L’apocalypse d’Icare au Théâtre de l’Archevêché d’Aix-en-Provence : plus dure est la chute !
Aix-en-Provence, Théâtre de l’Archevêché, samedi 27 septembre 2025
Triple Concerto, Ludwig van Beethoven
L’Apocalypse d’Icare, opéra de Dominique de Williencourt
Dominique de Williencourt, violoncelliste-compositeur ; Guillemette de Williencourt, décors ; Romain Di Fazio, danseur-chorégraphe ; Yaïr Benaïm, direction musicale ; Jean-Christophe Hurtaud, chef de chœur et flûte à bec ; Jean Ferrandis, flûte ; Emmanuel Rossfelder, guitare ; Michel Deneuve, cristal-baschet ; Nicolas Bourdoncle, pianiste ; Bilal Alnemr, violoniste
Andréa Ferréol, récitante ; Sébastien Guèze, Icare ; Adam Barro, Le Prophète ; Sébastien Fournier, Icare jeune
Open Chamber Orchestra
En nous rendant samedi soir au Théâtre de l’Archevêché, nous partions à la découverte de l’opéra L’Apocalypse d’Icare du compositeur Dominique de Williencourt, créé l’année dernière au Cirque d’Hiver à Paris. L’opéra proprement dit était précédé du Triple concerto de Beethoven.
Dès les premières mesures de l’un des chefs-d’œuvre de Beethoven, on se rend bien compte qu’il va falloir faire avec une qualité très éloignée des standards musicaux des phalanges et solistes qu’on a l’habitude d’entendre sur nos scènes régionales ou nationales. L’ensemble de l’Open Chamber Orchestra assure de son côté une cohésion appréciable, sous la baguette du chef Yaïr Benaïm, même si l’on entend des faiblesses récurrentes, surtout aux pupitres de cuivres. Parmi les trois solistes, c’est le piano de Nicolas Bourdoncle qui fait la meilleure impression, un jeu suffisamment assuré et fluide qui donne un sentiment d’une certaine sérénité. Bilal Alnemr au violon solo n’est pas parfait en justesse, en particulier dans les passages les plus rapides, mais c’est surtout le violoncelle solo de Dominique de Williencourt qui pose problème, avec de nombreux défauts d’intonation. Le son grince à plus d’un moment, ce qui dégrade d’autant la qualité d’exécution de ce Triple Concerto. Dans ces conditions, on se demande alors quel est l’intérêt de proposer cette pièce en première partie ? Surtout dans la fraîcheur extérieure de la cour de l’Archevêché… les soirées de septembre n’étant pas celles de juillet pendant le festival d’été ! Ceci surtout au vu de la durée de l’opéra ensuite, une heure et quarante minutes qui suffiraient amplement à former un spectacle en soirée…
L’opéra L’Apocalypse d’Icare repasse en arrière les quatre âges d’Icare, pendant sa chute : la vieillesse, la maturité, la jeunesse et l’enfance. La musique intéresse l’oreille, dans des orchestrations très variées, entre un ou deux instruments seuls, de riches parties de percussions, jusqu’à quelques tutti qui installent régulièrement une atmosphère menaçante ou bien mystérieuse. On a ainsi le droit à plusieurs passages de soli instrumentaux, très bien joués, comme la guitare, la flûte traversière et la flûte à bec ensemble, ou encore plus tard le violoncelle et le Cristal-Baschet ensemble, la sonorité de ce dernier nous rappelant l’étrange harmonica de verre. Les temps d’installation (pupitre, tabouret, parois de plexiglas pour renvoyer le son…) sont cependant très préjudiciables à la continuité du récit et cassent une éventuelle progression dramatique.
Mais on accroche moins sur le texte de la composition, qui rapproche le mythe d’Icare de l’Apocalypse de Saint Jean, incluant certains passages ampoulés qui font régulièrement sourire… La comédienne Andréa Férréol est sonorisée et assure son rôle de récitante. Mis à part deux jeunes garçons qui interviennent en fin d’opus pour le plus jeune âge d’Icare, trois solistes composent la distribution vocale, à commencer par le ténor Sébastien Guèze en Icare, vraie voix d’opéra, puissante, mais par instants fragile dans ses notes les plus aiguës. Adam Barro endosse les habits du Prophète, baryton-basse pas spécialement séduisant de timbre et régulièrement obscur de diction, tandis que le contre-ténor Sébastien Fournier incarne Icare enfant, instrument pas toujours d’une bonne stabilité. Douze choristes complètent le plateau vocal, dont la sonorisation est plus ou moins forte suivant les séquences.
La mise en scène est confiée à Guillemette de Williencourt, épouse du compositeur, dont les œuvres constituent l’essentiel de la scénographie : différentes peintures de la Montagne Sainte-Victoire projetées en fond de plateau et sculptures poussées à vue au fur et à mesure de l’avancée de l’action. C’est d’abord un Icare aux ailes brisées qui tombe des cintres, tête renversée vers le bas, puis quatre chevaux de l’Apocalypse qui sont installés dans une ambiance de fumée projetée, ou encore une femme (la « Femme de l’Apocalypse ») qui tend son enfant à bout de bras, puis un dragon à sept têtes.
A noter qu’un précipité entre les deux actes de l’opéra est l’occasion pour une impressionnante partie du public de quitter les lieux (froid ? désintérêt ? autre ?). Ceci malgré les appels au micro qui indiquent que le spectacle va reprendre sous trois minutes… Il aurait décidemment mieux valu se priver du Triple concerto en première partie, pour garder le maximum de spectateurs !
I.F. & F.J. © I.F.
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