Béatrice Dalle attendue pour ses débuts sur les planches, en redoutable prédatrice
Les Fêtes nocturnes de la Drôme, au château de Grignan (30-06-2014).
Lucrèce Borgia, Victor Hugo. Mise en scène et scénographie, David Bobee.
Béatrice Dalle, Pierre Cartonnet, Radouan Leflahi, Marc Agbedjidji, Pierre Bolo, Juan Rueda, Jérome Bidaux, Marius Moguiba, Catherine Dewitt.
C’est toujours un bonheur de renouer avec Grignan, en chaque début d’été ! La qualité de la programmation, le lieu enchanteur, et la date précoce, coup d’envoi des festivals d’été… juste après Musiques en Fête aux Chorégies d’Orange. Nous apprécions habituellement les créations de spectacles, ce moment comme suspendu qui va décider de l’avenir d’une pièce, d’un opéra : c’est toujours un air particulier, qui flotte sur les « premières », qui scelle une connivence mystérieuse entre artistes et public chanceux, a fortiori en plein air, a fortiori aussi pour une grosse production qui entame un festival de presque 2 mois.
Et c’est toujours un grand bonheur pour le spectateur que de gravir la pente pavée du château pluricentenaire de Grignan, de regarder le soleil descendre doucement sur la plaine aux couleurs lavande, de contempler à ses pieds les toits provençaux serrés autour des contreforts du château ; l’un d’entre eux abrite le poète Philippe Jaccottet, qui nous a fait l’honneur de nous recevoir il y a quelques années dans son havre de paix provençal. C’est aussi un bonheur d’attendre au Bar du Bosquet, ou déjà dans la cour du château, devant le parvis où va se jouer, cette année, Lucrèce Borgia.
C’est toujours un bonheur à Grignan… Pourtant en cette année 2014, en ce début d’été, la colère des intermittents grondait, entraînant la triste annulation de quelques festivals (Uzès danse) ou de quelques premières (Le Prince de Hombourg à Avignon, et Lucrèce Borgia, justement, à Grignan). Et quand les représentations ont repris, la soirée du 30 juin fut glaciale dans la magnifique cour du château.
Frigorifiés, on compatissait avec les acteurs, contraints de jouer dans une piscine prétendument vénitienne. Jouer, se déplacer, éclabousser… Cette idée du metteur en scène, David Bobee, qui eût dû être géniale, se révélait désastreuse ; combien de malades compterait-on d’ici la fin des représentations, entre le 26 juin et le 20 août ?
En cette soirée venteuse pourtant, les gradins de bois sont pleins. Nul doute que beaucoup sont venus pour voir le monstre sacré presque quinquagénaire faire ses débuts sur les planches. Béatrice Dalle passe du cinéma au théâtre. Elle, qui a découvert la culture classique par des chemins buissonniers, ne se ménage pas. Elle a confié en interview refuser toute hygiène de vie draconienne, mais se montrer disciplinée vis-à-vis d’un metteur en scène, au cinéma ou au théâtre. Et elle se déchaîne, donnant à Lucrèce Borgia une violence presque animale. On la soupçonne d’avoir quelque affection pour cette fille de pape et de courtisane, empoisonneuse, incestueuse, démoniaque mais fascinante. Elle habite totalement son personnage, dans une explosion de vitalité terrifiante, excessive, dans son habit noir en contre-lumière (éclairages Stéphane Babi Aubert) au milieu des jaillissements aquatiques.
A côté d’elle, le jeune Gennaro (Pierre Cartonnet, si touchant) à qui elle avouera in fine être sa mère, est l’ange d’une rédemption impossible. Danseurs hip-hop, acrobates, éclairages rouge sang, sombreront tous dans une mort annoncée. Terrible et puissant… comme le mistral de ce soir, qui nous transperce.
G.ad. Photo capture d’écran
Jusqu’au 23 août à Grignan, puis en tournée à l’automne : du 15 au 18 octobre à Créteil, le 4 novembre à Colombes, les 8 et 9 novembre à Sainte-Maxime, région Provence-Alpes-Côte-d’Azur (83), du 12 au 22 novembre à Lyon, du 3 au 6 décembre à Orléans.
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