Heureuse découverte d’un compositeur méconnu
Samedi 6 mai 2023, 20h 30, Eglise Saint-Agricol, Avignon
Dans le cadre des Grands concerts de musiques sacrées de Musique sacrée/ Orgue en Avignon (site officiel)
Jean-Pierre Lecaudey, direction. Luc Antonini, orgue. Raphaèle Andrieu, soprano ; Lise-Eléonore Ravot, mezzo ; Camille Tresmontant, ténor ; Raphaël Marbaud, basse.
Chœur Cantabile
Ensemble instrumental Trèsorchestral
Josef Rheinberger, Stabat Mater op.138. Josef Rheinberger, Concerto pour orgue et orchestre n° 1 op.137. Josef Rheinberger, Requiem op.194
On n’a pas souvent l’occasion de croiser Josef Gabriel Rheinberger (1839-1901) dans les programmes de concerts. Célèbre de son vivant, comme organiste, compositeur auteur de près de 200 numéros d’opus, enseignant qui a connu parmi ses élèves Humperdinck, Wolf-Ferrari, Furtwängler, il fait partie de ceux qui sont ensuite tombés dans l’oubli, mais que des musicologues et musiciens parviennent un jour à redécouvrir et à rappeler à la mémoire des interprètes et mélomanes. Musique Sacrée et Orgue en Avignon, qui participe à cette redécouverte, nous proposait, ce samedi 6 mai, trois œuvres de ce compositeur originaire du Liechtenstein et qui, dès l’âge de 12 ans, fit toute sa carrière à Munich, où il occupa des postes prestigieux, comme ceux d’inspecteur de l’Ecole Royale et de maître de chapelle de la cour de Bavière. Anobli en 1894, il devint von Rheinberger et reçut en 1899 le titre de Docteur Honoris Causa de l’Université de Munich. Il était également membre de l’Académie royale des Beaux-Arts de Berlin. Il a beaucoup écrit pour l’orgue, seul ou accompagné de diverses formations instrumentales et/ou chorales, mais également pour diverses formations de musique de chambre, pour l’orchestre (concertos compris), pour les chœurs et pour la scène (3 opéras). La musique sacrée (messes, motets, Requiem, Stabat Mater, chœurs a cappella, hymnes, pièces pour orgue) représente une part non négligeable de la production de ce compositeur attaché à l’église catholique.
Pour le présent concert, l’orgue était donc à l’honneur, avec des œuvres de la pleine maturité de l’auteur, deux œuvres religieuses, un Stabat Mater et un Requiem, et un concerto.
Des Stabat Mater, Rheinberger en a composé deux. L’opus 138 est le deuxième, écrit pour chœur, orgue et orchestre à cordes. Des Requiem, il en a produit trois. L’opus 194 est le dernier, composé pour solistes, chœur et orgue, qui a la particularité de ne pas comporter de Dies irae.
Qu’en dire ? Qu’il s’agit surtout d’œuvres destinées à l’office religieux. Selon les parties de texte qu’elles illustrent, elles appellent au recueillement, à la compassion, à l’imploration, à la louange. On apprécie la finesse et la maîtrise de l’écriture, la beauté de la musique, le mariage des timbres, mais l’ensemble ne conduit pas vers une véritable émotion. L’absence de solistes y est sans doute pour quelque chose, privant les œuvres d’un peu de théâtralité, des voix solistes étant plus à même de provoquer l’émotion, d’évoquer les sentiments, le partage de la douleur de la Vierge ou de l’épreuve de la mort. Je dis absence de solistes, car dans le Requiem, le chœur étant omniprésent, le quatuor n’émerge que pendant quelques mesures dans l’Hostias et le Benedictus. Je retiendrai cependant, dans le Stabat Mater, un touchant « Eia Mater, fons amoris » (3ème partie), une sorte de bercement consolateur. Avec un Chœur Cantabile (site officiel) homogène, bien en place, respectueux des nuances, un ensemble équilibré, mêlant parfaitement les sonorités, les cordes, Luc Antonini – qui vient d’être brillamment couronné à Helsinki dans ses activités de compositeur – et Jean-Pierre Lecaudey ont ici rendu un bel hommage à ces deux œuvres.
Si nous sommes habitués aux œuvres pour orgue et orchestre des grands maîtres du baroque, nous le sommes moins pour les époques qui suivent, cette association instrumentale qui, pourtant reste pratiquée, étant peu en vogue parmi les compositeurs les plus en vue. Rheinberger a écrit deux concertos pour cet instrument. C’est le premier qui était programmé et je dois dire que l’œuvre est assez remarquable et singulière, digne d’être connue. L’orgue y est accompagné d’un orchestre à cordes et de trois cors. L’écriture est d’une belle maîtrise, l’alliance de l’orgue, des cordes et des cors est parfaite, très équilibrée. Le premier mouvement, moderato, de forme sonate, débute par une attaque décidée de l’orgue, rejoint par les cordes puis les cors. L’orgue, conquérant, tente de s’imposer, mais l’orchestre reste présent et le mouvement se développe entre alternances orgue / orchestre et le mariage des deux. L’andante est plus complexe, mais offre, avec un orgue plus intime, un beau moment de dialogue nuancé des instruments, qui s’achève dans l’apaisement. Dans le troisième mouvement, con moto, également de forme sonate, les cors mènent magnifiquement la danse et entraînent leurs partenaires vers un final triomphant. Il est à noter qu’afin d’offrir la plus belle image sonore, l’orchestre avait pris place à la tribune d’orgue. Tous les musiciens sont à féliciter, qui nous ont vraiment proposé là un beau concerto, et à remercier pour cette découverte d’un compositeur nommé Josef Gabriel Rheinberger, qui mérite, sans doute, d’être mieux connu.
B.D. Photos (Choeur Cantabile, Camille Tresmontant, Raphaèle Andrieu) DR
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