L’Orchestre de Paris de retour au Festival d’Aix-en-Provence
Grand Théâtre de Provence, les samedi 13 et dimanche 14 juillet 2024
Concerts de l’Orchestre de Paris
Klaus Mäkelä, direction ; Christiane Karg, soprano
Charlotte Bray : A Sky Too Small – création mondiale.Wolfgang Amadeus Mozart : Symphonie n°31 dite « Paris ». Hector Berlioz : Symphonie fantastique. Arnold Schönberg : Verklärte Nacht (La Nuit transfigurée). Gustav Mahler : Symphonie n°4 en sol majeur
Après sa venue l’année dernière pour « Ballets russes », dans la salle surchauffée du Stadium à Vitrolles pour y jouer la somptueuse musique de Stravinski, l’Orchestre de Paris et son jeune chef Klaus Mäkelä (28 ans à ce jour) sont de retour au Festival d’Aix-en-Provence pour deux concerts qui s’enchaînent sur deux soirées consécutives. Le programme de ces deux soirs sollicite un spectre très large de compositeurs, depuis Mozart (1756-1791) jusqu’à la création contemporaine.
C’est justement une œuvre contemporaine qui ouvre la première soirée, soit la courte composition « A Sky Too Small » de Charlotte Bray (née en 1982), donnée en création mondiale. Les accords lancinants des cordes sont bientôt interrompus par les interventions répétées des cuivres et percussions, puis enchaînent sur des pizzicati. Au bilan de ces sept minutes d’écoute, une musique en majorité tonale, qui sollicite l’orchestre en grosse formation.
Saut en arrière avec Mozart ensuite, et sa Symphonie n°31 surnommée « Paris », écrite, au plus près du goût français, par le jeune compositeur de 22 ans. On y entend ce soir un Mozart enjoué et vif, dans une rondeur de son qui contraste par instants avec certains départs impulsés avec dynamique par le chef.
Mais le morceau de choix de la première soirée est évidemment la Symphonie fantastique de Berlioz, ouvrage au cœur du répertoire romantique, sur l’intrigue non moins dramatique d’un jeune musicien qui s’empoisonne par désespoir amoureux. Directeur musical de l’Orchestre de Paris depuis l’automne 2021, le chef finlandais Klaus Mäkelä y déploie une gestique souvent très démonstrative. Et la musique est régulièrement à cette image, tour à tour menaçante, caverneuse lorsque les graves des contrebasses sont sollicités, ou plus aérienne au cours du Bal ou de la Scène aux champs. La valse est effectivement très dansante et la Scène aux champs particulièrement poétique dans son dialogue entre le cor anglais et le hautbois en coulisse. Mais c’est un flot de décibels qui avance par la suite dans les deux dernières scènes « Marche au supplice » et « Songe d’une nuit du Sabbat », à vrai dire une marée acoustique qui emporte tout et où les pupitres de bois ont bien du mal à surnager parmi les cuivres et percussions. Ce Berlioz-ci doit bien sûr être brillant, éclatant, mais n’est-on pas passé ce soir par instants dans un Berlioz pompier ?
Deux compositeurs sont à l’affiche le lendemain, d’abord Arnold Schönberg (1874-1951) avec La Nuit transfigurée (Verklärte Nacht). Ces belles pages écrites en 1899 sont d’un grand classicisme, où l’on sent l’influence de Richard Wagner à plus d’un moment. Musicalement, on se situe en effet encore à des années-lumière de son opéra Moses und Aaron, créé post-mortem en 1957. Les nuances y sont ici variées, entre grande délicatesse, voire sensualité des cordes à leur démarrage, et certaines ruptures de rythmes qui donnent de la personnalité et une tension dramatique à cette partition qui séduit constamment l’oreille. A noter les très belles prestations des trois solistes aux violon, alto et violoncelle.
C’est la Symphonie n°4 de Gustav Mahler qui conclut le séjour aixois des musiciens parisiens, pour une interprétation très soignée. Un vaste panorama mélodique et d’orchestration est ainsi offert, entre échos folkloriques du premier mouvement, et son grelot où l’on croit voir avancer une calèche tirée par un cheval, l’espièglerie du deuxième mouvement, le raffinement du suivant, avant le mouvement conclusif chanté. A noter la maîtrise du violon solo Andrea Obiso, qui change d’instrument au cours du deuxième mouvement, pour jouer de manière presque plus « grinçante » avec un violon accordé un ton plus haut. Le chant de la soprano Christiane Karg arrive enfin comme un printemps qui revient dans le dernier mouvement, « Das himmlische Leben » (La vie céleste) restant en effet à l’écart des tumultes du monde. Placée à l’arrière de l’orchestre, la projection de la chanteuse est parfois tempérée par les instrumentistes qui la séparent de l’auditoire, mais on apprécie sa voix expressive et d’une qualité très homogène.
I.F., texte & photo
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