Festival international de piano de La Roque d’Anthéron 2020
Parc du Château de Florans, Auditorium du Parc, 9 août 2020
Alexandre Kantorow, piano ; Liya Petrova, violon ; David Petrlik, violon ; Antoine Tamestit, alto, Aurélien Pascal, violoncelle ; Yann Dubost, contrebasse
J.Brahms, Ballades n°1 et 2. C. Debussy, Sonate pour violon et piano en sol mineur. J. Brahms, Sonate pour alto et piano n°1 en fa mineur. F. Chopin, Concerto pour piano n°2 en fa mineur, version pour piano et quintette à cordes
Un sextuor de grands artistes, en configuration diverse, pour une belle soirée Brahms/Debussy/Chopin au Festival de La Roque d’Anthéron 2020
Le programme du soir démarre aimablement avec les deux premières ballades de Brahms, où Alexandre Kantorow dégage une impression de sérénité et une grande inspiration dans son interprétation. La deuxième en particulier donne le sentiment d’une autorité naturelle sur les grands accords plaqués, ainsi qu’une délicate subtilité de toucher au cours des douces phrases mélodiques.
Le soliste est rejoint ensuite par la violoniste Liya Petrova pour jouer la Sonate pour violon et piano en sol mineur de Claude Debussy. Le piano a ici plutôt un rôle d’accompagnateur en restituant des sonorités typiquement debussystes et installant une atmosphère parfois empreinte de mystère. Dans l’Allegro vivo, le violon joue sur toute l’étendue de ses notes, le registre grave rappelant les résonances de l’alto. Le deuxième mouvement « Intermède (Fantasque et léger) » propose certains passages à tendance dissonante entre le couple de musiciens, puis le « Finale (très animé) » sollicite la vélocité de la violoniste. Celle-ci fait preuve de musicalité et d’un abattage certain, sans relâcher la justesse d’intonation.
Changement de partenaire pour l’opus de Brahms qui enchaîne : Antoine Tamestit prend place pour la Sonate pour alto et piano n°1. Il s’agit d’une partition davantage équilibrée entre les deux instruments, l’un et l’autre conversant à tour de rôle, ou bien jouant ensemble. Dès les premières mesures, on se délecte des sonorités d’une très grande profondeur du Stradivarius de 1672 de cet instrumentiste parmi les tout meilleurs au monde. L’Andante est doux, très harmonieux, l’Allegretto grazioso évidemment plus dansant et le Vivace final bien plus enlevé, ceci pour les deux instruments mais le piano laisse en permanence une place acoustique à l’alto, sans l’écraser de décibels.
Le Concerto pour piano n°2 de Chopin, dans sa version pour piano et quintette à cordes, est le morceau de choix de la soirée. Les artistes précédents sont rejoints par David Petrlik au violon, Aurélien Pascal au violoncelle et Yann Dubost à la contrebasse, le groupe des cordes constituant pour l’occasion une formation de chambre de haute qualité. L’auditeur, qui a dans l’oreille le concerto de Chopin joué habituellement par l’orchestre au complet, peut se sentir frustré par moments d’être privé de la diversité et de la richesse des timbres instrumentaux, ainsi que d’une certaine puissance, une ampleur du son. Mais d’un autre côté, cette formation chambriste amène aussi quelques avantages. Par exemple au plus fort des climax orchestraux, le pianiste n’est plus obligé de lutter contre la phalange, mais peut dialoguer à volumes plus équilibrés avec ses collègues musiciens. Le piano en ressort encore plus, et quel soliste nous avons ce soir ! Chez Alexandre Kantorow, tout est passionnant : virtuosité, légèreté, choix exemplaires des tempi, nuances idéales et l’on entend absolument toutes les notes, même celles des arpèges les plus rapides.
A la demande du public qui applaudit debout, le pianiste offre le final de L’oiseau de feu de Stravinsky, un autre très grand moment d’interprétation, entre émotion et spectaculaire… du très grand art ! (F.J.)
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