Un Mahler bien compris et bien traduit
Jeudi 9 décembre 2021, 19h, durée 1h15, Opéra Berlioz Le Corum, Montpellier (site officiel). Vendredi 10 décembre 2021, 20h30, Opéra Grand Avignon (site officiel) Orchestre National Avignon-Provence. Orchestre National Montpellier Occitanie. Direction,Debora Waldman
Gustav Mahler, Symphonie n°5
Y aurait-il du changement chez le mélomane avignonnais, était-ce un effet de Mort à Venise et du célèbre adagietto, ou tous les Mahlériens de la région s’étaient-ils donné rendez-vous pour entendre cette 5ème de Mahler ? Toujours est-il qu’en cette soirée du 10 décembre la salle de l’opéra du Grand Avignon était pratiquement pleine, nettement plus garnie que pour le pourtant célébrissime concerto pour violon de Beethoven quelques jours plus tôt. La musique de Mahler a rarement eu l’honneur de notre salle de concert. Sur ces 24 dernières années, je ne l’ai retrouvée programmée que 6 fois : la symphonie n° 1 (1997, 2008), les Kindertotenlieder (1998, 2006), les Rückert Lieder, dans leur version chant-piano (2007), et le seul adagietto de la 5ème symphonie, en 2000. Rien, donc, depuis 13 ans. Cette 5ème symphonie, composée en 1901-1902, et créée à Cologne en 1904, marque un tournant dans l’œuvre du compositeur. Elle met fin à la période des symphonies inspirées du Knabenwunderhorn (Le cor merveilleux de l’enfant), à l’écoute plus facile, et introduit les suivantes, plus complexes, plus introspectives et avant-gardistes pour leur époque. Elle marque aussi un retour au seul effectif orchestral après trois symphonies dans lesquelles intervient la voix humaine. Loin du schéma de la symphonie classique, elle est constituée de 5 mouvements répartis en trois parties, dont un vaste scherzo central. Les orchestres nationaux d’Avignon-Provence et de Montpellier avaient fusionné pour nous en donner l’interprétation de Debora Waldman, soit un effectif de près de 80 musiciens qui s’avérait cependant à dominante nettement montpelliéraine (88 vs 39). Autant le dire d’emblée, l’interprétation fut de haute tenue et a comblé un public qui manifesta longuement sa satisfaction une fois le concert achevé. Debora Waldman a su maîtriser l’œuvre d’un bout à l’autre, dans les nuances, la dynamique, le choix des tempi, aidée par un orchestre homogène, engagé, où l’on a pu noter la bonne tenue de tous les pupitres, une mention particulière devant être accordée à la trompette solo, fort sollicitée dans la première partie, et au cor solo du scherzo. Dans le premier mouvement, la cheffe avait fait le choix de dédramatiser quelque peu la marche funèbre en proposant aux cordes, en opposition aux élans dramatiques et passionnés de l’orchestre, une mélodie plus douce et retenue, une façon d’annoncer dans le drame la délivrance à venir, un choix, somme toute, intéressant. Même schéma dans le deuxième mouvement, maintenu toutefois sous tension par ses élans sauvages et angoissants. Le scherzo fut pour moi le plus beau moment, une sorte de décompression, de relâchement après ces instants dramatiques, venant confirmer la lueur d’espoir entrevue vers des moments plus heureux. Jolis pizzicati aux cordes, mais un final que j’aurais préféré un peu plus délié. L’adagietto, censé traduire cette recherche d’instants plus radieux, ne m’a cependant pas totalement transporté, peut-être le point un peu plus faible de cette interprétation, avant un dernier mouvement empreint d’une certaine légèreté, enjoué, triomphal, victorieux du drame. Au final, en tout cas, un Mahler bien compris et traduit, qui a fait le bonheur de tout le public. B.D. Photo David Giancatarina
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