goût pris sur un tempo trop rapide, trop énergique, manquant quelque peu de poésie, avec des vents un brin trop forts. La suite a cependant emporté mon adhésion avec le beau solo de hautbois de Frédérique Costantini dans le deuxième mouvement (une partition qu’elle connaît bien, je l’y avais déjà entendue avec pareille maîtrise en 2010), un troisième mouvement plaisant et plein d’allant et un quatrième rondement mené par un orchestre en pleine possession de ses moyens sous la direction claire et efficace de Miguel Campos Neto.
Le public, enthousiaste, a eu droit en bis, aux mesures finales de ce même mouvement.
B.D. Photos David Giancatarina, Christian Meuwly
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