Une Périchole sans fantaisie
Opéra Confluence Grand Avignon. Vendredi 8 novembre à 20h30 ; dimanche 10 novembre, 14h30. Durée 3h entracte compris. Opéra-bouffe en 3 actes de Jacques Offenbach. Livret de Henri Meilhac et Ludovic Halévy, d’après la pièce de Prosper Mérimée, Le Carrosse du saint-Sacrement (1829). Création en 1874 dabs sa version définitive en 3 actes. Dernière représentation à l’Opéra Grand Avignon le 13 novembre 2005.
Direction musicale, Samuel Jean. Mise en scène, décors et lumières, Eric Chevalier. Chorégraphe, Eric Belaud. Costumes, Opéra Grand Avignon
La Périchole, Marie Karall. Guadanela / Manuelita, Ludivine Gombert. Berginella / Brambilla, Roxane Chalard. Mastrilla / Frasquinella, Christine Craipeau. Ninetta, Marie Simoneau
Piquillo, Pierre Derhet. Le vice-roi Don Andrès de Ribeira, Philippe Ermelier. Don Miguel de Panatellas, Enguerrand de Hys. Don Pedro de Hinoyosa, Ugo Rabec. Le Marquis de Tarapote, Alain Iltis. Le vieux Prisonnier, Jean-Claude Calon. Le premier notaire, Olivier Montmory. Le deuxième notaire, Pierre-Antoine Chaumien. Le geôlier, Xavier Seince. Un gros buveur, Saeid Alkhouri. Un maigre buveur, Pascal Canitrot. Un courtisan, Julien Desplantes. L’huissier, Thibault Jullien
Orchestre Régional Avignon-Provence
Chœur de l’Opéra Grand Avignon
Nouvelle production de l’Opéra Grand Avignon
Synopsis
À Lima, au XVIIIème siècle, une chanteuse des rues, la Périchole, et son amant Piquillo mènent une existence misérable. Le Vice-Roi Don Andrès de Ribeira qui participe incognito à une fête populaire remarque la jeune femme épuisée par la faim et lui propose de l’emmener à la Cour. La Périchole accablée par la misère finit par accepter et laisse une touchante lettre d’adieu à Piquillo. Mais une dame de la Cour se doit d’être mariée et l’amant délaissé est choisi par hasard pour être l’époux complaisant de la nouvelle favorite du vice-roi. Piquillo, parfaitement ivre, épouse donc sa maîtresse sans en avoir conscience. Quand il recouvre sa lucidité, il ne peut que dénoncer avec fureur la trahison de sa perfide maîtresse. Pour punir cet éclat, il est jeté au cachot des « maris récalcitrants ». Après une série de quiproquos, il parviendra à s’échapper avec la Périchole qui n’a pas cessé de l’aimer.
Note d’intention
Pendant le Second Empire, le trio composé d’Offenbach, Meilhac et Halévy a toujours fait œuvre de « poil à gratter » du pouvoir. Les opéras-bouffe La Belle Hélène ou Barbe-Bleue en sont le témoignage flagrant. En 1868, La Périchole, sous des dehors plus littéraires (c’est Mérimée, l’inspirateur de Carmen et l’ami du pouvoir qui, le premier, a donné vie à la protagoniste en la portant sur scène en 1829 avec Le carrosse du Saint-Sacrement), conte l’histoire d’une chanteuse des rues qui accepte de devenir la maîtresse d’un puissant pour sortir de la misère et de la faim. Sombre image de la condition des artistes d’alors. Cependant, la satire n’est jamais loin et les serviles courtisans du Vice-roi sont montrés sous leur aspect le plus ridicule. Périchole, envers et contre tous, saura défendre sa liberté de femme et d’artiste !
Le personnage de Périchole est inspiré de l’actrice péruvienne Micaela Villegas (1748-1819). Maîtresse pendant 14 ans du Vice-roi du Pérou, elle fut surnommée « perra chola » (chienne de métisse). Fin morale : pendant les dernières années de sa vie, elle se consacra à la prière et à la charité sous l’habit des carmélites. (Eric Chevalier)
Une Périchole sans élan, sans fantaisie, où chaque participant tente de sauver la mise… Dommage !
