Cap sur un Moyen Age déjanté !… mais un soufflé qui retombe
Opéra bouffe en trois actes de Louis-Auguste Florimond Ronger dit Hervé. Paroles d’Henri Chivot et Alfred Duru. Opéra Grand Avignon. Mercredi 29, jeudi 30, vendredi 31 décembre 2021
L’opéra fut représenté pour la première fois au théâtre des Bouffes-Parisiens le 17 novembre 1866 puis remanié en 1872. Il est recréé en 2015 à l’opéra national de Bordeaux par le Palazzetto Bru Zane et la compagnie Les Brigands.
Direction musicale, Christophe Talmont. Adaptation et mise en scène, Jean-François Vinciguerra. Décors, Dominique Pichou. Chorégraphie et assistante à la mise en scène, Estelle Danvers. Costumes, Amélie Reymond. Lumières, Geneviève Soubirou. Etudes musicales, Ayaka Niwano
Merlin II, Jean-François Vinciguerra. Mélusine, Laurène Paternò. Le Duc Rodomont, Jacques Lemaire. Princesse Angélique, Jenny Daviet. La Duchesse Totoche, Sarah Laulan. Roland, Marc Van Arsdale. Médor, Blaise Rantoanina. Adolphe Sacripant, Richard Lahady. Ogier le Danois, Joé Bertili. Lancelot du Lac, Timothée Varon. Renaud de Montauban, Yvan Rebeyrol. Amadis de Gaule, Maxence Billiemaz. Fleur de Neige, Estelle Danvers
Première fois depuis sa création que cet ouvrage sera donné avec un grand orchestre. (Orchestre National Avignon-Provence)
Voir le teaser tourné dans le Palais des papes et sur le Pont Saint-Bénézet
Pour les fêtes de fin d’année, cap inévitable – et bienvenu – sur la fantaisie : à Marseille, le Voyage dans la lune, une création qu’avait différée la Covid ; à Nice, un ballet devenu presque traditionnel ; à Toulon, une énième Chauve-souris, mais diablement inventive, que nous avions vue l’an dernier à même époque en terre papale. Avignon justement cette année, joue l’originalité en débusquant un opéra-bouffe signé du créateur du genre, Hervé.
Né Louis-Auguste-Florimond Ronger (1825-1892), celui qui se nommait lui-même « le compositeur toqué », alias Hervé, a historiquement été éclipsé par un Jacques Offenbach (1819-1880) plus gâté par la vie ; car le vrai père de l’opérette, dit-on, ce serait lui, Hervé, ce trublion dans un univers musical alors très codifié, lui qui avait inventé le genre « dans les années 1840 pour adoucir les mœurs des aliénés de Bicêtre. Tout un programme… » (Nathalie Gendrot). De l’art-thérapie avant l’heure, presque deux siècles avant les « Nez rouges » de l’hôpital.
Judicieuse idée donc que de faire découvrir des pépites. Nous nous en réjouissions d’avance… « Toute ressemblance avec des personnages n’ayant jamais existé ne serait que pure coïncidence », proclamait le dossier de présentation.
Le générique de ces Chevaliers de la Table Ronde, pétillant à souhait, laisse fuser les facéties, les bons mots, les traits d’esprit, prometteurs en diable pour ce divertissement potache, cousin des Monty Python et de Kaamelott.
Aussi irrévérencieux avec l’imaginaire du Moyen Age que son rival avec la mythologie grecque, Hervé – qui a signé aussi Mam’zelle Nitouche – surfait alors sur le furieux engouement pour l’époque médiévale dont s’était pris le XIXe siècle ; son impertinence bouscule sans ménagement Lancelot du Lac, Merlin, Mélusine, Roland, preux chevaliers et gentes dames – en cuirasses, coiffes et hennins, bien sûr -. Histoires d’amour, tournoi, forteresse inexpugnable, quiproquos et tromperies, sortilèges, donjons, armures et pirouettes, tout s’enchaîne, se croise, s’enchevêtre…
Certains airs de La Belle Hélène, créée deux ans plus tôt en 1864 par le grand rival Offenbach, pointent le bout de leur nez…, et la partition est rondement menée par l’Orchestre National Avignon-Provence sous la baguette pétulante de Christophe Talmont, qui fait lui-même spectacle tant il s’investit à la tête de la phalange. Les treize artistes sur scène sont à la fois solistes, choristes et danseurs. Le spectacle est décalé, loufoque, déjanté, haut en couleurs. Et l’on savoure les multiples allusions à l’actualité, piment du genre : Brel, Cyrano (désopilant pastiche de la scène du balcon), Woodstock, les Tontons Flingueurs, et l’attendu… Leroy-Merlin, au milieu de tant d’autres anachronismes piquants.
Mais ni l’ouverture, ni le final endiablé très offenbachien ne compenseront la déception. Des spectateurs quitteront la salle dès le 1er acte, d’autres ne reviendront pas après l’entracte ; d’autres en revanche applaudiront généreusement.
Le rythme est alourdi par d’interminables parties parlées, inutiles pour la narration. Et les familiers de l’Opéra Grand Avignon regrettent l’absence du Choeur-maison et du Ballet-maison, des forces vives que toutes les maisons d’opéra n’ont pas la chance de posséder….
Les voix se révèlent inégales ; nous avons aimé l’abattage et la rondeur chez les femmes – en tête Sarah Laulan (Duchesse Totoche) dont nous connaissions déjà le talent, dans une moindre mesure Laurène Paternò (Mélusine), Jenny Daviet (Princesse Angélique), et l’épisodique Jenny Daviet (Fleur de Neige) -. Nous avons apprécié les deux croustillants ténors, tant les outrances fofolles de l’américain Mark van Arsdale (le blond Roland, qui « a donné son dernier concert à Roncevaux » !) que le malgache Blaise Rantoanina (Médor le ménestrel) ; nous avons apprécié aussi l’extravagante prestance et la voix solidement placée de Jean-François Vinciguerra (Merlin II) également metteur en scène, ainsi que Jacques Lemaire (en Duc Rodomont comiquement campé). En revanche, les autres rôles masculins passaient mal la rampe, malgré les efforts du quatuor de chevaliers (Joé Bertili, Timothée Varon, Yvan Rebeyrol, Maxence Billiemaz) pour individualiser leurs personnages (Ogier le Danois, Lancelot du Lac, Renaud de Montauban, Amadis de Gaule).
Et surtout cette production suisse manque d’espace. La Route lyrique, lancée en 2010 par l’Opéra de Lausanne, est une tournée estivale de « petites formes », parfaitement adaptées à l’itinérance, au plein air, au divertissement d’été. Dans ce cadre, ces Chevaliers créés en 2019 ont rencontré le succès mérité. Mais pour les fêtes de fin d’année, surtout après deux années plombées par la pandémie, flonflons, paillettes, ballets et chœurs, grand spectacle, auraient fait l’unanimité.
Par ailleurs, si la renommée d’Offenbach a définitivement supplanté celle d’Hervé, ce n’est certainement ni hasard ni injustice…
G.ad. Photos Alan Humerose
Classique dit
Commentaire reçu sur classiquenprovence84@gmail.com
Jamais je n’ai vu un spectacle aussi raté. J’ai tenu jusqu’au bout mais suis partie vite fait tellement j’étais en colère.. Un tel spectacle ne justifie en rien le prix des places de l’orchestre…
31 décembre à oublier !
Françoise Henry
Classique dit
Merci pour votre commentaire.