Drôle de choix pour l’ouverture du festival…
L’opéra de quat’sous, texte de Bertolt Brecht, musique de Kurt Weill, 75e Festival d’Aix-en-Provence, Théâtre de l’Archevêché, mercredi 5 juillet 2023
Direction musicale, Maxime Pascal. Adaptation et mise en scène, Thomas Ostermeier. Scénographie, Magda Willi. Costumes, Florence von Gerkan. Lumière, Urs Schönebaum. Dramaturgie et collaboration artistique, Elisa Leroy. Chorégraphie, Johanna Lemke. Vidéo, Sébastien Dupouey. Son, Florent Derex
Troupe de la Comédie-Française : Véronique Vella (Celia Peachum) ; Elsa Lepoivre (Jenny) ; Christian Hecq (Jonathan Jeremiah Peachum) ; Nicolas Lormeau (Robert, homme de Macheath et Smith) ; Benjamin Lavernhe (Brown) ; Birane Ba (Macheath) ; Claïna Clavaron (Lucy) ; Marie Oppert (Polly Peachum) ; Sefa Yeboah (Filch et Saul, homme de Macheath) ; Jordan Rezgui (Matthias, homme de Macheath).
et Cédric Eeckhout (Jacob, homme de Macheath)
Orchestre Le Balcon ; Chœur amateur Passerelles
On pouvait, a priori, s’étonner que le Festival d’Aix-en-Provence mette en tête de son affiche L’Opéra De Quat’sous de Kurt Weill et Bertolt Brecht, pour ouvrir la manifestation qui marque cette année ses 75 ans d’existence. Ceci alors que Così fan tutte est aussi au programme 2023, le titre mozartien donnant naissance, il y a trois quarts de siècle, au festival aixois dans cette même cour de l’Archevêché. « Pièce avec musique », on sait que L’Opéra De Quat’sous n’est pas vraiment à classer dans la catégorie Opéra, contrairement au bien plus lyrique Aufstieg und Fall ser Stadt Mahagonny des mêmes Weill et Brecht, proposé en 2019 au Grand Théâtre de Provence.
Du moins la couleur est annoncée : les interprètes sont membres de la troupe de la Comédie-Française, coproducteur du spectacle, et la représentation est sonorisée, pour un agréable confort acoustique du spectateur-auditeur. L’amateur de musique peut tout de même goûter aux mélodies entêtantes et orchestrations douces-amères, jouées par la dizaine de musiciens du Balcon, formation souvent entendues dans les œuvres des 20ème et 21ème siècles. Ils sont placés sous la direction musicale très énergique et généreuse de Maxime Pascal.
Pour ce qui est du chant, le lyricophile est évidemment moins aux anges avec cet ensemble de chanteurs-acteurs, bien meilleurs acteurs que chanteurs. On apprécie surtout la jolie voix de Marie Oppert en Polly, à l’intonation juste qui flatte l’oreille. Dans le rôle le plus sollicité de Macheath, Birane Ba déroule un jeu assez naturel et fluide, mais le chant ne se hisse pas au même niveau, à bout de souffle et moins juste en fin d’ouvrage, lorsqu’il est condamné à mort, avant d’échapper à la pendaison. Au sein de la troupe, l’acteur qui impressionne le plus est évidemment Christian Hecq en Peachum, voix magnifiquement posée pour le débit de son texte.
L’œuvre est représentée en français et s’éloigne ainsi significativement de l’original allemand et de ses sonorités parfois grinçantes. Une nouvelle traduction a été établie pour l’occasion et peut se rapprocher de notre époque, sans éviter un certain « franc-parler » comme « Ferme ta grande gueule » !
La mise en scène de Thomas Ostermeier démarre dans un grand dénuement : plateau noir vide, quatre micros en avant-scène qui attirent régulièrement les solistes pour leurs airs, comme dans un tour de chant, et trois bandeaux lumineux où défile un texte situant l’action. Une passerelle et deux escaliers latéraux prennent place un peu plus tard, ainsi que certains écrans lumineux descendus des cintres, sur lesquels passent de petites séquences filmées, peu marquantes à vrai dire.
L’humour qui est utilisé fonctionne en général, mais parfois aussi tombe à plat. Par exemple lorsque Peachum explique au début qu’il ne faut pas chuter dans la fosse d’orchestre, ou le plus long passage alla Benny Hill des quatre compères de Macheath qui s’entartent à qui mieux mieux et glissent sur la crème tombée à terre. C’est d’ailleurs le moment que choisissent de rares spectateurs pour quitter la salle, au bout d’une demi-heure de spectacle… ceci vraisemblablement en accord avec le mot de Peachum « Pitoyable ! » à propos de cette scène plutôt potache au premier degré ! L’accueil du public est favorable au rideau final, applaudissant les artistes qui ont fait au mieux avec leurs moyens du soir.
I.F. Photos Festival d’Aix-en-Provence 2023 © Jean-Louis Fernandez
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