Peut-on vraiment tout transcrire ?
Musique sacrée, Basilique Métropolitaine Notre-Dame des Doms, Avignon (11 mai 2018)
Wolfgang-Amadeus Mozart, Messe dite du solo d’orgue, Kv 259. Ludwig van Beethoven, Extraits de la 7e symphonie, adaptation pour deux orgues. Johannes Brahms, Extraits de la 3e symphonie, adaptation pour deux orgues. Franz Schubert, Messe n°2 en sol majeur D167
Ludivine Gombert, soprano ; Albane Carrère, mezzo-soprano ; Alfred Bironien, ténor, en remplacement de Camille Tresmontant ; Gilen Goicoechea, baryton ; Pierre Guiral, basse.
Chœur de l’Opéra Grand Avignon, Aurore Marchand, direction. Luc Antonini, Jean-Pierre Lecaudey, orgue doré et orgue de chœur
En co-production avec l’Opéra Grand Avignon
L’association Musique Sacrée en Avignon/orgue en Avignon (fusion, depuis deux ans, des deux associations antérieures) donnait, à la Métropole Notre-Dame-des-Doms, ce vendredi 11 mai à 20h30 le dernier de ses « grands concerts » de la saison 2017-2018. Au programme, trois transcriptions pour deux orgues, réalisées et interprétées par Jean Pierre Lecaudey : le 1er mouvement de la symphonie « Jupiter » de Mozart, le 2ème mouvement « Allegretto » de la 7ème symphonie de Beethoven et, chez Johannes Brahms, l’incontournable « Allegretto » de la symphonie n°3 en fa majeur. La Messe n°8 en do majeur de Mozart appelée aussi « Orgelsolomesse » à cause de l’ « orgue obligé » qui apparaît au début du Benedictus et la Messe n°2, en sol majeur, de Franz Schubert chantées par le Chœur de l’Opéra Grand Avignon complétaient le programme.
Les nombreux auditeurs semblaient, dans l’ensemble, heureux de leur soirée. Pas tous, néanmoins. Il était, en effet, difficile d’être satisfait des transcriptions, qui ont gommé les spécificités de chaque œuvre. Il faut dire aussi qu’une symphonie est pensée pour être un tout orchestral, un « ensemble ». Ainsi que l’indique l’étymologie : « Syn- (ensemble), phonè (le son) ». Et non un dialogue entre plusieurs instruments. Dans la symphonie « Jupiter », l’orgue doré a cherché sa place sans parvenir à sortir du confus des couleurs et des accents. L’orgue de chœur assuré par Luc Antonini, heureusement, avait belle tenue. Il était parfaitement présent et jamais écrasant. Mais ils étaient deux et nous avons trop entendu qui était l’un et qui était l’autre. C’était dommage. Dans Beethoven, l’orgue de chœur est resté dans l’excellence, l’orgue doré était en retrait. En tout cas, personne n’a ressenti d’invitation à la danse et n’a demandé un bis pour cet Allegretto. Dans Brahms, il y a eu de belles couleurs, un heureux balancement, et les deux orgues étaient peut-être moins à distance pour servir la belle phrase de l’Allegretto que tout le monde évidemment connaissait.
Le Chœur de l’Opéra grand Avignon a une grande qualité. C’est parfaitement juste et parfaitement en place. Mais quel excès de puissance ! Trop, c’est tout de même trop. Il a fallu arriver à l’Agnus Dei de la deuxième messe pour enfin entendre une nuance et même – ô merveille ! – un pianissimo. Les solistes étaient de qualité.
La soprano Ludivine Gombert avait de la présence. Albane Carrère, mezzo-soprano, a tenu dignement la place qui était la sienne. Alfred Bironien, ténor appelé en dernière minute en remplacement de son collègue empêché par les problèmes de transport aérien, manquait juste d’un peu de tendresse dans la voix pour corriger un timbre un peu trop rigide. Pierre Guiral avait l’assurance que l’on aime entendre. Plusieurs enfin ont souligné la discrète onctuosité de la voix du baryton Gilen Goicoechea. L’un et l’autre remplaçaient eux aussi au pied levé le baryton-basse initialement prévu. Saluons une fois encore l’orgue Mutin – Cavaillé-Coll qui, dans Mozart comme dans Schubert, accompagnait le chœur à la perfection. (J.A. Photos de concert G.ad.)