Intensité et poésie
Festival de Pâques. www.festivalpaques.com Aix-en-Provence, Grand Théâtre de Provence. Jeudi 1er avril, 20h30
Momo Kodama, piano
Olivier Messiaen (1908-1992), Vingt Regards sur l’Enfant Jésus
Alors qu’elle-même a été le « coup de cœur » de François-Frédéric Guy, appelé en 24h pour remplacer dans une « œuvre colossale » Alexandre Kantorow souffrant, Momo Kodama revendique pour sa part dans ce Festival de Pâques deux coups de cœur au lieu d’un, tous deux à venir dans ce Festival de Pâques 2021 : la Passion selon St Mathieu, « inépuisable de force et de beauté, surtout pour un Vendredi-Saint », et la Carte blanche à Renaud Capuçon, « qui devrait être festive, et taillée sur mesure pour Aix ».
En cette soirée de Jeudi-Saint, la fresque de vingt pièces brèves, les Vingt Regards sur l’Enfant Jésus, résonne avec une intensité spirituelle qui fait honneur au compositeur avignonnais, héritier d’une tradition sacrée qu’il dépasse pour ouvrir des voies encore plus larges et, selon ses propres termes, « s’approcher de l’au-delà ». Il revient de captivité – période pendant laquelle il avait composé et créé le Quatuor pour la fin du temps – quand il compose cette œuvre. Celle-ci, toute pénétrée de spiritualité orientale, à la fois éthérée et sensuelle, précède de quelques années Cantéyodjayâ (1948), composée aussi de 20 séquences courtes, et relève de cette même sensibilité extrême-orientale que revendiquent aussi les plus tardifs Sept haïkaï (1962). La retransmission vidéo du Festival de Pâques ajoute, à côté du titre de chaque « regard », quelques mots d’interprétation pour guider l’écoute.
Les vues plongeantes (caméra 4) déploient toute l’amplitude de Momo Kodama embrassant l’étendue du clavier, ainsi que l’écartement des doigts, le croisement des mains… ; les autres prises de vue effleurent l’intensité de la concentration sans jamais briser l’émotion ou se montrer intrusives. Momo Kodama est une familière du répertoire de Messiaen, et notamment de cette œuvre qu’elle a gravée il y a une quinzaine d’années, après d’autres enregistrements de référence, comme celle d’Yvonne Loriod la créatrice, puis Roger Muraro un des interprètes de prédilection. Momo Kodama sait exprimer avec une exquise sensibilité et un toucher très divers ce « langage d’amour mystique, à la fois varié, puissant, et tendre, parfois brutal, aux ordonnances multicolores », ainsi que le définissait le compositeur lui-même. Le kaléidoscope des couleurs, entre accords, arpèges, modulations, résonances et variations, illumine cette œuvre à laquelle Momo Kodama offre une interprétation de très grande qualité. Ses silences mêmes sont poétiques et habités…
G.ad.
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