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- 2015, c’est le dernier bilan connu des Chorégies d’Orange. Chaque année en début d’automne, Raymond Duffaut remettait à la presse, en présence du président d’alors Thierry Mariani, le bilan de l’édition tout juste terminée.
En mars 2016, après avoir pendant 40 années porté et maintenu à l’excellence ce festival de référence, que tout le monde connaît comme le plus ancien festival lyrique d’Europe, le directeur démissionnait, un an avant la date officielle de son départ, se refusant à travailler sous la présidence d’une élue d’extrême-droite, Marie-Thérèse Galmard, adjointe au maire Jacques Bompard et ce, à la suite de la démission du président Thierry Mariani.
Mais sa programmation était bouclée pour 2016 et 2017, programmation que son successeur Jean-Louis Grinda – qui était, encore et également, directeur de l’Opéra de Monte Carlo – a pu reprendre telle quelle.
Et c’est à partir de 2018 que la situation a basculé. Et depuis 2016 que la gestion était déjà devenue opaque.
L’ancien directeur, lui, s’est donné pour règle de ne jamais revenir sur une page tournée, et de ne s’autoriser aucun jugement sur l’un de ses successeurs. Que ce doit aux Chorégies, à l’opéra d’Avignon, au CFPL ou ailleurs…
En 2015 donc, le directeur Raymond Duffaut faisait retour sur sa 40e édition, la 146e du festival (150 ans en 2019), sans savoir qu’elle serait pour lui la dernière. Une édition flamboyante comme il en avait connu tant. Il en reconnaissait néanmoins la fragilité, plus perceptible depuis 2013.
Une fragilité conjoncturelle et structurelle, l’une entraînant l’autre. Une situation sur laquelle il alertait régulièrement les membres du C.A. – et dont il informait la presse -, et que le préfet d’alors, Yannick Blanc, avait, seul, décidé de prendre en compte.
Ce sont 2 événements qui avaient plombé la situation en 2013 : le forfait de Roberto Alagna pour un concert tant attendu (perte de 500.000€ tout de même), et le double bicentenaire Wagner-Verdi qui n’avait pas été le raz-de-marée escompté, avec un Vaisseau fantôme remarquable mais boudé par le public.
C’est le mode de fonctionnement même des Chorégies qui faisait à la fois la fierté et l’inquiétude du directeur : un autofinancement exceptionnel de 80%, alors que les autres grands festivals sont à peu près à la moitié, les rendait terriblement vulnérables : une simple baisse de billetterie, un simple aléa météo, pouvaient mettre en péril cet équilibre acrobatique.
Parlons chiffres…
La fréquentation en 2015
L’année 2015 avait enregistré près de 60.000 entrées, dont 40.000 pour les spectacles payants.
Presque 40.000 au théâtre antique, et presque 500 dans la Cour Saint-Louis.
Les 2 opéras se taillaient alors, légitimement, la part du lion, avec une Carmen d’exception, jouée 3 fois en presque pleine jauge (20.000 entrées), et un Trouvère d’anthologie également (presque 11.000). Choisir 3 représentations était un « risque, mais mesuré », précisait alors le directeur, « qui a permis un léger excédent, alors qu’à 2 représentations on était déficitaires ».
Les opéras, cœur de cible des Chorégies, commençaient déjà à être victimes de divers facteurs (concurrence, baisse du pouvoir d’achat, vieillissement du public ?) qui auraient peut-être dû infléchir ultérieurement la programmation.
La fréquentation des opéras avait été en effet de 77% en 2015, 73% en 2014, 60% en 2013 l’année noire, 80% en 2012 et en 2011.
Pour les 3 concerts, presque 9.000 spectateurs ; le 2e concert réunissait tout de même Martha Argerich et Nicholas Angélich sous la direction de Myung-Whun-Chung… et s’est terminé par un bis mémorable à 6 mains ! Il a réuni près de 3.800 spectateurs, « fait rarissime pour un symphonique », soulignait alors le directeur.
Petite jauge par ailleurs pour la Cour Saint-Louis (Conservatoire) dans une sympathique proximité avec les chanteurs et les musiciens, mais formidable tremplin pour les artistes en herbe : les révélations de l’Adami et, cette année-là une jeune basse qui allait vite devenir une vedette, Nicolas Courjal.
Presque 20.000 personnes ont plébiscité enfin les spectacles « portes ouvertes », gratuits : Musiques en fête – le plus visible -, mais aussi projets pédagogiques, répétitions générales (plus de 10.000) et rencontres diverses.
Le budget en 2015
La billetterie a enregistré plus de 4,4 millions d’euros de recettes au théâtre antique (2 millions 6 pour Carmen, 1,4 million pour Le Trouvère, 300.000 pour les 3 concerts réunis). Un satisfecit, donc, puisqu’en comparaison, les recettes billetterie s’élevaient à 3 millions pour l’édition 2014, et 2 millions pour 2013.
Et 5.500€ pour les 2 concerts 2015 de la Cour Saint-Louis.
La moyenne de recettes par représentation d’opéra était, cette année-là, supérieure à toutes les éditions antérieures, avec 800.000€ (vs 713.000€ en 2014, 550.000€ en 2013, presque 800.000€ en 2012, 780.000€ en 2011).
Aux presque 4.400.000€ de billetterie s’ajoutait près d’un million de recettes diverses, face aux 700.000€ en 2014 : plus de 300.000€ de mécénat, plus de 400.000€ de droits télévisuels, plus de 200.000€ de vente de programmes ou publicités.
Les recettes propres, de près de 5.300.000€, représentaient un taux d’autofinancement de 86,4%, « exceptionnel… et inquiétant » (vs 81% en 2014, 75% en 2013, 83,5% en 2012, et 82% en 2011). Soit une hausse de 25% sur les 4 millions de 2014.
Raymond Duffaut se réjouissait alors de la réduction du déficit, par un excédent dégagé en 2015 de 250.000€.
Depuis 2015, aucune information ne filtre. Les questions sont renvoyées dans leurs buts, comme à la conférence de presse de décembre 2023, et la programmation se réduit comme peau de chagrin… Alors que, par divers recoupements, nous avons cru comprendre que les subventions avaient presque doublé en 2018, passant de 890.000€ à 1.650.000€. Mais nous cherchons confirmation.
G.ad.
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