Avant le 1er concert de Noël de Musique Baroque en Avignon (16 décembre 2018), nous avons eu envie de « casser » l’interview traditionnelle. Nous avons lancé deux questions aux principaux acteurs du concert, espérant qu’ils renvoient la balle. Ils ont joué le jeu, le chef soulignant même se réjouir de « cette proposition en forme d’interrogation, qui dans l’esprit de mélange de cultures du chœur Homilius ! »
Voici donc un bouquet fait des réponses de Sébastien di Mayo (chef du chœur Homilius, et à la direction de ce concert), Cordelia Palm (1er violon des Solistes d’Avignon), Sophie Saint-Blancat (2nd violon), Fabrice Durand (alto), Emmanuel Lécureuil (violoncelle)….
Des réponses qui dessinent un univers baroque foisonnant.
-Qu’évoque pour vous le mot « baroque »?
–(Sébastien di Mayo, chef) La lumière, la richesse des sons et des constructions musicales, parfois l’exubérance, le plaisir du « beau ».
–(Fabrice Durand, alto) Pour moi le baroque correspond à une esthétique, à une éthique culturelle, à des choix harmoniques, mélodiques, le tout lié à un parc instrumental disponible à l’époque. L’amour de la musique de l’époque est relié à une histoire commune qui perdure à travers les générations comme la présence de gènes communs. L’histoire est présente en nous de manière inconsciente et faire revivre la musique de cette époque est comme ancrer en nous ce qu’il y a de bon, et de beau.
-Le concert du 16 décembre 2018, dans le cadre de Musique Baroque en Avignon, fait figurer, à côté de Bach, Homilius, ou Buxtehude, une œuvre d’Ola Gjeilo. En quoi un programme qui va jusqu’aux compositeurs contemporains peut-il représenter « le rayonnement du baroque » ?
–(Sébastien di Mayo) Le baroque nous surprend par la beauté des œuvres, et la faculté d’exprimer de façon brillante un texte parfois lourd de sens. La rencontre au sein d’un même programme du baroque et d’un compositeur contemporain traduit à la fois la continuité de la musique dans l’histoire et le dépassement du style d’écriture, tout en permettant un changement d’ambiance musicale propice à l’appropriation du propos : si les deux pièces majeures que sont le motet Jesu meine Freude et la cantate Der Herr ist mit mir constituent des fondements théologiques forts dans la vie des chrétiens, les deux pièces contemporaines mettent en lumière l’apaisement et la confiance du croyant, qui s’est approprié les exégèses des textes précédemment chantés. Ces deux pièces d’Ola Gjeilo sont alors une véritable respiration qui appelle à la méditation et au calme, après la richesse des pièces baroques.
–(Fabrice Durand) Les musiques des décennies, des siècles suivants, ne sont qu’une sorte d’actualisation des savoirs, une maturation des connaissances, des goûts, des esthétiques. Leurs connivences sont plus proches qu’on ne le croit souvent, si on se laisse porter par elles, sans tabou ni règle, avec curiosité et ouverture spirituelle.