On a vu des Péricholes plus enlevées ! Un hasard malicieux a même fait peser cet ennui distingué sur une des photos de presse ! (ci-contre)
Pourtant chacun déploie toute son énergie pour soutenir une production qui peine à pétiller, autour de Marie Karall qui n’a pas vraiment réussi sa prise de rôle (Périchole) ; elle s’est illustrée pourtant depuis dix ans sur de nombreuses scènes, dont les Chorégies d’Orange (2011, 2015, 2016), l’Opéra de Toulon (2013, 2015), l’Opéra d’Avignon (2016), pour ne citer que celles de la région Provence, mais dans des rôles d’opera seria. Quasi inintelligible en texte parlé (pourtant important dans un opéra-bouffe), elle ne séduit guère plus dans les parties chantées. Dans le fameux air de l’ivresse néanmoins (« Je suis un peu gri-ise ») elle a évité vulgarité et outrance. Nous apprendrons incidemment, après la représentation que, souffrante, Marie Karall avait tenu malgré tout à honorer son engament jusqu’au bout.
Autour d’elle, on fait le maximum. Le jeune ténor belge Pierre Derhet, lauréat de l’Académie de chanteurs du Théâtre Royal de la Monnaie 2016, campe un charmant Piquillo – voix agréable, belle diction, présence convaincante -, Philippe Ermelier – dont le répertoire embrasse aussi bien le baroque que l’opérette, et qu’on verra sous peu à Marseille dans Orphée aux Enfers (Jupiter) – habite son personnage de Vice-roi sans en rajouter indûment ; les trois cousines (l’Avignonnaise Ludivine Gombert qui se fait très favorablement remarquer dans de grands rôles du répertoire – Micaëla, Mimi, Desdemona, Marguerite, Blanche de la Force, Liu… – ou des oratorios – on la réentendra en janvier -, Roxane Chalard, jeune agrégée en Sciences de la Vie et de la Terre en même temps que soprano, Christine Craipeau, ex-Cnipalienne au parcours multiple – on la reverra sous peu dans Hänsel et Gretel -) entrelacent joliment leurs timbres fruités et juvéniles.
Les autres solistes ne déméritent pas, jusqu’à Jean-Claude Calon – le vieux prisonnier qui prépare malicieusement tout au long de l’œuvre une hypothétique évasion… avec un modeste couteau -. On salue également l’engagement courageux des artistes du Chœur de l’Opéra – au début alignés assis en bord de scène comme dans un jeu de massacre -, les danseurs du Ballet – à peine entrevus, alors qu’ils sont la respiration du lyrique léger -, ainsi que l’Orchestre Régional Avignon-Provence en belle forme, dirigé avec allant par Samuel Jean qui en oublie son épaule encore douloureuse.
Les décors, réduits à cinq panneaux mobiles, et les costumes hétéroclites brossent difficilement un Pérou crédible, fût-il d’opérette. Même la joyeuse causticité d’un Offenbach pourfendeur d’autorité tombe à plat… Quant à la dernière scène en t-shirts et jeans noirs, était-ce une anticipation sur le déshabillage final, ou le retour de la citrouille de Cendrillon ?…
Avec le recul, même celle de Fanny Gioria, vue le 10 septembre 2016 à Vedène, que je n’avais trouvée alors que gentillette, était au moins soulevée de rythme et d’allégresse, voire d’inventivité.
Reste néanmoins le plaisir d’entendre une musique roborative et des airs connus entre tous… Et pourtant « sur [ces] air[s]-là, petite, on doit faire du chemin », comme le muletier et la jeune personne…
Après l’excellent Monsieur de Pourceaugnac de début de saison, on espérait mieux.
G.ad. Photos Cédric & Mickaël/ Studio Delestrade
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