Délicatesse et équilibre pour le récital en sortie de CD
Natalie Dessay & Shani Diluka. Théâtre de La Criée, Marseille, lundi 22 novembre 2021
The Proust Album : récital de piano, voix et lecture
Piano, Shani Diluka ; voix et lecture, Natalie Dessay
Organisé en partenariat avec Marseille Concerts, le récital au théâtre de La Criée est proposé au moment de la sortie du CD The Proust Album (1 CD Warner Classics). La pianiste Shani Diluka y tient la tête d’affiche, Natalie Dessay y apportant une modeste contribution en chantant sur deux des dix-neuf plages que contient le disque.
Ce soir à Marseille, les places des deux artistes sont bien plus équilibrées, la soprano française assurant non seulement des parties chantées plus nombreuses, mais aussi les parties de lecture proustienne, certaines étant prises en charge par Guillaume Gallienne au disque.
« Longtemps, je me suis couché de bonne heure… », les premiers mots du grand-œuvre proustien dits au micro par Natalie Dessay sont posés, dans un débit serein sans effets superflus. A l’exception du « Poème sur la mer », ce seront plusieurs extraits de « A la Recherche du temps perdu » qui seront lus au cours de la soirée, dont le célèbre passage de la madeleine, mais aussi, davantage en rapport avec cette soirée musicale, les réflexions de Proust sur Wagner, ainsi que la Sonate de Vinteuil.
Dans les quatre mélodies de Gabriel Fauré (« Au bord de l’eau », « Le Secret », « Clair de lune », « Après un rêve »), on reconnaît la musicalité sans failles de Natalie Dessay, un vibrato qu’elle a su garder sous contrôle, un registre grave plutôt restreint et un timbre au sonorités nasales dans le médium, qui a tendance à s’éclaircir en montant dans les aigus. Son interprétation est sensible, appuyée par une sonorisation dont la réverbération donne plus de consistance aux graves, par exemple sur les mots « Là, tout n’est qu’ordre et beauté, / Luxe, calme et volupté » de « L’invitation au voyage » de Charles Baudelaire, dans la version composée par Henri Duparc. La fin du programme monte en degré d’émotion dans les trois mélodies de Claude Debussy – « Il pleure dans mon cœur », « C’est l’extase langoureuse », « Apparition » –, avec des aigus affirmés et vainqueurs.
La pianiste Shani Diluka joue quant à elle en permanence au cours de la soirée, soit seule, soit pour accompagner le chant ou la lecture. Elle sait laisser la juste place sonore à son acolyte et la mettre souvent en valeur. Son jeu est techniquement très sûr, entre toucher caressant pour la transcription de « La Plainte d’Orphée » de Gluck et un caractère plus affirmé déployé pour « La Mort d’Isolde » de Wagner, un Liebestod plein de force dans ses montées vers le climax musical. Les deux extraits musicaux de Reynaldo Hahn (« Prince Eglantine », « Valse Ninette ») dévoilent leurs accents parfois guillerets, légers, et « Isle Joyeuse » de Debussy est l’occasion de donner encore plus d’ampleur et de dynamique à l’instrument.
Les deux artistes accordent trois bis, d’abord « Elégie » de Jules Massenet, dont Natalie Dessay déclare les « paroles tellement nulles » qu’elle préfère l’interpréter en vocalises « la-la-la ». Personnellement, nous ne les trouvons pas si nulles que cela, pour rappel la première strophe ci-dessous. Et puis, s’il fallait transformer toutes les paroles ridicules des opéras en vocalises…
« Ô doux printemps d’autrefois, vertes saisons,
Vous avez fui pour toujours !
Je ne vois plus le ciel bleu ;
Je n’entends plus les chants joyeux des oiseaux ! »
C’est ensuite « La Romance » de Claude Debussy qui est chantée avec accompagnement, avant la reprise conclusive de la mélodie de Fauré « Au bord de l’eau ».
F.J. Photos I.F.
Laisser un commentaire