L’autre Scène du Grand Avignon, Vedène, 15h, durée 2h30, du 6 au 12/07 (relâche le 9/07) Création 2023
Texte et mise en scène : David Geselson
Avec : David Gelelson, Adeline Guillot, Marina Keltchewsky, Laura Mathis, Elios Noël, Dirk Roofthooft et Jérémie Arcache (violoncelle et musique additionnelle), Marine Dillard (dessins). Scénographie : Lisa Navarro. Lumière : Jérémie Papin. Vidéo : Jérémie Scheidler. Son : Loïc Leroux. Costumes : Benjamin Moreau
Jusqu’où la Science peut-elle nous mener ?
Le point de départ de cette pièce est un congrès scientifique perturbé par une cause inconnue avec la mise en confinement des deux premiers acteurs en scène. La crise d’hystérie qu’elle provoque est assez comique. Puis le congrès semble reprendre, il est situé dans les années 90, au début du séquençage de l’ADN. Ce dernier nous est défini de façon humoristique, le public étant pris à partie tels les étudiants d’un amphi ou les élèves d’une classe par leur professeur. Le but semble être de trouver la relation génétique entre Sapiens (nous) et Néandertal (notre plus proche cousin disparu il y a +/- 30 000 ans).
Un peu plus tard et de façon très habile, un laboratoire scientifique est monté sur une partie de la scène par des techniciens qui paraissent évoluer tel un ballet. Deux nouveaux acteurs sont en discussion sur le protocole d’hygiène à respecter et sur le financement de nouveaux équipements. L’agressivité des échanges montre la difficulté qu’ont les scientifiques à trouver l’argent nécessaire à leurs recherches et la dépendance qu’ils ont vis-à-vis des Etats ou d’entreprises. A ce moment-là, des films d’archives projettent des extraits de la conférence de Camp David entre Bill Clinton, Yasser Arafat et Yitzhak Rabin, puis un discours de Benjamin Netanyahou. Nous comprendrons que certains, en Israël, veulent participer au financement du séquençage avec pour but de prouver l’antériorité du peuple juif sur cette terre. Néandertal et Sapiens sont alors bien loin ! La part de géopolitique de la pièce est troublante, voire dérangeante. David Geselson la met en lumière pour provoquer activement la réflexion : quel rôle peut-on donner à la Science ? Ma formation de naturaliste a été sensible à ce questionnement. Dès le second cycle universitaire, on peut être confronté à de tels soucis ou ingérences, et tout le devenir de l’humanité peut en dépendre… Néandertal, toujours…
A travers chaque scientifique, l’œuvre est comme un puzzle. Plusieurs aspect des relations humaines en forment les pièces : entre un père âgé et son fils, ou bien entre une femme, encore jeune, et sa fillette. Sans doute faut-il y voir la part respective de la génétique et du vécu dans l’histoire de chacun, et son comportement avec autrui. Et les éminents chercheurs et chercheuses seraient-ils des humains différents des autres, avec leurs grandeurs et leurs petitesses ?
Les 4 acteurs principaux se donnent beaucoup sur scène, participe aussi à l’intensité roborative du spectacle. Apprécions aussi les interventions de la dessinatrice, Marine Arcache, qui illustrent le propos tout en ouvrant sur d’autres perspectives, tout en exquise finesse.
En revanche, on peut regretter que la bande sonore se superpose trop au jeu du violoncelliste.
Ce spectacle est complexe, non pas dans son discours explicite, mais par tous les champs de possibilité et de pensée sur lesquels il s’ouvre si largement, si puissamment, avec des problématiques toujours si actuelles.
Attiré par le seul titre de l’œuvre, je suis ravi de l’avoir découverte pour son texte, sa mise en scène et le jeu de ses acteurs.
Les Sapiens dans la salle ont fort applaudi les Néandertaliens sur la scène…
N.A. Photos Christophe Raynaud de Lage
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