Le cœur n’y était pas vraiment
Le Chanteur de Mexico. Odéon de Marseille. Captation sans public
Opérette en 2 actes de Francis Lopez. Livret de Félix GANDERA et Raymond VINCY
Direction musicale Bruno CONTI. Mise en scène Jack GERVAIS. Chorégraphie Estelle LELIÈVRE-DANVERS
Cri Cri Julie MORGANE. Eva Caroline GÉA. Tornada / Madame Bornin Simone BURLES
Vincent Etchebar Jérémy DUFFAU. Bilou Claude DESCHAMPS. Zapata Gilen GOICOECHEA. Cartoni Dominique DESMONS. Bidache Antoine BONELLI. Miguelito Jean-Luc ÉPITALON. Atchi / Pablo Michel DELFAUD
Chœur Phocéen
Orchestre de l’Odéon
Durée 1h58’. Visible jusqu’au 28 février 2021 sur www.operamarseille.fr ou www.odeonmarseille.fr
Toujours accessible sur https://www.youtube.com/watch?v=r0UCGpqzEQY
Cette production du Chanteur de Mexico, contrainte à une captation à huis clos, se laisse regarder avec grand plaisir. Néanmoins, quel arrière-goût d’amertume pour une comédie musicale sans public !
Les nouvelles déclarations gouvernementales du jeudi 7 janvier ont imposé à l’Odéon, comme aux autres lieux de spectacle, d’annuler les représentations ; néanmoins, « en accord avec les artistes de la production », les équipes ont réalisé une captation, dans le respect du protocole sanitaire, et disponible jusqu’au dimanche 28 février.
On se rappelle le sujet de cette opérette à grand spectacle, créée au Châtelet le 15 décembre 1951 par Luis Mariano, certaine de trouver toujours son public, et dont nous avait parlé un autre ténor en train de préparer le rôle en 2016, Florian Laconi. Le jeune ténor Vincent remporte un concours de chant au Pays basque ; alors qu’il rêve de conquérir Paris, un imprésario l’envoie au Mexique comme partenaire de remplacement pour la grande vedette Eva. Des rebondissements l’attendent, entre succès et inquiétudes politiques, sur fond de révolution zapatiste (le jeune baryton-basse Gilen Goicoechea, finaliste régional du concours Voix nouvelles 2018 à Marseille prête sa voix à Zapata). Du pays basque à Mexico en passant par Acapulco, on se laisse entraîner par des scènes très colorées et des rythmes endiablés.
« Quand on est deux amis » entre le jeune premier et le faire-valoir comique, « Maïtechu », « Quand on voit Paris d’en-haut », « Je me souviendrai d’Acapulco », « Rossignol de mes amours », et « Mexi-i-co », se succèdent avec talent et même avec conviction, grâce à une distribution jeune et dynamique.
Dans le rôle-titre, Jérémy Duffau, Révélation des Victoires de la musique 2016 à 29 ans, et par ailleurs frère d’Ingrid Chauvin, n’a rien à envier aux plus grands. A côté de lui, Claude Deschamps remplit avec quelques nuances le rôle finalement complexe de Bilou, ami et faire-valoir du rôle-titre. Aucun des autres artistes ne démérite.
Pourtant la magie de ces tubes qui vous restent dans l’oreille n’opère pas totalement.
Qu’importe que les décors soient en contreplaqué, que la formation orchestrale soit réduite, que les costumes soient kitch (mais avec tant de brio !), que les voix aient besoin de quelques minutes pour se chauffer. Mais que manque-t-il donc pour que le spectacle soit réussi ? Bon sang, mais c’est bien sûr ! Le pu-blic ! Peut-on parler de spectacle vivant à sens unique ? L’opéra souffre sans doute moins que l’opérette – la tragédie que la comédie -, de l’absence de vibration de la salle, de ses rires, parfois de ses exclamations échappées…
Assis, masqués, à distance sanitaire les uns des autres, sans bouger ni parler, que risque-t-on dans une salle de spectacle, qu’on ne risquerait pas sur la Promenade des Anglais, agglutinés entre copains mangeant et riant ensemble, ou dans un supermarché où la contrainte du couvre-feu réduit l’amplitude horaire, donc multiplie l’affluence ?
Rendez-nous donc l’émotion de la vie, rendez-nous les lieux de culture…
G.ad.
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