Une très belle clôture de saison !
Ciné-opéra. La Favorite, Gaetano Donizetti. Venise, théâtre de la Fenice. 6 mai 2016, retransmis en différé le 14 juin 2016, via All Opera, Cinéma Capitole-Studio, Le Pontet (84)
Direction, Donato Renzetti. Mise en scène, Rosetta Cucchi.
Leonore, Veronica Simeoni. Fernand, John Osborn.
Orchestre du Teatro La Fenice, Venice
Sur le site de All Opera :
Cette histoire c’est une grande, grande histoire romantique et romanesque, avec la passion, la mort, l’amour.
La Favorite de Donizetti s’installe à La Fenice. John Osborn y incarne Fernand, le jeune novice amoureux de la maîtresse « favorite » d’Alphonse XI, roi de Castille. Une intrigue qui se joue dans l’Espagne du XVIe siècle, au temps des luttes de pouvoir entre Eglise et Etat et de leurs tumultes illustrés de très belles pages lyriques. Veronica Simeoni incarne cette Léonore de Guzman, pleinement, intensément, sans pathos excessif, mais avec une sensibilité très perceptible. Très à l’aise dans cette tessiture, elle a la noblesse et le charme de cette favorite dont Fernand demandera la main, ignorant tout du statut de la belle.
Une fois le pot aux roses découvert, l’union scellée explosera et Ferdinand retournera au couvent pour méditer sur ce désastre dans le sublime aria « La maîtresse du roi !… Ange si pur ». Il sera rejoint par Léonore pleine de remords mais épuisée par le long chemin jusqu’au monastère. Tellement affaiblie qu’elle en meurt aux pieds de l’autel dans les bras de Fernand qui l’accable de reproches avant l’ultime réconciliation dans le magnifique duo « Va-t-en d’ici ».
Résumé
Fernand est un jeune moine, au moyen-âge, qui s’apprête à prononcer ses vœux. Cependant, Fernand confie à Balthazar qu’il est tombé amoureux d’une jeune femme et décide de renoncer à sa vie recluse pour la retrouver. Il rejoint alors sa bien-aimée, Léonore de Guzman, qui est la courtisane préférée du roi Alphonse XI.
Lorsque Fernand comprend qu’en réalité Léonore est la maîtresse du roi, il se replie dans le monastère pour y prononcer ses vœux. Léonore l’y rejoint et le supplie de la pardonner.
Mais alors qu’il est sur le point de quitter le monastère, Léonore, que la douleur a beaucoup affectée, meurt dans ses bras.
Fernand jure alors qu’il ne lui survivra pas et qu’il la retrouvera de l’autre côté.
La Fenice a choisi de programmer la version originale de l’œuvre, celle que Donizetti a composée lors de son séjour parisien pour l’Opéra de Paris. C’est donc à la version française que nous avons assisté, qui n’a pas subi comme la version italienne les désagréments de la censure.
Nous ne parlerons que peu de la production qui se voulait intemporelle, mais qui tombe vite dans le non-sens et le patchwork : à vouloir trop faire, on finit par friser le ridicule !
Heureusement que la distribution, de très haut niveau, est arrivée à nous faire oublier ces décors et costumes incertains.
Pour tous les interprètes c’était une prise de rôle, qui demande une diction plus que parfaite, que tous les protagonistes y compris le chœur possédaient. Cela était d’autant plus important pour nous spectateurs français que l’ouvrage était donné dans notre langue, tout était très compréhensible si bien que nous n’avions aucun besoin des sous-titres.
Cette œuvre demande vocalement des tessitures qui marient le bel canto et le lyrique pur avec un sens dramatique.
C’est pourquoi Donizetti a confié le rôle principal à un mezzo-soprano colorature dramatique. Veronica Simeoni (Leonora, la favorite) possède l’homogénéité du registre, la douceur du timbre, la capacité de mettre en scène son personnage avec la sécurité et la chaleur de l’interprétation ; ce fut pour elle une belle prise de rôle, tous les éléments y étaient. Son interprétation a besoin d’être rodée pour qu’elle puisse dépasser la retenue du « vouloir bien faire » qui l’a handicapée dans l’expression dramatique de son personnage. C’est dans son grand air « Ô mon Fernand » qu’elle donne toute la nuance de son interprétation avec un médium clair, contrôlé et expressif qui met en valeur la souffrance qu’elle ressent, sa cabalette est une très belle leçon de chant colorature.
John Osborn (Fernand) est le ténor idéal pour ce rôle il possède tous les atouts exigés. Un sens dramatique et un lyrico spinto comme l’exige la partition sans négliger les nuances et les demi-teintes qui nous ont séduit. Chez lui tout est sous contrôle, autant les dialogues que les arias, son air du 4ème acte est une véritable prouesse vocale avec des aigus maîtrisés, une ligne de chant digne des plus grands interprètes du rôle, notamment Luciano Pavarotti.
On le retrouve avec grand plaisir le baryton Vito Priante (Alphonse XI), qui nous avait tellement séduit dans son rôle de valet de la Cenerentolla à Rome. Il l’a l’élégance, la séduction, l’agilité, la vivacité que demande son interprétation, c’est une étoile montante de l’opéra actuellement. Il nous a gratifiés d’un chant sensible émouvant, avec des aigus d’une grand beauté, au médium en nuance et sous contrôle, sa cabalette est une véritable leçon de chant où le souffle est maîtrisé comme il le faut pour exprimer de manière forte ses sentiments et ses supplications auprès de Léonora.
Les seconds rôles, qui ont leur importance dans le déroulement du drame, sont tous de très haut niveau, en commençant par Simon Lim (Baldassare) basse noble, expressive, avec une belle tenue de scène qui situe bien son personnage. Yvan Yon Rivas (Gaspard), jeune et talentueux baryton, donne toute la noirceur à son interprétation d’officier au service du Roi.
Enfin pour le rôle d’Inez, la Fenice a choisi une Française, de surcroît une Provençale, en la personne de Pauline Rouillard. Un très beau soprano lyrique, une belle expression scénique ; dommage que cette artiste soit obligée de s’expatrier en Italie pour faire une carrière ! Certes nous l’avons déjà entendue à Avignon et au Cnipal, et l’Opéra de Lyon l’a programmée pour la saison prochaine dans L’Enfant et les Sortilèges de Maurice Ravel. Mais elle mériterait de se produire davantage dans notre région. Et surprise en ce 14 juin : la pétillante Pauline Rouillard était ce soir-là dans la salle du Capitole-Studio avec son professeur de Pérouse, la mezzo soprano Roberta Mattelli, et sa famille de Salon-de-Provence qui n’avait pu l’accompagner en mai à Venise. (JL.A. & G.ad.)