Conservatoire à Rayonnement Régional, Amphithéâtre Mozart (15 janvier 2017). Réservation à l’Opéra Grand Avignon : 04 90 14 26 40. www.operagrandavignon.com
Jean-Marc Aymes, clavecin. « Suittes dans le goust françois » : Froberger, Couperin, D’Anglebert, Reinken, Bach
Des « suittes » dansantes à souhait
Programme original (graphie comprise) que celui des « suittes dans le goust françois » donné dans le cadre de Musique Baroque en Avignon par Jean-Marc Aymes. Original parce que nous en avons quelque peu perdu les codes, mais de toute façon fort intéressant.
Initialement liées à des danses, dont elles ont d’ailleurs gardé les noms, les « Suittes » étaient au XVIIe siècle une succession rapide de plusieurs modes chorégraphiques différents. Elles se sont ensuite éloignées des pas de danse, pour devenir musique seule, et Jean-Marc Aymes, claveciniste, organiste, fondateur et directeur artistique de l’ensemble marseillais bien connu Concerto Soave et créateur du Festival Mars en Baroque, s’attache légitimement à faire revivre dans toute leur fraîcheur ces pièces qui ont illuminé le luth puis le clavecin au long des XVII et XVIIIe siècles. Au commencement donc étaient l’Allemande, la Courante et la Sarabande, à laquelle la Gigue s’ajouta vers le milieu du XVIIe. Le précurseur fut, non un Français mais un sujet de l’empereur d’Autriche et élève de l’Italien Frescobaldi, Johan Jakob Froberger ; il écrivit des « suites » – avec ou sans gigue – à côté de toccatas et autres fantaisies et capricci ; l’ordre des danses n’y était pas fixe, et c’est ce répertoire qu’il emporta dans une tournée européenne de deux années, composant même une allemande sur un vol dont il avait été victime en chemin ! Pendant cette tournée, il impressionnera le jeune Louis Couperin, l’oncle de François, qui créera à son tour des « suittes » à sa façon, empreintes de poésie et d’émotion personnelle (chaconne, passacaille…).
On retrouvera ensuite l’ordonnance classique allemande-courante-sarabande-gigue, en Allemagne chez Reinkein, qui influencera ensuite Bach, et à la cour du Roi Soleil dans la virtuosité d’Anglebert. Bach, lui, dans les années 1720, mariera tous les genres, tous les tons, toutes les danses, pour faire de ses « suittes », selon les mots de Jean-Marc Aymes lui-même, un « sommet de la littérature pour clavecin ».
Dommage que le concert dans l’amphithéâtre Mozart n’ait réuni qu’un public réduit – mais de choix, évidemment ! -, victime qu’il a été de concurrence musicale, artistique, et sportive multiple… Car la sensibilité joyeuse de l’interprétation, et la présentation succincte des pièces par l’artiste a ouvert aux néophytes, et précisé aux mélomanes, les couleurs d’un univers chatoyant (G.ad. Photo Eric Bourillon).