Un parfait équilibre entre forces musicales et vocales, deux ensembles de grande valeur
Festival de Pâques d’Aix-en-Provence (site officiel)
Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence le 15 avril 2022
Café Zimmermann. Vox Luminis. Raphael Höhn, ténor
Johann Sebastian Bach, Johannes-Passion (Passion selon saint Jean), BWV 245
Voir tous nos comptes rendus du Festival de Pâques 2022 (9e édition)
La Passion de Johann Sebastian Bach constitue sans doute le marqueur le plus important du Festival de Pâques d’Aix-en-Provence, qui donne alternativement l’une de ses deux versions. C’était ainsi au tour de la Passion selon saint Matthieu l’année dernière, mais filmée à huis clos en raison de la crise sanitaire, et pour cette édition, la version selon saint Jean revient devant le public du Grand Théâtre de Provence.
La partie musicale est interprétée par Café Zimmermann, en résidence au Théâtre du Jeu de Paume d’Aix-en-Provence, formation créée par Céline Frisch et Pablo Valetti, qui tiennent ce soir respectivement l’orgue et le premier violon, ce dernier assurant également la direction de l’ensemble. Avec ses 18 musiciens, l’orchestre joue en effectif plutôt réduit, soit onze instruments aux cordes frottées, cinq bois, un luth et l’orgue. L’oreille met un tout petit temps à s’adapter à cette acoustique délicate, mais très rapidement le son emplit sereinement l’espace de la salle de concert.
Tout au long des nombreux récitatifs successifs, le continuo – le plus souvent violoncelle, luth et orgue – assure ses services avec rigueur et une présence sans faille. Les bois déroulent leur partition avec une grande expressivité, sans accroc lors des passages les plus fleuris. Il en va ainsi des deux hautbois et du basson développant le premier air pour alto (Von den Stricken meiner Sünden), et des deux flûtes dans le premier air pour soprano (Ich folge dir gleichfalls mit freudigen Schritten). Ces deux solistes sont issues du chœur Vox Luminis, formation belge dont les membres, wallons, flamands et étrangers, sont rompus pour la plupart à la langue de Goethe.
Membre également du chœur, le ténor Raphael Höhn – seul nom indiqué dans le programme de salle – est distribué en Évangéliste et interprète ses nombreux récitatifs en un style élégiaque et le plus souvent doloriste, comme il sied à cet ouvrage. Fondateur en 2004 de Vox Luminis, et actuel chef et directeur artistique de cet ensemble de musique ancienne, Lionel Meunier prend également à son compte le rôle de Jésus, chantant parmi le pupitre de basses.
L’évangéliste mis à part, les choristes sont présents au nombre de seize, soit quatre pupitres de quatre chanteurs, le plus gros de l’effectif venant interpréter, tour à tour sur le devant de la scène, les parties solistes. L’ensemble de ces interventions montrent réellement des qualités de solistes, la venue la plus marquante étant celle de l’alto solo dans son air « Es ist vollbracht ». Il s’agit d’un vrai moment de grâce suspendue, une voix qui plane accompagnée d’un doux continuo, formant aussi la plus belle musicalité de la soirée. Le passage est chanté par un homme, le seul parmi les deux pupitres de femmes. Renseignements pris, il s’agit du contre-ténor Alexander Chance, fils du fameux autre contre-ténor Michael Chance – bon sang ne saurait mentir ! – qu’on pouvait applaudir dans les années 1990.
L’air de la première soprano est aussi joliment conduit et aérien, une autre soprano chantant plus tard « Zerfliesse, mein Herze », autre grand moment d’émotion, la voix paraissant transporter la douleur. Tout au long de ce concert, l’équilibre semble naturel entre les forces musicales et vocales, la fusion s’effectuant dans une constante cohésion d’ensemble. Et c’est ce beau travail d’ensemble, cette fusion entre deux formations de grande valeur, que l’on retient en priorité à l’issue de cette forte représentation.
I.F. Photos Caroline Doutre
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