Dans une fête foraine…
Opéra Confluence – Avignon
Melodramma giocoso en deux actes de Gaetano Donizetti. Livret de Felice Romani, d’après Eugène Scribe pour Le Philtre d’Auber
Créé au Teatro della Canobbiana, Milan le 12 mai 1832. Dernière représentation à Avignon le 11 mars 2008
Direction musicale Samuel Jean. Études musicales Ayaka Niwano ise en scène Fanny Gioria. Décors et lumières Hervé Cherblanc. Costumière Irène Bernaud
Adina Maria Mudryak. Giannetta Pauline Rouillard
Nemorino Sahy Ratia. Belcore Philippe-Nicolas Martin. Dulcamara Sébastien Parotte. Assistant de Dulcamara Baptiste Joumier
Orchestre Régional Avignon-Provence
Choeur, Ballet et Maîtrise de l’Opéra Grand Avignon
Nouvelle production de l’Opéra Grand Avignon
Cet opéra, écrit en un temps record, est l’un des plus célèbres du 19e siècle. La légende veut que Donizetti l’ait composé en tout juste deux semaines. Depuis sa création en 1832, cet ouvrage connaît une perpétuelle « bonne aventure » sur les scènes du monde entier grâce à une intrigue de caractère. Le jeune et naïf Nemorino souhaite conquérir la belle et capricieuse Adina, promise au fringuant sergent Berlcore. Dulcamara, un charlatan ambulant vante alors à Némorino un élixir d’amour qui pourrait l’aider… l’occasion est trop belle !
Cette comédie « douce-amère » enchaine péripéties, rebondissements et situations cocasses. Les thèmes de la manipulation et de l’escroquerie, mais également de la crédulité, du désir et de l’amour désespéré, offrent un regard ironique et toujours actuel sur les travers des Hommes. Fanny Gioria (lire notre entretien)
L’Elisir d’amore est le dernier opéra de la saison. Qui dit élixir, ou philtre d’amour, pense aussitôt à Tristan et Iseut, l’un des grands mythes fondateurs de la conception amoureuse de la littérature – et de la culture – occidentale, selon Denis de Rougemont. Et c’est justement l’histoire de ces amoureux légendaires que Adina, la jeune héroïne de l’Elisir, lit et relit sans cesse. Toutefois la célèbre comédie lyrique de Donizetti n’est pas qu’une bluette ; elle est entraînée par le chassé-croisé du trio classique : une jeune donzelle qui n’a pas froid aux yeux mais rêve encore du prince charmant, est timidement courtisée par un amoureux maladroit, et cavalièrement entreprise par un séducteur de passage. Et quand arrive un charlatan avec un philtre prétendument irrésistible, les choses s’accélèrent, un héritage fort opportun venant rajouter un coup de pouce au destin… Chœur, ballet et maîtrise sont au diapason sous la baguette de Samuel Jean…
La distribution est jeune et internationale.
Adina sera une jeune Russe au brillant parcours : Maria Mudryak cette saison se produit au Deutsche Oper Berlin, au Musikverein Graz en concert aux côtés de Leo Nucci, au Royal Opera House en concert avec Vittorio Grigolo, au Bolchoï dans la Bohème (Mimi), au NCPA Beijing et à Naples dans La Traviata (Violetta), et à Melbourne (Australie) dans Faust (Marguerite). Le Malgache Sahy Ratia, élève notamment de Véronique Gens et Laurent Naouri, reprend le rôle de Nemorino qu’il connaît bien. Le baryton belge Sébastien Parotte (Dulcamara), interprète un large répertoire, du baroque au contemporain.
Mais la région Provence fournit aussi des artistes talentueux. C’est le cas de Pauline Rouillard (Giannetta) ; formée à Avignon puis au CNIPAL de Marseille, elle a très vite glané de nombreux prix, et a endossé de grands rôles (Gilda, Lucia, la Reine de la Nuit, Papagena, Suzanne, Rosine), sur des scènes françaises (Avignon, Lyon) et étrangères (Fenice) ; Avignon l’avait entendue en Marie dans Les Mousquetaires au couvent en décembre 2017, et en juin 2016, dans La Favorite à la Fenice, en retransmission cinématographique. C’est aussi le cas de Philippe-Nicolas Martin (Belcore), formé à Aix-en-Provence et Marseille, qui s’est illustré dans un très large répertoire (lyrique, baroque, concert) en France et à l’étranger, et qui jouera Belcore, comme récemment à Nice.
Fanny Gioria situe l’action dans une fête foraine, « un microcosme où se jouent les hiérarchies sociales » et où s’exacerbent les relations. Elle imagine qu’Adina et Nemorino sont amis d’enfance, mais que la jeune fille, plus délurée, attend avec impatience que le soupirant se déclare vraiment. « La fête foraine est pour moi un point de rencontre. On y retrouve la naïveté de l’enfance, une sorte de stéréotype, poétique et onirique. Mais également un aspect plus noir, plus malsain, qui s’ajoute à la poésie. C’est la rencontre de deux univers. Dans la mise en scène, on casse le 4e mur de l’opéra, on utilise les spectateurs, on les immerge comme s’ils étaient dans le chapiteau. C’est un regard contemporain, dans les costumes, dans la direction d’acteurs, parfois décalé, et même déjanté. On s’amuse de tous ces univers mélangés » (voir notre entretien).
Péripéties diverses et quiproquos signent cette œuvre digne de la commedia dell’arte. Mais fleur bleue ne pas s’abstenir. Quand le ténor entame la fameuse romance « Une furtiva lagrima… », le cœur d’Adina n’est pas le seul à chavirer… (G.ad.)