Depuis des décennies, un fantaisiste-poète toujours bondissant
Marcel Amont
Festival Georges Brassens, Vaison-la-Romaine (84)
En 1e partie, le groupe Faut qu’ça swingue (guitare rythmique ; contrebasse ; guitare solo, Jonathan).
De la variété sur Classiqueenprovence ?! Si Marcel Amont est ici inattendu, c’est néanmoins lui qui m’a guidée vers le lyrique ; par la « petite porte », peut-être, mais dans sa voix La Veuve joyeuse, Méditerranée ou Véronique, ou d’autres m’avaient paru, dans mes jeunes années, bien moins intimidants que l’opera seria que mon père écoutait. D’ailleurs en Marcel Amont j’ai toujours préféré la romance à la fantaisie. Et la chanson de son répertoire que j’ai toujours préférée était Flirt classique, bien avant de savoir qu’elle s’inspirait de Haendel. Et je ne crois pas qu’il existe une frontière infranchissable entre la « grande musique » et la variété, d’autant que Marcel Miramon est également bon musicien, guitare, saxo notamment.
C’est mon troisième concert de Marcel Amont, après Aubenas (07) en 1967 puis Nancy (54) il y a une trentaine d’années. Ce Festival Georges Brassens, créé et toujours présidé par Georges Boulard, réunit quantité d’habitués, de « copains », dans une ambiance conviviale mais de bonne tenue.
En première partie de Marcel Amont, un groupe de jazz manouche, Faut qu’ça swingue, qui déroule, dans un tempo soutenu et en enchaînements parfois glissés, Le Pornographe, La Femme d’Hector, Les bancs publics (sur un joli rythme de valse), L’Orage, Je m’suis fait tout p’tit, Les copains d’abord, Le temps ne fait rien à l’affaire ; et en bis, après un faux conciliabule d’improvisation, La non demande en mariage et la Supplique… Une première partie dans laquelle le public n’a pas boudé son plaisir.
Et quand arrive Monsieur Marcel Amont, on imagine l’ovation. Si son âge m’avait fait redouter, comme chez d’autres artistes, le concert ou la tournée de trop, la soirée m’a vite rassurée. Certes il ne court plus comme un diable, il ne joue plus les équilibristes sur deux pieds d’une chaise, comme il le faisait encore sans effort il y a quelques décennies, mais il esquisse toujours, silhouette juvénile, des pas de danse, joue toujours les automates… Dans la partie attendue, on entendra les tubes inoxydables, comme Le Monsieur qui volait, Le Clown, Y’en avait si peu, Bleu blanc blond (la salle est tellement heureuse de reprendre le refrain !), Les bleuets d’azur moins connus mais pour lesquels j’ai toujours eu une certaine faiblesse, Le Chapeau de Mireille au refrain toujours aussi acrobatique, Maria et le pot au lait… Chansons écrites et/ou composées pour les trois quarts par l’interprète, et parfois dues à l’amitié, de Brassens ou de Claude Nougaro, excusez du peu. Au sein d’un répertoire assez large et au fil d’une longue carrière, il est piquant de voir ainsi, presque un demi-siècle plus tard, ce qui, aux yeux et au cœur de l’artiste, mérite de rester en haut de l’affiche et qu’il emporte toujours dans ses bagages de scène, sûr de l’adhésion du public.
A côté des grands succès auxquels Marcel Amont ne peut se dérober, on apprécie également, intacts, ses dons d’imitateur : Darry Cowl, Fernand Raynaud, Félix Leclerc, Raymond Devos.
Et l’on découvre aussi, en… amont (puis-je oser ?) de son futur spectacle, « Marcel raconte et chante Amont », des nouveautés comme « Papa était coco, maman était catho », ou « Futur antérieur », jolie déclinaison sur le temps affectif, de l’histoire personnelle, celui qui passe et nous échappe, à travers la fluidité d’une relecture de l’Histoire. De la fantaisie, toujours, de l’humour fin, la jubilation des mots, la culture, le trait d’esprit, et de la romance, toujours aussi. Et un homme d’une fine culture, que l’élégance drapait aussi de drôlerie, ainsi que j’avais pu le constater lors d’une interview téléphonique – en présence de son épouse Marlène – à propos du concours de la chanson en Eurovision, auquel il avait indirectement participé.
Et surtout un profond respect du public, une complicité sans familiarité, l’immense modestie de celui qui ne se revendique « que » fantaisiste, et un regard sans complaisance sur la société et le monde d’aujourd’hui qu’il décoche dans une pirouette rieuse, jamais irrévérencieuse.
Mais comme un récital de Marcel Amont est aussi un dialogue avec le public et non un tour de chant monologué, il s’adresse souvent à la salle. Et parfois, en toute simplicité, lui offre comme des colliers de perles, dont je crois n’avoir pas noté les meilleures : « Qu’est-ce qu’une chanson ? Un repère, une arme de marché, une madeleine… » ou « Quand on n’est pas doué pour refaire le monde, ce n’est pas si mal de lui donner le sourire ». Des phrases que l’on pourrait ranger sur les étagères des citations de quelque moraliste ou humoriste, mais qu’il vous offre avec la légèreté d’un battement d’ailes.
G.ad. Toutes photos G.ad.
Et en 1967, à partir d’un mini-appareil photo, le Starlet, toute une époque !
On ne pouvait y échapper…
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