92 printemps sous ses doigts ailés…
Menahem Pressler, piano
(photo Marco Borggreve)
Mozart, Rondo en la mineur, K 511. Beethoven, Sonate n°17, en ré mineur, opus 31 n°2, dite « La Tempête ».
György Kurtág, Impromptu al Ongarese (œuvre dédiée à Menahem Pressler). Debussy, Estampes. Chopin, Ballade n°3, en la bémol majeur, opus 47.
Au programme, une longue soirée – que l’artiste a encore prolongée d’une interminable séance de dédicaces -, avec de grands classiques, dont ont a déjà tout dit. Un Rondo pré-romantique de Mozart, une Sonate beethovenienne « tempêtueuse » magnifiquement soulevée, des Estampes de Debussy délicieusement orientalisantes, et une Ballade ensoleillée de Chopin.
Et surtout un « Impromptu al Ongarese » composé pour Menahem Pressler par le Hongrois György Kurtàg, de 3 ans plus jeune que lui, compatriote de Bartok et Eötsvös dont on allait entendre deux jours plus tard des créations opératiques (Senza sangue & Château de Barbe-Bleue).
Un miracle de jeunesse ! 70 ans de carrière, plus de 30 disques, pour ce jeune homme de 92 printemps. Une page entière ne suffirait pas pour énumérer les multiples récompenses qui ont jalonné le parcours prestigieux de Menahem Pressler, créateur du Beaux-Arts Trio, considéré comme l’un des meilleurs ensembles – trio avec piano – au monde. Une formation qu’Avignon avait eu le bonheur d’accueillir en 2001 et 2007.
Si Menahem Pressler avait dû annuler pour raisons de santé le récital initialement prévu à Avignon pour octobre dernier, la retransmission télévisuelle des dernières Victoires de la musique, où il a été couronné d’une Victoire d’honneur, l’avait montré en pleine forme, toujours malicieux et volubile. C’est dire combien l’Opéra Grand Avignon attendait avec impatience cette légende vivante, doyen des pianistes en activité. Et en plein cœur d’une tournée qui le menait de Paris en Allemagne, puis retour à Paris où, la dernière semaine de mai, il allait donner des masterclasses de musique de chambre.
Un miracle. A peine assis au piano, le petit homme arrivé péniblement au bras de ses deux assistants – il se déplaçait avec déambulateur lors de notre entretien, l’avant-veille -, redevient le gamin malicieux qu’il n’a jamais cessé d’être. Quelle vigueur, quelle force du toucher, quelle énergie sereine, dans le Rondo mozartien ! Et quel Allegretto coloré, enlevé, tout miroitant chez Beethoven ! Et combien d’images jaillissent de la partition de Debussy, qu’on redécouvre ainsi, éclaboussée de couleurs, à travers les irisations de la pluie ! Et quel panache dans le geste large de salut ! Quant à Chopin, avec cet interlocuteur hors normes il est tout sauf mièvre. Son romantisme est puissant, roboratif, comme on ne l’a sans doute jamais entendu.
De l’Impromptu enfin, qui ouvrait la 2nde partie, j’avais demandé au maître si, écrite pour lui, l’œuvre lui ressemblait. Il avait souri et répondu : « It’s very sensitive ». Le temps en effet y prend force et matière. Pendant ces quelques minutes (8 minutes, je crois), j’ai vraiment compris ce qu’est la musique des sphères célestes. Et surtout j’ai senti s’égrener, une à une, les notes du temps, la chair même des secondes. Une sensation quasi physique.
On me pardonnera sans doute cet enthousiasme inaccoutumé. Juvénile ? Sans doute, à l’image du pianiste qui l’a suscité. Naïf ? Certainement pas, tant l’artiste a offert ce soir-là toute la richesse et la plénitude d’une vie particulièrement nourrie.
G.ad.
Le mot de nos gagnants
Le concert donné par Menahem Pressler fut d’une telle virtuosité…
Un contraste saisissant entre la fragilité d’un vieil homme sur sa canne – un peu funambule debout -, et la beauté de sa musique au piano, une fois assis, avec son âme au bout des doigts… et la bienveillance dans le regard…
Sa musique semblait voler dans l’espace, et les yeux fermés les notes dansaient dans le noir devant les paupières…
Menahem Pressler a « reçu » l’ovation du public debout ! Un grand concert, vraiment
D.F.
Emouvant récital de Menahem Pressler…
J’ai trouvé plaisir à entendre et voir cette passion encore intacte pour la musicalité, la transmission de l’émotion et du sens de la musique, même si les moyens n’étaient peut-être plus tous présents à chaque instant.
La possibilité d’acheter un CD des œuvres données ce soir-là, dont ce rondo de Mozart peu connu, à l’émotion tout intériorisée, et dont il parle si bien sur le livret du CD, et de le faire dédicacer me laisseront un souvenir marquant.
F.F.