Winterreise en Luberon…
Le programme de cette soirée inaugurale du Festival Pierre Cardin à Lacoste n’était certes pas le Voyage d’hiver de Schubert, mais la température en était toute proche ! C’est ce qu’on redoute toujours l’été en Provence, le mistral pouvant être terrible. Un vent glacial soufflait en effet dans les Carrières du château, comme dans toute la région, transperçant les spectateurs malgré blousons et couvertures… Le concert, lui, était rare et élégant, et l’on n’aurait manqué pour rien au monde la présence du ténor allemand en Luberon.
« Qu’un si grand ténor accepte de venir dans un lieu qu’il ne connaît pas était inespéré », s’était réjoui Pierre Cardin quelques semaines plus tôt lors de sa présentation de saison. En effet, avait renchéri Eve Ruggieri, « Nous n’espérions pas… C’est un très beau cadeau. Jonas Kaufmann est un phénomène, et avant tout un formidable musicien, sans doute l’un des plus grands ténors d’aujourd’hui, avec les qualités d’un Pavarotti, notamment l’excellente projection de la voix ».
De fait, le répertoire de Jonas Kaufmann est particulièrement large, avec une palette vocale chatoyante, des aigus somptueux, et des médiums dignes des plus chaleureux barytons… Et un charme ravageur !
Néanmoins l’on avait tremblé jusqu’au dernier moment… S’il avait certes chanté quelques jours plus tôt à Munich, ce wagnérien de longue date avait pourtant annulé pour raison de santé, le 7 juillet, ses débuts à Baden Baden dans le rôle de Sigmund de la Walkyrie ; et pour la seconde représentation également, le 10 juillet, il avait été remplacé par le jeune ténor héroïque autrichien Andreas Schager.
Mais à Lacoste Jonas Kaufmann était là, et bien présent, souriant, visiblement heureux d’être là. Dans un français fluide, l’artiste a plaisanté sur la météo alors même que le vent emmêlait ses boucles et soulevait les pans de son frac. Il a même dû plusieurs fois aider l’assistant tourneur de page à retenir les partitions du pianiste. Sans se départir de son sourire charmeur, avec panache il a bravé les bourrasques, déployant envers et contre tout une large palette vocale, allant du baryton de bronze au ténor de velours, dans un programme que l’on a découvert en cours de soirée, tout en subtilité et en nuances.
Le chanteur était accompagné de l’Autrichien Helmut Deutsch, pianiste, compositeur, et musicologue. Jonas Kaufmann, qui fut pianiste pendant 15 ans avant de privilégier la voix, avait été à Munich l’élève de Deutsch, son aîné de près de 25 ans. Devenus amis, ils sont désormais complices artistiques depuis une vingtaine d’années. Ils se produisent en Lieder ou en récitals chambristes, autour de Liszt, Mahler, Duparc, Richard Strauss ou Lehar par exemple, ou Britten également comme ce soir-là, choisissant d’ailleurs de marier des pages connues avec des pépites qu’ils aiment faire découvrir. Pas de bel canto donc à Lacoste, mais des airs intimistes et délicats, ce qui n’a pas manqué de dérouter une – petite – partie du public, venue plutôt écouter un récital lyrique.
Quoi qu’il en soit, et malgré les circonstances, cette ouverture aura écrit une page superbe dans les annales du festival. (G.ad. Photos G.ad.)
La suite du Festival Pierre Cardin à Lacoste
-Samedi 16 et dimanche 17 juillet, Carrières. Martha Argerich (piano) et ses amis.
-Mardi 19 juillet, Château. Gérard Chambre, « Moi, j’aime le music-hall ».
-Mercredi 20 juillet, Carrières. Eve Ruggieri, « Richard Wagner et Louis II de Bavière ».
-Vendredi 22 juillet, Petit Théâtre. Véronique Fourcaud, « Moi, Marie, Marquise de Sévigné ».
-Samedi 23 juillet, Carrières. Chœur Accentus, direction Laurence Equilbey, « Mozart solennel ».
-Lundi 25 juillet, Carrières. Mathieu Sempéré, « Luis Mariano, 100 ans ».
-Mercredi 27 juillet, Carrières. Daniele Martini, « Le Portrait de Dorian Gray ».