Par J. Chassing, publié le 12 septembre 1947 à 00h00
Pour la première fois dans notre histoire, le palais des papes d’Avignon a été le siège vendant une semaine de manifestations dramatiques, elles-mêmes exceptionnelles.
Pour créer simultanément, un drame historique anglais, le drame sacré de Tobie et Sara, et une tragédie psychologique française, loin des scènes parisiennes, hors des saisons théâtrales, dans un cadre jamais utilisé encore pour des manifestations dramatiques, il fallait un metteur en scène d’une audace exceptionnelle et de talent : Jean Vilar (qui mit en scène à Paris Shakespeare, Strindberg, Anouilh, d’autres encore, comme T.-S. Elliott, auteur du Meurtre dans la cathédrale), entouré d’une équipe d’artistes dont la valeur et le dynamisme forcèrent l’admiration et les applaudissements de l’assistance.
Le public a su apprécier les efforts et les risques courus par ces comédiens jouant de nuit, en plein air, dans une ville nettement plus éprise d’art lyrique que de théâtre.
Dans le cadre du palais des papes l’acteur n’est plus défendu par le rideau, la rampe, le barrage de lumière, la scène encadrée et protégée par le décor. Il n’a plus l’appui du souffleur. Il ne peut compter sur le concours des éléments qu’ailleurs meuble un plateau. Il doit exécuter ses entrées et ses sorties au vu des spectateurs. Il doit remplir seul une immense scène presque nue, s’avancer largement parmi les premiers rangs du public, avec lequel il se trouve de plain-pied. Il faut qu’il possède assez de force, de présence d’esprit, d’énergie verbale pour se servir de la grandeur du cadre au lieu de se laisser écraser par elle, le seul butoir du fond étant une muraille de quelque trente mètres… et plus.
Mais qui ne connaît la douceur de la nuit provençale, la majesté de la pierre de cette forteresse extraordinaire qu’est le palais des papes, la résonance de l’air méridional, la tendresse des gazons et des bosquets, ne peut imaginer le surcroît de beauté que peut recevoir une interprétation digne des œuvres qui ont été présentées pour la première fois au public au cours de celle grande semaine d’art. Semaine qui nous valut également deux auditions fort appréciées des artistes de l’orchestre de la Radiodiffusion française – station de Marseille – sous la direction du maître Roger Désormière, avec le concours d’Irène Joachim, cantatrice, et d’André Audoli. Ces deux auditions de musique ancienne furent vivement goûtées de nos hôtes et des Avignonnais dans le jardin Urbain V du palais des papes.
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