Musique américaine : une soirée festive et généreuse
Jeudi 14 août 2025, Parc du château de Florans. Festival international de piano de La Roque d’Anthéron (site officiel)
Le Sinfonia Varsovia sous la direction de Jean-François Verdier
Partie 1, 20h, avec Frank Braley piano
G.Gershwin, Concerto en fa pour piano et orchestre. A. Márquez, Danzón n°2 ; Concerto pour piano et orchestre n°1 en mi mineur op 11
Partie 2, 22h, avec Paul Lay piano, Clemens Van Der Feen contrebasse, Donald Kontomanou batterie
G.Gershwin : Nice work if you can get it ; It ain’t necessarily so ; Rhapsody in Blue ; Summertime
Voir aussi : Que nous réserve cette 45e édition du Festival international de piano de La Roque d’Anthéron ?
Pour la dernière « Nuit du piano » du Festival, peu après la Nuit Ravel (notre compte rendu), René Martin avait choisi la formule de la « Nuit américaine », une soirée festive et généreuse qui a comblé les gradins du Parc de Florans, 1800 personnes rassemblées pour célébrer le piano sous toutes ses formes.
La première partie a été confiée à Frank Braley, admirable soliste, pour le Concerto en Fa de George Gershwin. Cette pièce a été la première tentative de Gershwin pour orchestrer son travail. Formidable réussite dans la synthèse entre le style classique et le jazz naissant de l’époque (1920).
Accompagné par le Sinfonia Varsovia, magnifique orchestre dirigé par Jean‑François Verdier, Braley a su marier virtuosité et lyrisme : La virtuosité du soliste et son sens de la pulsation organisaient le discours pianistique tandis que l’orchestre répondait avec une belle précision de couleurs. Jean‑François Verdier, très expressif dans sa gestuelle, a tenu la balance entre l’élan jazzy et la grandeur orchestrale plus classique, offrant une lecture à la fois énergique et nuancée du concerto.
L’orchestre a ensuite enflammé la scène avec le Danzón n°2 d’Arturo Márquez, l’un des plus éminents compositeurs mexicains, qui a découvert la musique auprès de son père, un mariachi, et de son grand-père, un musicien traditionnel. Il a ensuite poursuivi des études musicales plus classiques au Conservatoire National du Mexique puis à Paris. Entre 1990 et 2004, Il a composé huit Danzones pour diverses formations instrumentales, intégrant des musiques d’essence populaire à une écriture contemporaine savante.
L’un des plus célèbres est ce Danzón no 2. Avec ce morceau, le Sinfonia Varsovia a emporté le public dans une ambiance latino époustouflante. Alternant les séquences lyriques et les passages richement colorés et trépidants de l’orchestre, l’œuvre démarre par une mélodie sensuelle jouée à la clarinette, discrètement accompagnée par les percussions (claves), le piano et les cordes en pizzicato. Puis, la musique va s’animer progressivement, jusqu’à entraîner tout l’orchestre dans un irrésistible tourbillon, sorte d’apothéose de la danse. Pupitres cuivrés incisifs, rythmes syncopés et crescendo maîtrisés ont transformé la scène en véritable piste de danse auditive.
La seconde partie de la soirée a mis davantage l’accent sur le jazz symphonique : le pianiste Paul Lay entre en scène. Ce soliste a étudié au Conservatoire de Toulouse avant de rejoindre le Conservatoire de Paris dans le département Jazz et Musiques improvisées. Il a intégré de nombreux groupes (comme le quintette de Riccardo Del Fra), a enregistré plusieurs albums. Il a obtenu de nombreux prix :
2006 : finaliste du concours de piano Jazz Martial Solal
2014 : Grand Prix de l’académie Charles-Cros pour son CD Mikado
2015 : révélation française de l’année par Jazz Magazine et lauréat du Concours International Piano Jazz de Moscou
2016 : Prix Django Reinhardt (meilleur artiste de jazz français de l’année de l’Académie du jazz)2020 : Artiste instrumental de l’année aux Victoires du jazz.
Lors de cette « nuit américaine », le trio composé de Paul Lay (piano), Clemens Van Der Deen (contrebasse) et Donald Kontomanou (batterie), accompagnés par le Sinfonia Varsovia, a proposé une suite de standards et de pièces de Gershwin, Nice work if you can get it, puis It ain’t necessarily so, avant la célébrissime Rhapsody in Blue et l’inévitable Summertime.
L’alchimie entre le trio et l’orchestre a fonctionné remarquablement ! Il est reconnu comme tour à tour lyrique et percussif, avec un certain classicisme dans son jeu. Le pianiste a négocié les passages écrits et les espaces d’improvisation avec élégance ; la section rythmique a assuré une assise souple et dynamique, offrant cadre et libertés aux solistes. Les arrangements ont su exploiter les contrastes entre couleur orchestrale et swing intimiste, faisant respirer chaque passage musical. L’énorme complicité entre les artistes était palpable tant les regards entre solistes et chef d’orchestre et les nombreux sourires échangés ont souligné un réel bonheur à faire de la musique tous ensemble pour le public.
La soirée s’est achevée dans une ambiance de fête : debout, le public a ovationné longuement les artistes, avec des battements de pieds dans les gradins. Sous cette standing ovation, les musiciens sont revenus à deux reprises pour des bis réjouissants qui ont prolongé la communion entre la scène et le public.
D’abord un « Allegro » tiré de The Bach Suite d’Oscar Peterson, puis par le trio seul, une reprise enjouée de Nice work if you can get it de Gershwin.
Cette nuit américaine très réussie était une savante combinaison de virtuosité classique et d’inventivité jazz, portée par des artistes complices et une direction artistique inspirée. La programmation de René Martin a confirmé, une fois encore, la capacité du Festival de La Roque d’Anthéron à surprendre et à séduire un large public
D.B Photos Valentine Chauvin
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