Somptueuses découvertes, jeunes artistes à suivre…
Festival Musique à la Ferme. La « Chèvrerie », Lançon de Provence, le 8 juin 2022
Jeunes talents de l’Académie musicale Philippe Jaroussky
Adèle Lorenzi-Favart, soprano ; Arthur Decaris, violon ; Bo-Geun Park, violoncelle ; Gaspard Thomas, piano
Programme « Voyage à l’Est » : Dvořák, Scriabine, Penderecki, Beethoven, Brahms, Ullmann, Mendelssohn, Tchaïkovski, Rimski-Korsakov, Chostakovitch
Créée en 2017 au sein de la Seine Musicale à Boulogne-Billancourt, l’Académie Musicale Philippe Jaroussky développe des programmes d’actions avec la volonté de favoriser l’insertion sociale et professionnelle de jeunes par la musique classique. Le programme « Jeunes talents » offre à de jeunes musiciens un accompagnement vers l’insertion professionnelle grâce à des masterclass auprès de grands artistes : Geneviève Laurenceau, Christian-Pierre Lamarca, David Kadouch, Philippe Jaroussky.
Malgré leur jeune âge – 25 ans en moyenne -, les quatre artistes qu’accueille le Festival Musique à la Ferme n’en sont pas moins extrêmement talentueux et déjà dans la carrière en se produisant, seul ou en formation, en concert. Etant issus de la promotion « Tchaïkovski » de l’Académie Musicale Philippe Jaroussky, ils ont choisi un programme musical et vocal intitulé « Voyage à l’Est », peuplé en majorité de compositeurs russes, mais aussi allemands avec, entre autres, Beethoven et Brahms.
La soirée démarre avec un air du compositeur tchèque Dvořák, où Adèle Lorenzi-Favart est accompagnée par les trois musiciens, très bien équilibrés et coordonnés. On entend d’emblée une voix joliment timbrée, capable de puissance, avec un vibrato présent mais sous contrôle.
Après une interprétation sensible au piano de la Valse de Scriabine op.38, qui résonne avec générosité dans la vaste halle de la chèvrerie à l’acoustique favorable, vient un morceau furieusement moderne, le Capriccio pour violoncelle de Penderecki. Le compositeur polonais disparu récemment Krzysztof Penderecki (1933-2020) fait en effet preuve d’une folle inventivité pour ce morceau qui flirte souvent avec la musique expérimentale et où toutes les techniques de jeu de l’instrument sont explorées : frottements des cordes habituelles, mais aussi des brins de l’autre côté du chevalet, du chevalet lui-même, des pizzicati, toutes sortes de frappements sur les cordes, la caisse, des glissandi avec brutales cassures de rythmes… Bo-Geun Park aborde cet Everest avec engagement et montre une totale maîtrise de son instrument.
On retourne à plus classique, voire à un certain académisme avec la Sonate n°6 de Beethoven jouée par le violon et le piano, tous les deux émettant des notes bien détachées dans les passages rapides de virtuosité. On reste ensuite en Allemagne avec la Sonate n°2 de Brahms au violoncelle et piano, moins équilibré dans la balance acoustique avec un piano qui a tendance à couvrir nettement son partenaire.
Séquence vocale pour terminer la première partie, avec tout d’abord un chant yiddish de Viktor Ullmann composé dans le camp de concentration de Theresienstadt, interprété avec sensibilité et intériorité par la soprano, qui veille aussi à la bonne articulation du texte. Retour de Dvořák ensuite, un air accompagné au violon et piano, où la voix s’épanouit avec force, d’une qualité homogène sur toute la tessiture.
Après l’entracte, le Trio op.49 de Mendelssohn fait entendre un ensemble harmonieux où les instruments développent tour à tour les somptueuses mélodies de haute inspiration. Dans l’air de Tchaïkovski qui suit, Adèle Lorenzi-Favart puise dans un médium capiteux, et poursuit dans la composition de Rimski-Korsakov qui enchaîne « Le rossignol et la rose », très bien accompagnée par le piano et le contre-chant ajouté du violon d’Arthur Decaris.
Le violon maîtrise également la Cadenza de Penderecki suivante, un morceau moins expérimental que celui de la première partie, mais parfois dissonant et par ailleurs très difficile dans sa rapidité d’exécution.
Deux airs de Chostakovitch concluent le programme, d’abord une ambiance de tempête au violon et piano, ponctuée par un chant forte, avant le calme rendu par le violoncelle.
Les quatre jeunes et véritables talents accordent en bis le premier air de la soirée, celui de Dvořák, avec à nouveau le même aboutissement technique et interprétatif.
Au bilan, de somptueuses découvertes au cours de ce long programme de deux heures et demie avec entracte, plein de précieuses raretés… et évidemment des artistes à suivre !
F.J. Photos I.F.
Laisser un commentaire