Samedi 20 juillet 2024, 21 h, Auditorium du Parc, 44e Festival International de Piano de La Roque d’Anthéron
Orchestre de chambre de Paris. Gordan Nikolić, violon et direction. Maria João Pires, piano
W.A. Mozart, concerto pour violon et orchestre n°4, K.218. W.A. Mozart, concerto pour piano et orchestre n°9, K.271, « Jeunehomme». L. van Beethoven, symphonie n° 8, op.93
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Comme l’an dernier, exactement à la même date, 20 juillet, l’Orchestre de Chambre de Paris, sous la direction de Gordan Nikolić, cette fois, avait l’honneur d’ouvrir, devant un auditorium comble, ce 44ème Festival International de Piano de La Roque d’Anthéron, festival qui débutait par un concerto pour… violon, le quatrième, de W.A. Mozart.
On sait que le jeune Mozart, 19 ans, écrivit dans un même élan, en 1775, ses cinq concertos pour violon, quoique le premier soit plutôt supposé de 1773. Si le 5ème est le plus joué et reconnu comme le plus abouti, le 4ème, par sa qualité mélodique et son élégance, constitue une référence de la musique galante.
Gordan Nikolić assurait en même temps la partie soliste et la direction d’orchestre, direction cependant assez discrète, concentré qu’il resta, tout au long de l’œuvre, dos tourné à l’orchestre sur sa tablette-partition. Il est vrai que, par rapport aux précédents, Mozart revenait, avec ce quatrième concerto, à une partie de violon plus conséquente et un rôle plus subalterne de l’orchestre. Ce positionnement faisait ainsi fortement penser à ces orchestres jouant sans chef apparent. Un orchestre de chambre de Paris, parfaitement rodé, maîtrisant sa partition dans ses détails, s’exprimant sans défauts dans ses interventions, avec ou sans le soliste, tout cela témoignait assurément d’un travail d’ensemble préalable parfaitement conduit.
On regrettera cependant, dans un premier mouvement léger et enjoué, aux thèmes contrastés, une entrée en matière du soliste manquant un peu d’assurance dans sa partie, avec quelques mesures, dans l’aigu, à la limite de la justesse. Les deux mouvements suivants furent de meilleure facture, un andante cantabile bien rendu, mélancolique et rêveur, un violon chantant, en harmonie avec l’orchestre, une cadence et un final retenus, d’une intense douceur, et un rondeau, plus allant, parfois sautillant et dansant, alternant andante et allegro, mené avec délicatesse et rondeur, sans brusquerie, l’orchestre assurant excellemment son rôle d’accompagnant. Malgré les quelques réserves sur le premier mouvement, l’interprétation de l’œuvre fut agréable à suivre, gracieuse, élégante, sans toutefois pousser jusqu’à l’enthousiasme. Sort habituel des ouvrages données en ouverture de concert, cette interprétation ne donna lieu qu’à des applaudissements de circonstance, sans rappel ni bis, de la part d’un public sans doute impatient de passer à l’œuvre suivante, la plus attendue.
J’avoue avoir toujours eu un faible pour le concerto « Jeunehomme » de Mozart, écrit en 1777, pour Louise Victoire Jenamy, semble-t-il, une pianiste fille d’un danseur et maître de ballet français, proche ami du compositeur. C’est qu’il présente nettement, ce concerto, des nouveautés d’écriture, une certaine maturité en avance sur son temps, l’approchant, dans le genre, des écritures des premiers romantiques. La composition de l’orchestre est identique à celle du concerto précédent : quatuor à cordes, deux hautbois, deux cors. Là aussi, la formation s’affichait sans chef apparent, Gordan Nikolić gérant l’ensemble aux côtés du premier violon solo ; là aussi nous retrouvions un orchestre parfaitement rodé, partenaire efficace de la soliste. Ce concerto n’est évidemment pas un inconnu pour Maria João Pires, qui le possède à la perfection et nous en a offert une admirable interprétation. Un toucher délicat et net, un piano clair de belle sonorité, dynamique et nuances maîtrisées, équilibres bien dosés entre le piano et l’orchestre, un jeu captivant en ont été les atouts. La soliste nous régala de son approche de l’œuvre, ses cadences délicates, notamment celle de l’andantino, d’une douce retenue, le lent menuet central du rondo final. Le public ne pouvait accorder aux musiciens qu’une ovation des plus enthousiastes, Maria João Pires lui offrant en remerciement le long, calme et pensif andante de la sonate n° 10, K. 330.
Beethoven venait enfin clôturer la soirée avec sa symphonie n° 8, créée en 1814. Toujours un orchestre apparemment sans chef, Gordan Nikolić dirigeant depuis la place de premier violon. Il a donné de l’œuvre une interprétation nerveuse, décidée, entraînante, aux tempi plutôt rapides, ce dont a pati, à notre avis, le premier mouvement, rythmiquement dynamique, certes, mais rendu là trop martial, marqué de contrastes trop appuyés, de forte violents, de traits forcés, suggérant un Beethoven emporté, voire coléreux. La suite était heureusement plus réussie, dans ce retour vers un classicisme formel. L’allegretto scherzando remplaçant l’habituel mouvement lent, sautillant, plus délicat, imitant le métronome tout récemment inventé, se déroulait vivant et entrainant. Le tempo di minuetto, remplaçant, lui aussi, l’habituel scherzo, dynamique toutefois, laissait apprécier un orchestre équilibré, bien en place, avec un beau passage aux cors et aux bois. L’allegro vivace final, bien construit, respectant les nuances et subtilités, volontaire et entraînant, où l’on regrettera des cors parfois trop puissants, ne pouvait qu’amener un public satisfait dans une ovation appuyée.
Les musiciens ne pouvaient alors que proposer un bis, une danse des Furies, animée et pleine de fougue, extraite du début de l’acte II de la version française de 1774 de l’Orphée et Eurydice de Gluck, une danse reprise de la scène finale de son ballet pantomime « Don Juan ou le festin de pierre », de 1761.
B.D.
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