1e Nuit du piano :
Mangova, Korobeinikov & Foster au service de Brahms
C’est manifestement avec beaucoup de plaisir que Lawrence Foster a dirigé l’Orchestre Philharmonique de Marseille dans des oeuvres de Liszt prévues en ouverture de la soirée. Il faut dire qu’il connaît bien ses musiciens puisqu’il est leur Directeur musical depuis 2012. Le poème symphonique Orphée (1854) ouvre la première partie de la soirée et commence par un discret appel aux vents, suivi des harpes, puis la musique s’élargit et s’éclaire, d’une indéniable et lumineuse poésie. Lawrence Foster garde une lenteur de tempo qui permet de valoriser les harpes, ainsi distinguées du chant singulier et solitaire du premier violon. Cette musique contemplative apparaît proche par certains moments du chant wagnérien. Le chef d’orchestre roumain fait preuve de beaucoup d’humour lorsqu’en abordant la seconde partie de la soirée, il évoque à propos des Préludes de Liszt l’anecdote selon laquelle les nazis utilisaient cette musique comme thème officiel de leur propagande lors de la Seconde Guerre Mondiale; et Foster d’ajouter «Ce n’était pas la faute de Liszt, il n’y était pour rien !». D’une vigueur incessante, le chef d’orchestre souligne la brillance et le romantisme qui émanent de cette œuvre. Foster dessine au-dessus des pupitres les courbes mélodiques, sollicite du regard et du geste l’adhésion des cordes ou le son des cuivres et c’est superbe.
Plamena Mangova, deuxième prix du Concours Reine Elisabeth en 2007, entre alors sur scène pour jouer le 1er Concerto pour piano de Brahms. Après la longue introduction dramatique de l’orchestre (plus de 4’), la puissance et la musicalité du toucher de la pianiste s’imposent. Plamena Mangova est la femme de la perfection : son jeu particulièrement expressif fait chanter le moindre fragment harmonique, en particulier dans le second mouvement. L’artiste impose un style nuancé, expressif, tout en maintenant une fermeté rythmique. Si le premier concerto de Brahms qui est une œuvre de jeunesse n’a pas connu un succès immédiat à sa création, la lecture qui en a été faite à La Roque d’Anthéron a été un triomphe ! Devant l’ovation du public la pianiste a donné en bis l’Atlas extrait du Schwanengesang de Schubert sur une transcription de Franz Liszt.
Le pianiste russe Andreï Korobeinikov lui succède sur scène avec le 2nd Concerto de Brahms composé vingt ans plus tard. Dès la deuxième mesure du premier thème le piano entre en scène, et très vite le soliste donne toute la puissance de cette musique. Le duo Korobeinikov/Foster fonctionne à merveille. L’échange des regards entre le chef et le soliste montre une véritable complicité et c’est une version d’un concerto d’une prodigieuse énergie, d’une virtuosité ébouriffante, qui est jouée de soir-là. Virtuosité encore avec l’étude op.8 n°12 de Scriabine offerte au public en remerciement de ses applaudissements et en ponctuation de cette très belle soirée. (Dany Baychère. Photos 1 à 4 : Festival La Roque d’Anthéron. Photo 5: Michel Auberge).)