Baignée de bout en bout par l’émotion
La Traviata, Giuseppe Verdi. Ciné-opéra, en différé du Royal Opera House (R.O.H.). Cinéma Rivoli, Carpentras (84).
Metteur en scène, Richard Eyre ; chef d’orchestre, Antonello Manacorda/ Paul Wynne Griffiths.
Violetta Valéry, Ermonela Jaho/ Angel Blue ; Flora Bervoix, Hongni Wu/ Aigul Akhmetshina ; Anina, Gaynor Keeble/ Pamela Helen Stephen
Alfredo Germont, Charles Castronovo/ Benjamin Bernheim ; Baron Douphol, Germàn E Alcàntara ; Giorgio Germont, Simone Piazzola/ Igor Golovatenko ; Gaston, Konu Kim/ Thomas Atkins ; Marquis d’Obigny, Jeremy White ; Dr. Grenvil, Simon Shibambu
Durée 3h35 avec 2 entractes. En italien sur-titré. Salle accessible aux PMR. Tarifs : 16€ et réduits. Réservations sur : www.cine-rivoli.com, ou au : 04 90 60 51 11, ou : cinema.rivoli@wanadoo.fr
La Traviata, récemment programmée au Royal Opera House (14-31 janvier, en double distribution pour les rôles principaux) de Londres, dans le quartier de Covent Garden, est proposée en différé à des dates différentes suivant les cinémas chargés de la diffusion. Au Rivoli de Carpentras, où les spectateurs anglophones sont toujours nombreux, c’est ce dimanche 2 mars à 18h, jour et heure inhabituels mais propres à séduire un nouveau public. Le Capitole-Studios du Pontet, notre autre référence, programmera le 12 mars.
Et ce sont encore 1.045 salles dans 23 pays du monde, et dans 9 langues de surtitrage, qui bénéficieront de cette projection, comme on pourra le vérifier dans les tweets qui s’afficheront sur l’écran à la fin de la séance (#ROH Traviata).
Dommage que les commentaires « live » de Clemency Burton-Hill, et ses entretiens en coulisse avec les artistes (metteur en scène, chef d’orchestre, et solistes) ne soient pas traduits, surtout dans une version en différé ; les non-anglophones n’ont plus qu’à espérer que les artistes, étrangers, appliquent à la langue de Shakespeare, « fluent » au demeurant, une prononciation qui leur soit totalement intelligible, comme Placido Domingo, expliquant avoir endossé successivement les rôles de Gaston puis Alfredo enfin Germont père !
Avec dans le rôle-titre la sublime Ermonela Jaho (qui avait enflammé les Chorégies en 2016 dans Madama Butterfly… et dans La Traviata, justement, en remplacement de Diana Damrau), et qui en est à sa 200e Violetta ou à peu près, on était sûr de l’excellence. Dans la mise en scène de « Sir » Richard Eyre, une production qui fête ses 25 années, sans une ride. De grands noms de la scène lyrique l’ont illustrée, comme Sonya Yoncheva et Placido Domingo (Germont père) en 2015, puis Maria Agresta et Rolando Villazon (Alfredo) en 2016, ainsi que Ekaterina Bakanova et George Petean (Germont père) en 2017.
Le metteur en scène et le « jeune » chef turinois Antonello Manacorda (48 ans) souhaitaient un beau spectacle, des robes somptueuses, dans cet « immense vortex social autour de Violeta ». De fait, le décor (modulable) et les costumes (effectivement magnifiques) se laissent très vite oublier, preuve de leur totale adéquation avec l’œuvre. Le réalisateur connaît bien la pièce de Verdi, qu’il avait déjà mise en scène pour la télévision en 1994 et qu’il sert avec intelligence et sensibilité.
La sensibilité, justement, c’est ce qui vous prend, du début à la fin, et qui vous laisse complètement retourné. La partition verdienne, bouleversante comme au premier jour, est essentielle, mais avec un tel casting elle relève de l’exception.
Le ténor Charles Castronovo (que nous avions vu récemment aux Victoires de la musique classique 2019) sait ciseler les multiples nuances du personnage, dans la finesse poignante du timbre et du jeu. Placido Domingo, qui m’avait laissée de marbre dans le même rôle aux Chorégies (pourtant…), compose ici un père sublimement pathétique, à la fois aristocratique et pitoyable. Les comprimari sont également à la hauteur.
Mais c’est Ermonela Jaho qui submerge la salle de Covent Garden et les millions de spectateurs de tous les pays, d’une émotion irrépressible. Courtisane sensuelle et désinvolte (« Sempre libera »), elle tisse peu à peu avec Alfredo une émotion à fleur de peau, à faire frémir l’écran lui-même. D’un « Di quest’amore » à l’autre, désir et désespoir s’exacerbent ensemble, et le destin tragique vous tord le cœur de douleur, comme si vous le découvriez pour la première fois. Et c’est sur une Ermonela Jaho baignée de pleurs, submergée par cette vague déchirante, que le rideau tombera.
La prochaine représentation offrira en direct La Forza del Destino, dernier opéra de Verdi, avec une distribution de tout premier choix (Anna Netrebko, Jonas Kaufmann, Ludovic Tézier), dans une mise en scène créée à Amsterdam par Christof Loy, et sous la baguette d’Antonio Pappano, « le » chef-maison de Covent Garden. Mardi 2 avril 2019, durée 4h15, 2 entractes. A 19h (tirage tombola) au Capitole-studios du Pontet, à 19h15 au cinéma Rivoli à Carpentras. Tous autres lieux à vérifier. (G.ad.)