Pas de nacelle pour la seconde
Mefistofele. Théâtre Antique d’Orange. Opéra en un prologue, 4 actes et épilogue Musique d’Arrigo Boito (1842-1918). Durée 2h50. Livret du compositeur d’après Wolfgang von Goethe. Création : Milan, Teatro alla Scala, 5 mars 1868. Version révisée : Bologne, Teatro Communale, 4 octobre 1875
Direction musicale, Nathalie Stutzmann. Mise en scène, Jean-Louis Grinda. Décors, Rudy Sabounghi. Costumes, Buki Shiff. Eclairages, Laurent Castaingt. Vidéos, Julien Soulier
Mefistofele, Erwin Schrott ; Faust, Jean-François Borras ; Wagner / Nereo, Reinaldo Macias
Margherita, Béatrice Uria-Monzon ; Marta, Marie-Ange Todorovitch ; Elena, Béatrice Uria-Monzon ; Pantalis, Valentine Lemercier
Orchestre philharmonique de Radio France. Chœurs des Opéras d’Avignon, Monte-Carlo et Nice. Chœur d’enfants de l’Académie Rainier III de Monaco
Les organisateurs s’en seraient bien passés, mais à la seconde représentation tout le monde ne parlait que de cette fameuse nacelle qui, quatre jours plus tôt, était restée accrochée à quelques mètres au-dessus de la scène, ballottée par le mistral pendant dix bonnes minutes, avec Jean-François Borras agrippé à la balustrade pour tenter de stabiliser le dispositif, tandis qu’Erwin Schrott courait d’avant en arrière en fonction du vent… https://www.youtube.com/watch?v=ydhLIC46GZY
N’importe, c’est la magie du spectacle vivant, de faire battre un peu plus fort le cœur des spectateurs, que ce soit par une défaillance technique ou humaine, ou par l’excellence de la production. Pour la seconde représentation on aura évité ce type de frayeur : Faust et Mefistofele se contentent de regarder d’en-bas une nacelle qui figure leur envolée…
Mais la soirée fut douce et belle. Et ce Mefistofele auquel Jean-Louis Grinda tenait tant, pour sa toute première programmation – et pour le centenaire de la mort du compositeur -, fut à la hauteur des attentes.
Les scènes de foule se déploient magistralement sur ce grand plateau, tant avec les anges immaculés qui ouvrent et ferment l’œuvre dans une lenteur majestueuse et sacrée, qu’avec les carnavaleux facétieux.
Si le baryton-basse uruguayen Erwin Schrott a incarné un Mefistofele de haut vol, rock’n roll à souhait, le ténor monégasque Jean-François Borras a campé à ses côtés un Faust de grande classe. Béatrice Uria-Monzon, plus soprano que mezzo depuis Tosca à Avignon, a rempli avec la même maestria les rôles – pourtant différents vocalement – de Margerita et Elena, la nîmoise Valentine Lemercier – qu’on avait vue au même endroit dans Madama Butterfly en 2016 – confirme ses qualités, et même Marie-Ange Todorovitch s’est régalée dans le personnage de fantaisie de Marta qui lui sied fort bien.
Les Chœurs, adultes et jeunes, ont bien mérité les applaudissements chaleureux qui leur ont été adressés, pour leur engagement, leur homogénéité, leurs couleurs. Cette œuvre très « chorale » leur doit beaucoup.
L’Orchestre philharmonique de Radio-France, en lieu et place de l’orchestre initialement prévu, a fait miroiter les divers registres de la partition, sous la première direction féminine en ce lieu, Nathalie Stutzmann.
Il n’est pas étonnant toutefois que ce Mefistofele, l’unique opéra d’un Boito de 26 ans, qui a pourtant des admirateurs légitimes, ne suscite que rarement l’attention d’un metteur en scène. Intéressant, complexe, il n’a rien des grands « tubes » opératiques.
La mise en scène, qui avait été créée à Monte Carlo puis reprise en 2007 à Liège, s’est parfaitement adaptée aux contraintes particulières du théâtre antique, avec notamment ces tours métalliques modulables… mais peu esthétiques. (G.ad. Photos Philippe Gromelle)