Beethoven servi par trois grands artistes
Dans le cadre de la première Nuit du piano au 36e Festival international de La Roque d’Anthéron, le premier concerto en ut majeur op.15 de Beethoven est interprété par un tout jeune pianiste de 24 ans, Benjamin Grosvenor.
C’est l’étoile montante britannique que se disputent les scènes internationales, et que nous avions entendu également en récital dans la saison 2015-2016 de l’Opéra Grand Avignon. En 2004, cet artiste alors âgé de 11 ans remporte le Concours BBC Young Musician. A 13 ans, Il fait ses débuts au Carnegie Hall de New York et sa carrière prend son envol. Dès 2013 ses enregistrements sont classés en tête des ventes classiques. Le pianiste joue très près de son instrument, cisèle chaque note avec une élégance très British. Sa maîtrise des difficultés techniques les plus redoutables n’exclut pas la profondeur de son interprétation. Son dialogue avec le Sinfonia Varsovia placé sous la direction de Barry Douglas montre une belle complicité entre le soliste et l’orchestre.
Ce chef d’orchestre est également pianiste concertiste. Médaille d’Or du concours Tchaïkovsky en 1986, Barry Douglas joue sur les plus grandes scènes. Sa priorité : faire rayonner la musique irlandaise dans le monde. En 2002 il est nommé membre de l’Ordre du British Empire pour son engagement au service de la musique.
Barry Douglas dirige ensuite de son clavier le 3e Concerto en ut mineur op.37 de Beethoven. L’artiste joue dos au public avec un piano sans couvercle avec vue sur les musiciens qu’il dirige. Un regard, un signe de tête ou un geste de la main suffisent à établir ce lien magnifique entre chef et orchestre. Son interprétation du concerto de Beethoven est une performance. Cette œuvre demande une grande concentration tant au niveau pianistique que direction d’orchestre.
Barry Douglas parvient à un degré de concentration qui lui permet de diriger tout en donnant à l’instrument une qualité de phrasé à la fois tendre et dramatique. L’orchestre, très professionnel, joue le jeu et répond magnifiquement à cette sollicitation.
Un exceptionnel dialogue s’instaure encore avec le 4e Concerto en sol majeur op. 58 magnifiquement interprété par Abdelrahman El Bacha (voir notre entretien). Ce pianiste à la double nationalité libanaise et française découvre très tôt la musique. A 20 ans, il obtient le premier prix au concours Reine Elisabeth et sa carrière depuis n’a cessé de confirmer l’excellence de son jeu pianistique. Sa discographie est étonnante : l’intégrale de l’œuvre de Chopin par ordre chronologique de composition, l’intégrale des sonates de Beethoven, Bach, Prokofiev, Rachmaninov, Brahms, Balakirev, son répertoire est immense comme ses succès.
Sans cesse en recherche de sens sur sa musique, ce pianiste est honoré par la presse qui reconnaît les qualités exceptionnelles de ses interprétations et son pouvoir d’émotion. L’émotion, un sentiment dominant à La Roque d’Anthéron avec sa magnifique version du concerto de Beethoven tout en nuances subtiles. La lumière intérieure du soliste avec en plus l’engagement physique de sa puissance rythmique, donne une lecture étonnante de ce concerto réputé plutôt secret et intérieur. El Bacha a pénétré l’œuvre et en a compris le lyrisme si particulier, ce mélange de rêverie et d’exaltation romantique qui en fait un concerto passionnant.
En bis, une Bagatelle de Beethoven a apporté une touche de légèreté à la soirée avant la seconde symphonie en ré majeur op.36 donnée en conclusion de cette belle soirée beethovénienne. (D.B.) (Photos : M.A. – B. Grosvenor à Avignon -, Wikipédia – B. Douglas -, Festival – A. El Bacha -)