Une oeuvre atypique, qui n’a pas trouvé son public
La Tragédie de Salomé. Opéra Grand Avignon, vendredi 3 décembre 2021
Direction musicale, Julien Masmondet. Collaboration artistique, Cyril Teste. Création scénographique, lumières et vidéo, Patrick Laffont de Lojo. Chorégraphie et interprétation, Léonore Zurflüh. Soprano, Marie-Laure Garnier. Les Apaches
Une oeuvre atypique, qui n’a pas trouvé son public. On peut regretter qu’une vidéo invasive plombe un univers musical fort intéressant.
« Regards croisés sur la figure mythique de la célèbre princesse juive Salomé, le diptyque musical est composé des œuvres de Florent Schmitt, Loïe (création mondiale d’après le mythe de Salomé pour ensemble instrumental) et de Fabien Touchard, La Tragédie de Salomé (drame muet en 2 actes et 7 tableaux de Robert d’Humières opus 50), version originale de 1907 accompagnée d’une création vidéo ».
C’était ce qu’annonçait le programme.
A quoi, à qui pensez-vous entendant le nom de Salomé ? Evidemment à la fille d’Hérodiade, connue par l’historien judéo-romain Flavius Josèphe et par les Néotestamentaires Matthieu et Marc ; une jeune princesse portant sur un plat la tête de Jean le Baptiste que son beau-père (ou père) Hérode lui a accordée en récompense de la danse lascive qu’elle-même lui a offerte pour son anniversaire.
Oubliez…
Pour être atypique, l’œuvre présentée à l’Opéra Grand Avignon l’était en effet.
Salomé, ce sera tout au plus une vidéo en mouvement permanent. A défaut de sept voiles, sept danses annoncées (des perles, du paon, du serpent, etc…), mais qui se résument en images floues, en superposition, sombres, de deux corps féminins successifs, en sweat capuche, caleçon, ou sein mal dénudé ; images fragmentées, où la danse hésite entre étirements matutinaux, yoga marjariasana, et même Cendrillon frottant le carrelage, ainsi que l’a vue en boutade une spectatrice !
De fait, la vidéo, loin de donner une respiration, n’a réussi qu’à plomber une soirée qui aurait pu être musicalement très intéressante. La fréquentation particulièrement faible ce soir, et des spectateurs quittant la salle pendant la représentation, en disent assez long…
La partition, elle, était riche, et j’aurais aimé pouvoir me concentrer sur elle pour que jaillisse un libre champ à l’imaginaire ; Debussy, Ravel, Stravinky, y miroitaient tout à la fois ; la harpe adoucissait la puissance des cuivres, le violoncelle traçait des lignes veloutées, créant des tensions dramatiques qui parfois se résolvaient en brutalité explosive.
J’attendais Marie-Laure Garnier, dont j’avais découvert le jour même qu’elle remplaçait la soprano initialement prévue, Marion Tassou ; je connaissais cette jeune Guyannaise, comme élève de Jeff Cohen (lied et mélodie) puis de Claire Désert (musique de chambre) ; je l’avais entendue en récital avec la pianiste Célia Oneto Bensaïd aux Saisons de la voix de Gordes. Son apparition fut plus que rapide, presque en fin de soirée : deux minutes peut-être ? A tout le moins, je ne suis pas certaine que lui faire projeter des vocalises sur l’avant-scène à moins de deux mètres du premier rang de spectateurs soit une idée judicieuse en pleine épidémie de Covid.
Quant à la pièce introductive, sa principale qualité était sa (relative) brièveté.
S’il y a une pépite à garder, dans toute la soirée, c’est la partition, dans sa version première de 1907 choisie par Julien Masmondet, qui a dirigé avec une belle énergie son talentueux ensemble de vint jeunes musiciens, les Apaches (site officiel), recréant la formation initiale, jamais reprise jusqu’ici.
Le spectacle était en tournée de création, Avignon étant la troisième date, après Rungis et Rochefort, et avant quatre dates imminentes à Paris.
G.ad. Photos G.ad.
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